Groupement des éleveurs girondins : un groupement d’éleveurs monte sa marque et ses boucheries
En Gironde, un noyau d’éleveurs de bovins allaitants s’est regroupé dans les années 1980, décidé à maîtriser tous les maillons « de la fourche à la fourchette ». Aujourd’hui, le Groupement des éleveurs girondins fait naître, abattre et vend ses animaux dans le département.
En Gironde, un noyau d’éleveurs de bovins allaitants s’est regroupé dans les années 1980, décidé à maîtriser tous les maillons « de la fourche à la fourchette ». Aujourd’hui, le Groupement des éleveurs girondins fait naître, abattre et vend ses animaux dans le département.



Dans un département où la vigne est la production de premier plan, l’élevage allaitant est souvent considéré comme « la cinquième roue de la charrette », rapportent différents membres du Groupement des éleveurs girondins (GEG). Pour s’en sortir malgré leur petit nombre, une initiative portée par un éleveur et élu de la chambre, Pierre Petit, naît en 1983 avec un syndicat agricole. « Nous étions pour la plupart en polyculture élevage, avec des vignes ou des céréales. Beaucoup ont arrêté l’élevage, ceux qui ont continué sont des passionnés », évoque Serge Chiappa, aujourd’hui président du GEG.
En 1996, la crise de la vache folle amène un tournant dans la production : « Les éleveurs, qui élevaient essentiellement des animaux pour la voie maigre, ont commencé à engraisser sur place », explique Philippe Nompeix, directeur du GEG.
« Faire de notre handicap un atout »
Dans les années 2000, le syndicat, devenu une coopérative, développe une section cheville et crée sa marque pour fournir les bouchers de bovins principalement de races blonde d’Aquitaine, limousine et bazadaise. Communication et promotion sur les foires attirent des clients, mais il est difficile de fournir une liste précise des bouchers qui distribuent leurs produits. « Nous avons décidé d’ouvrir notre propre boucherie dans l’Entre-deux-Mers, en 2002, pour répondre à la demande de viande au détail. »
Le groupement ouvrira ainsi cinq boucheries, de façon échelonnée jusqu’en 2019, en passant d’abord par la location de commerce. « La coopérative n’a pas le statut d’une structure commerciale. Elle détient la SAS Éleveurs girondins à 100 % et toutes ses filiales », précise-t-il. Au fil des ans, le GEG est devenu propriétaire de chaque boucherie et a construit lui-même les commerces. « C’est un important programme d’investissement, qui réunit entre 3,5 et 4 millions d’euros au total. Les boucheries nous ont permis de transformer notre handicap – celui de manquer souvent en volumes – en atout, par une meilleure maîtrise des étapes de la filière », soutient le directeur, avant de souligner : « La gestion des boucheries demande de mesurer le taux de rendement et de s’appuyer sur des indicateurs fiables pour suivre la réalité des ventes. »
Dans un contexte de hausse du prix de la viande, le GEG a dû trouver un compromis : « Nous n’avons pas répercuté toute la hausse sur le prix de vente afin de nous maintenir dans une démarche de commerce équitable. Nous nous positionnons à des prix un peu plus bas que la concurrence (la côte de bœuf à 27 euros le kilo), mais avec la confiance du client dans la qualité supérieure et l’origine locale du produit », détaille Philippe Nompeix. Affichant un chiffre d’affaires de 7,5 millions d’euros pour les cinq boucheries, le GEG tire son équilibre financier grâce à ses magasins, où il a également développé une activité de traiteur, gage de fidélisation des clients. « Nous formons des jeunes au métier de boucher, à raison de six à huit apprentis par an. » La coopérative a également noué des partenariats avec des grandes surfaces et souhaite développer davantage la vente de barquettes.
Un abattoir taillé sur mesure
Pour compléter la stratégie de la « fourche à la fourchette », il manquait un maillon au GEG depuis la fermeture de l’abattoir de Bordeaux en 2011. « Nous envoyions les animaux à l’abattoir de Bergerac, à une centaine de kilomètres. Ce long trajet n’était pas cohérent avec notre politique locale », soulève Serge Chiappa. Après plusieurs années de combat politique et de délais techniques, un nouvel abattoir de proximité voit le jour dans la commune de Bègles, alors dirigée par Noël Mamère.
