« Le réseau relationnel, c’est essentiel »
Jean-Paul Boyer est négociant en bestiaux dans l’Aveyron. Il baigne dans le milieu depuis son enfance, a le métier chevillé au corps et en est un ardent défenseur.
Jean-Paul Boyer est négociant en bestiaux dans l’Aveyron. Il baigne dans le milieu depuis son enfance, a le métier chevillé au corps et en est un ardent défenseur.
Fils de marchand de bestiaux, j’ai été imprégné par le métier dès que j’ai eu l’âge de marcher. Jeune, je suivais mon père dans les fermes et sur les foires. J’étais tout gamin, mais je me souviens comme si c’était hier de centaines de paires de bœufs de travail alignées sur les champs de foire, au moment où arrivait la mécanisation.
L’école de la vie
J’ai acheté ma première bête à 10 ans et demi. J’étais très fier avec mon carnet de tickets et mon stylo. C’était une génisse de 16 mois qui était… pleine. Mon père a été sans pitié : « Tu l’as achetée, tu la vendras, je ne veux rien savoir. » J’ai perdu 40 francs que j’ai pris sur mes maigres économies. C’était l’école de la vie et c’est ce jour où j’ai appris à assumer mes paroles et mes actes. La deuxième bête, c’était un veau culard. Il a gagné 700 francs.
Rebelle
J’ai quitté l’école à 16 ans. J’étais un peu rebelle. J’ai travaillé avec mon père, mais on n’avait pas la même vision des choses. À 19 ans, un négociant de l’Aveyron m’a pris en stage pour un mois. J’y suis resté dix ans. Je sillonnais la France, du dimanche soir au samedi soir.
Guerrier
Je me suis mis à mon compte en 1991 avec l’idée d’innover, d’aller chercher de nouveaux marchés. J’étais assez guerrier pour ça. Je suis un passionné de race Aubrac. J’en ai vendu en Guyane française et en ex-RDA, peu de temps après la chute du mur de Berlin. J’ai fourni la moitié des génisses qui sont parties en Russie, en relation avec mon ancien patron. J’ai expédié des animaux dans 19 pays.
Kazakhstan
L’exportation de 345 Aubrac au Kazakhstan reste un moment important dans ma carrière. C’est une fierté personnelle d’avoir pu vendre des Aubrac en Asie malgré beaucoup de peaux de banane et la complexité d’une opération qui a demandé six mois de travail intense.
Le réseau
Pour ouvrir des portes, il faut s’appuyer sur le travail des éleveurs, sur un produit qui tient la route et sur le relationnel. Un bon réseau de relations est essentiel dans notre métier. Des opérations comme le Kazakhstan, ça ne se fait pas par Internet mais par le « on m’a dit que… » !
Hors-bord
Je suis un petit entrepreneur, atypique. Nous sommes cinq à six personnes. Mais, je suis comme un hors-bord face à des paquebots. Je prends beaucoup d’éclaboussures, je suis facilement distancé parce qu’il n’y a pas les mêmes chevaux sous le capot. Mais je mets moins de temps à virer de bord quand une tempête est annoncée. Mais, il faut être partout, aux achats, à l’expédition, à l’administratif… C’est prenant mais tellement motivant.
Labeur
Ce n’est pas le labeur qui use mais ce qui entrave le labeur, à savoir les distorsions de concurrence avec de l’argent public dépensé à tort et à travers dans des structures qui n’ont jamais rien prouvé ou encore le mille-feuilles administratif et ses nombreuses incohérences.
Tempérament
J’ai un foutu tempérament. J’ai l’habitude de dire ce que je pense et je ne supporte pas l’injustice. Parfois, ça dérange. Mais, je suis ainsi.
Terrain de foot
Le marché de Laissac est mon terrain de foot. Quand j’ai acheté 200 bêtes, je suis aussi heureux qu’un joueur qui a marqué un but ou un essai dans un match de rugby.
Bonne bête
Une bonne bête, c’est celle qui gagne de l’argent. Cela ne m’empêche pas d’y être très attaché. Dans ma ferme, je vais vêler une centaine de vaches.
Des professionnels
Les paysans ne doivent pas se tromper de cible. Tant qu’il y aura des commerçants professionnels, qui ouvrent des portes, trouvent des marchés, ils pourront tenir la tête hors de l’eau. Les producteurs de porcs, intégrés depuis quarante ans, sont-ils mieux aujourd’hui ?