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Liquidation judiciaire : la Sicaba cherche à se réinventer autour d’une nouvelle organisation

L’aventure de la Sicaba prendra fin le 15 juin prochain, après l’annonce de sa liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Cusset. La coopérative, soutenue par un noyau d’éleveurs motivés, est en quête d’un nouveau modèle. L’objectif, créer une structure fédératrice permettant de faire perdurer la valorisation des viandes sous signes de qualité. Deux éleveurs adhérents en label rouge et en bio témoignent.

Bovins viande / génisses charolaises au pâturage / Label Rouge Charolais du Bourbonnais
Les producteurs fédérés au sein de Sicaba n’entendent pas baisser les bras et souhaitent désormais se tourner vers l’avenir.
© François d'Alteroche

La Sicaba, Société d’intérêt collectif agricole de Bourbon-l’Archambault dans l’Allier (1), s’était placée en redressement judiciaire le 2 février 2023. La coopérative avait alors entamé un plan de restructuration. Le déplacement de l’activité d’abattage vers le site de Vichy en octobre 2023 avait fait partie des mesures phares.

Trouver de nouveaux repères

Les efforts engagés n’auront malheureusement pas suffi aux yeux du tribunal de commerce de Cusset, qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire le 30 avril dernier. « Nous étions parvenus à créer un réseau d’éleveurs de bovins et d’ovins fidèles à la structure, qui se sentent désormais comme "orphelins". La fermeture du site de Bourbon-l’Archambault, créé en 1964, premier label rouge en France et première entreprise labellisée en agriculture biologique, met fin à une méthode de travail en confiance, développée au fil des générations », partage Hélène Richard, présidente de la Sicaba et éleveuse de 90 vaches charolaises en agriculture biologique.

Les producteurs fédérés au sein de Sicaba n’entendent pas baisser les bras et souhaitent désormais se tourner vers l’avenir. « Les éleveurs adhérents étant tous situés dans un rayon de 40 km autour du site de Bourbon-l’Archambault, la coopérative avait fait le choix de ne pas investir dans des bétaillères. Cette spécificité tombe à l’eau aujourd’hui, nous devons repenser toute l’organisation de la filière en amont. Nous consultons actuellement différents partenaires de sorte à trouver la meilleure solution pour l’ensemble des éleveurs de Sicaba », poursuit sa présidente.

« Nous n’avons jamais déclassé une bête auprès de nos adhérents »

Autre spécificité de la coopérative, l’ensemble des animaux labélisables étaient payés suivant la grille d’achat label rouge ou bio. « Cet engagement tenu pendant 60 ans de ne jamais déclasser une bête auprès de nos adhérents a été l’ADN de Sicaba, mais aussi un des éléments déclencheurs de son cancer. Depuis déjà plusieurs années, nous ne parvenions plus à commercialiser l’intégralité de nos viandes sous signes de qualité », explique l’éleveuse.

La crise de Covid-19, qui avait conduit à l’arrêt temporaire des débouchés en restauration collective, puis l’explosion des charges survenue en 2022 avaient accentué les difficultés, provoquant la cessation de paiements.

« Le fait que les éleveurs soient rémunérés en fonction du cahier des charges dans lesquels ils sont engagés me paraît logique. Pourtant, la Sicaba était le seul outil à s’y tenir. Il nous semble illusoire de penser que cette philosophie va perdurer », confie Nicolas Damotte, éleveur adhérent à la coopérative, qui a pris part récemment à un groupe de réflexion autour de la nouvelle structure fédératrice.

Les éleveurs étudient différentes options pour faire perdurer leur production sous signes de qualité et en tirer les plus-values méritées. « Si nous arrivons à garder un noyau d’adhérents soudé, nous pourrions imaginer la mise en place d’une caisse de solidarité en se mettant d’accord sur un prix moyen payé pour les bêtes labelisables », soulève l’éleveur. D’autres pistes de réflexion sont sur la table.

« Le fait de resserrer nos débouchés sur des créneaux plus rentables, orientés plutôt sur des commandes en carcasses entières ou en demi-carcasses, est une autre piste envisagée. Lorsqu’on éclate moins les morceaux, on réalise forcément des économies », ajoute Hélène Richard.

Reste à savoir combien d’éleveurs seront enclins à poursuivre l’aventure, certains devant essuyer de lourdes ardoises. En lien avec le redressement judiciaire, aucun animal abattu entre le 15 décembre 2022 et le 31 janvier 2023 n’avait été réglé. Les montants de créance avaient été très variables, allant de 200 euros à 30 000 euros suivant les dates de sortie programmées par chacun. Actuellement, la présidente de la Sicaba estime un transfert des volumes abattus vers le site de Vichy à hauteur de 80 % environ.

