Les argentins se penchent sur leur empreinte carbone
L’élevage serait à lui seul responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre d’Argentine. Face à l’exigence accrue des consommateurs, les systèmes d’élevage en agroforesterie sont montrés en exemple.
L’élevage serait à lui seul responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre d’Argentine. Face à l’exigence accrue des consommateurs, les systèmes d’élevage en agroforesterie sont montrés en exemple.
« L’empreinte, quoi ? Ah oui, les émissions de carbone de la filière !.. » Alejandro Bessana, attaché de presse du syndicat agricole Confédérations rurales argentines, réagit désormais rapidement dès qu’un journaliste l'appelle pour l'interroger à ce sujet. Depuis peu, les représentants des éleveurs argentins prennent cette thématique très au sérieux. Ce n’est plus seulement l’affaire des scientifiques. Et pour cause : selon Cristián Feldkamp, auteur du rapport du gouvernement argentin présenté à l’ONU sur la participation du pays au changement climatique, près d’un tiers (28,6 %) du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Argentine proviendrait de l’élevage bovin, et 98 % de cette responsabilité incomberait aux vaches et veaux élevés en extensif en système herbager.
Les animaux qui paissent les prairies d’Argentine émettent beaucoup de méthane pour peu de kilos vifs produits. Le fret routier du transport des veaux vers les zones d’engraissement, la consommation d’énergie des abattoirs et le fret maritime vers l’Europe ou d'autres lointaines destination pèseraient, ensemble, à peine plus de 2 % du total des émissions de GES de la filière bœuf Argentine.
« Ce résultat est surprenant, mais les scientifiques le constatent aussi ailleurs », assure Cristián Feldkamp, qui a mené son enquête au sein de l’association AACREA(1). Cette incidence soi-disant minime du fret dans le calcul de l’empreinte carbone du bœuf rassure surtout les exportateurs, très attentifs aux tendances du marché. Car l’empreinte carbone surgit à leurs yeux comme une exigence supplémentaire, voire une menace.
Les consommateurs s'interrogent
« En Allemagne, notre plus gros marché d’exportation, et dans le Sud-Est asiatique, des consommateurs toujours plus nombreux s’interrogent sur l’empreinte carbone du bœuf. La mondialisation d’une telle exigence peut toucher le commerce », reconnaît Cristián Feldkamp.
Il a recensé 91 types d’élevage différents en Argentine et conclut que plus le système est intensif, plus les émissions s’amoindrissent. Des systèmes intégrés à la forêt, sur environ 80 000 hectares dans le Nord-Est du pays, sont montrés en exemple.
L’Institut de promotion du bœuf argentin (IPCVA) finance d'ailleurs un projet de recherche sur des systèmes intégrés à la culture d’eucalyptus. En charge du projet, Jorge Esquivel, conseiller auprès de la scierie Zeni (20 000 ha de forêt, combinée à l’élevage extensif à Corrientes) croit avoir trouvé la solution : une vache élevée en extensif (avec une charge animale inférieure à 1 UGB/ha) émet ici environ 1,2 t d’équivalent carbone par an alors qu’un hectare de forêt dans ces zones tropicales capte de 10 à 15 t de carbone par an. Parallèlement, il prône également l’enrichissement des rations afin d'avoir des animaux plus efficients et accroître ainsi leur potentiel de croissance pour un moindre temps de présence en élevage.
Autre bon point pour les exportateurs, selon Cristián Feldkamp : « tant que les scientifiques ne se mettront pas d’accord sur leurs méthodes de calcul, en particulier sur le taux d’équivalence du méthane au carbone pour mesurer son potentiel de réchauffement climatique, aucune négociation commerciale ne pourra y être liée »l.
Déjà, il évalue non plus seulement les émissions de gaz issues du bétail rendu à l’abattoir, mais la véritable empreinte carbone du morceau de bœuf argentin proposé sur un étalage à Rotterdam ou à Bangkok. Affaire à suivre.
(1) Association argentine des consortium régionaux d’expérimentation agricole, équivalent des centres d’expérimentation technique agricole français.