Actif depuis avril 2021, l’abattoir a été taillé sur mesure pour s’adapter aux volumes de la coopérative. « Nous avons deux chaînes, une ovine et une bovine, qui tournent trois jours par semaine, décrit Philippe Nompeix. Nous produisons 650 tonnes annuelles, toutes espèces confondues. »
Entre vingt et vingt-cinq bovins sont abattus chaque semaine. Les animaux arrivent généralement le matin et patientent en logette dans la bouverie, où ils profitent « d’un fond sonore avec des bruits de la nature ». Sur la chaîne, six à sept opérateurs sont à l’œuvre pour assurer une cadence de quatre bovins à l’heure. « Les opérateurs ont du temps, ce qui leur permet d’effectuer les tâches avec minutie, insiste le directeur. Ils sont polyvalents : chacun peut intervenir sur plusieurs postes. » Après l’étourdissement systématique, la saignée et la dépouille, les carcasses sont coupées en deux au moyen d’une scie électrique. Une fois pesées, elles sont stockées 24 heures dans le frigo de ressuyage, à 1,4 °C, puis dans une chambre d’affinage pendant minimum dix jours. « Nous visons une qualité de carcasse U3 », note-t-il.
L’abattoir, construit de toutes pièces à une époque où la plupart ferment ou sont rénovés, dispose d’équipement conforme aux normes les plus récentes : « Des fenêtres laissent passer la lumière extérieure. Le plafond est plus haut pour s’adapter au gabarit supérieur des animaux, expose Serge Chiappa. Les logettes sont également plus larges pour que les vaches puissent se lever et se coucher avec aisance. »
En comptant la salle de découpe, le coût total de l’investissement s’élève à 5,2 millions d’euros. « L’abattoir est un outil indispensable, mais pas rentable, reconnaît Philippe Nompeix. Il nous garantit les volumes dont nous avons besoin pour générer de la valeur ajoutée. Sans la filière, l’abattoir seul ne peut pas exister. » Le groupement se donne pour objectif de parvenir à 850 tonnes annuelles pour atteindre l’équilibre financier.
« Je ne conçois pas mon système sans le groupement »
Dans la commune d’Asques, au bord de la Dordogne, Guillaume Vandenberghe élève soixante-quinze mères limousines en système naisseur-engraisseur. Il est apporteur à 100 % au GEG : « C’est un choix d’entreprise. Je finis tous les animaux pour avoir des carcasses de qualité, que le boucher se fasse plaisir dans la découpe. En gage de cette qualité, je fais confiance au GEG pour valoriser la viande. La coopérative prend 4 % de frais de gestion. Aujourd’hui, je ne conçois pas mon système d’élevage sans le groupement. » Après son installation en 2006, Guillaume Vandenberghe a fait évoluer le troupeau, devenant sélectionneur par la même occasion. « Le poids moyen à l’abattage est passé de 400 à 550 kg de carcasse. Je vends une quinzaine de reproducteurs par an, mâles et femelles. Tout le reste est fini. Chaque année, je produis environ six veaux fermiers, dix-sept jeunes bovins (JB) engraissés 12 mois, quinze génisses grasses de 30 mois et vingt-cinq vaches de réforme âgées de 6 ans. Mon objectif est de développer le bœuf gras et diminuer les JB. » À un prix de vente qui oscille entre 6 et 6,40 euros le kilo carcasse, l’éleveur y trouve son compte et a ouvert une boutique à la ferme pour proposer une vente mensuelle.
De l’autre côté de l’estuaire, dans le Médoc, Nicolas Faure Roux élève également des limousines. « L’histoire entre la ferme et le GEG date d’il y a trente ans. La collaboration a commencé par la vente de bœuf gras. » Après l’incendie de la ferme en 2014, Nicolas a choisi de se spécialiser dans la finition. « Nous sommes passés de trente animaux finis par an à cent quatre-vingt en 2023. » Jeunes bovins, femelles de trois ans et bœufs gras naissent et sont engraissés sur place. « Nous complétons par l’achat d’animaux maigres que nous engraissons et revendons au GEG. » Pour Nicolas, l’intérêt du groupement est sa capacité à tenir les prix : « Nous vendons aussi bien aux boucheries locales qu’aux grandes surfaces de proximité avec la même grille. Il n’y a pas de différence de tarif. »
Chiffres clés
Nombre d’adhérents : 130 (dont 10 en ovin)
Chiffre d’affaires des boucheries : 7,5 millions d’euros par an
Tonnage annuel : 650 tonnes (bovin et ovin)
Effectif salarié : 60 en 2025 (contre 6 en 2000)