(1) Le site de Bourbon-l’Archambault comprenait un abattoir, deux centres de transit et un atelier de découpe et de transformation complété d’une boucherie. Il employait 89 personnes pour une production annuelle de 3 000 à 3 100 tonnes équivalent carcasse.

Pierre Olivier, Gaec du Taix à Buxières-les-Mines dans l’Allier, 2 associés, 200 ha, 95 vaches charolaises à vêler et 140 brebis en système naisseur engraisseur. L’exploitation est engagée en label rouge, le « Charolais bourbonnais » pour les bovins et « L’agneau fermier du Bourbonnais » pour les ovins. Pierre Olivier est aussi vice-président de la Sicaba.

« L’enjeu est de perpétuer la valorisation de nos animaux sous signes de qualité »

« Mon grand-père a adhéré à la Sicaba dès sa création, en 1964, et la collaboration s’est poursuivie depuis trois générations. Tous nos animaux étaient abattus et commercialisés via la Sicaba. Les apports annuels représentaient en moyenne entre 10 et 20 génisses, 30 à 40 vaches, une quarantaine de jeunes bovins et une centaine d’agneaux sous label. Nous avions bien conscience des difficultés que la structure traversait depuis 2018. Nous nous sommes retrouvés avec 900 euros de créances pour des agneaux abattus au moment de la cessation de paiements. Le fait d’étaler nos sorties entre nos deux productions nous a sauvés la mise. Le bon point, c’est que nous n’avons jamais cessé de livrer nos animaux, même pendant la période d’observation. Lorsque l’activité d’abattage a été déplacée sur le site de Vichy, nous avons continué de nous charger du transport pendant une phase transitoire, passant de 40 km de trajet aller-retour à 120 km. Le temps passé et les coûts étaient importants, c’est pourquoi nous sommes passés ensuite par le centre d’allotement aménagé dans l’ancienne bouverie à Bourbon-l’Archambault. Mais cette organisation va cesser lorsque l’outil va définitivement fermer ses portes le 15 juin prochain. Nous réfléchissons donc avec d’autres éleveurs fidèles à la Sicaba à des solutions alternatives. Au-delà du prix payé, le fait de commercialiser notre production sous label constitue une forme de reconnaissance de notre travail, de notre savoir-faire et des traditions perpétuées dans nos zones donc il est important de maintenir cette logique-là. »

Lire aussi | « L’abattoir mobile, c’est un besoin impérieux »

Nicolas Damotte, Gaec Damotte à Châtillon dans l’Allier, 2 associés, 282 ha, 160 vaches charolaises et aubracs à vêler en système naisseur engraisseur. L’exploitation est engagée en agriculture biologique. 

« Nous espérons conserver un noyau d’adhérents soudé »

« Mon père, dont j’ai pris la suite sur l’exploitation familiale, a adhéré à la Sicaba après sa conversion en agriculture biologique lors de la crise de la vache folle. La collaboration a duré vingt-cinq ans. Nous vendions chaque année une trentaine de génisses et à peu près le même nombre en vaches de réforme. Nous nous retrouvons avec quatre bovins impayés, ce qui représente une ardoise d’environ 9 000 euros. L’exploitation étant située à une quinzaine de kilomètres du site de Bourbon-l’Archambault, nous avions pour habitude de livrer nos animaux le matin même de la tuerie, limitant ainsi leur temps d’attente. Depuis le déplacement de l’activité d’abattage sur le site de Vichy, nos bêtes arrivent la veille sur place. Les délais avant l’abattage restent courts mais nous avons tout de même l’impression de perdre en termes de bien-être animal. Dans tous les cas, nous parviendrons toujours à vendre notre viande au regard de la conjoncture mais reste à savoir sous quelles conditions. Dans le contexte actuel de liquidation judiciaire de la Sicaba, je me suis rapproché du bureau avec d’autres éleveurs dans le cadre d’un groupe de réflexion avec l’objectif de repenser l’organisation. L’enjeu est que nous parvenions à conserver un noyau d’adhérents soudé. Ainsi, nous pourrions imaginer la mise en place d’une caisse de solidarité en se mettant d’accord sur un prix moyen payé pour les bêtes labélisables. D’autres pistes de réflexion sont sur la table. L’idée de fond est de ne pas tout perdre. »

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