Plateforme Miimosa
Le financement participatif pour développer un projet
Pour créer son atelier de découpe et de transformation à la ferme, Laetitia Dumont a sollicité les internautes par le biais de la plateforme Miimosa. Zoom sur l'essor du crowdfunding.
Pour créer son atelier de découpe et de transformation à la ferme, Laetitia Dumont a sollicité les internautes par le biais de la plateforme Miimosa. Zoom sur l'essor du crowdfunding.
Le financement participatif (crowdfunding en anglais) est un mode de financement du XXIe siècle permettant au grand public de soutenir financièrement et collectivement des projets qui le séduisent. Depuis 2010, ce secteur est en plein essor en France. Le potentiel de ses fonds récoltés double chaque année. Ainsi, 150 millions d’euros ont été collectés par ce biais en 2014 pour atteindre 300 millions en 2015. Le principe est simple : des plateformes de financement participatif proposent de mettre en relation, via un site internet, des investisseurs et des porteurs de projets. Ce mécanisme permet de récolter des fonds auprès d’un large public, désireux de financer un projet.
Depuis le lancement des plateformes en 2007, 2,3 millions de contributeurs ont financé un projet en crowdfunding permettant le financement de près de 18 000 projets en 2015. « On se trouve dans une vraie dynamique durable », observe Florian Breton, fondateur et président de la plateforme Miimosa, premier site exclusivement dédié à l’agriculture et à l’alimentation, lancé fin 2014. « Plusieurs constats m’ont poussé à le créer. D’un côté, la fragilisation grandissante de l’agriculture dont la chaîne de financement traditionnel – Europe, État, banques — ne suffit plus à soutenir son développement et, de l’autre, les concitoyens qui expriment de plus en plus leur désir de donner du sens à leur argent en soutenant directement des projets porteurs de sens à leurs yeux et qui souhaitent de plus en plus se rendre consommateurs acteurs de leur alimentation. Les projets agricoles (0,6 à 0,7 % du marché du crowdfunding) et agroalimentaires (1 %) sont très peu représentés sur un marché ultra dominé par la culture, musique en tête. En créant Miimosa, j’ai voulu proposer un moyen de mettre en relation directement ces deux mondes », explique Florian Breton.
Un fonctionnement sur le principe du don contre don
« Miimosa peut représenter une alternative à la banque, un complément de financement ou un apport en fonds propres permettant de faire levier pour un financement bancaire », note le fondateur du site. En agriculture, on fait surtout appel au financement don contre don. Le principe est simple : il consiste à décrire en quelques mots et photos le projet sur la plateforme choisie, à définir la somme dont on a besoin et la durée de la collecte (15 à 60 jours maximum). Les internautes désirant soutenir le projet peuvent ainsi faire des dons. Ils reçoivent en contrepartie un don en nature de l’exploitation porteuse du projet (visite d’exploitation, adoption d’une bête, bouteille de vin, caissette de viandes...). Ces récompenses sont graduées en fonction du montant des soutiens.
En deux ans, la plateforme a permis de financer 600 projets pour 2,5 millions d’euros collectés. « C’est un record pour une plateforme de financement participatif et c’est très prometteur pour l’agriculture et les entreprises alimentaires », souligne Florian Breton. Sur le marché du don contre don en nature, le projet moyen financé s’élève à 4 100 €, il est de 6 500 € sur Miimosa, justifié notamment par une contribution moyenne deux fois plus importante (110 € contre 55 €). La fourchette de collecte va de 1 000 à 50 000 euros au-delà, le financement bancaire est préférable.
Un atelier de découpe grâce au financement participatif
Laëtitia Dumont, éleveuse à Saint Aubin le Vertueux dans l’Eure, a eu recours à Miimosa lors de son installation sur l’exploitation de son mari, afin de financer un atelier de découpe et de transformation à la ferme et l’agrandissement du magasin existant. « Au départ, je ne voulais pas faire appel au financement participatif. Mais j’ai assisté à une présentation faite par un membre de la plateforme, au Salon de l’agriculture 2016 qui m’a convaincue. La somme récoltée par le biais du financement participatif est venue compléter les autres moyens de financement du projet (autofinancement, emprunt bancaire et subvention de l’Etat). J’ai rempli un questionnaire par Internet pour détailler le projet (explication, financement…) et donné la liste des contributeurs que j’envisageais de solliciter (famille, amis, clients...). N’ayant pas de formation agricole, j’ai effectué un BPREA au cours duquel je me suis penchée sur mon initiative », explique Laëtitia Dumont. « Le travail de préparation va dépendre du degré de maturité de l’exploitant vis-à-vis du financement participatif. Globalement, on compte deux à trois semaines », souligne Florian Breton.
La commission réunie au sein de Miimosa a étudié le projet et l’a validé. « Il a été retenu avec appel aux dons de trois mois pour 5 000 euros. J'avais expliqué le contenu de mon projet sur le site, avec photos à l’appui. Tout au long de la collecte, j’ai communiqué via Facebook, contacté la presse locale et distribué des tracts sur les marchés fermiers. Des personnes de Miimosa m’ont conseillée par téléphone sur la façon de motiver les contributeurs. »
« Des dons sont arrivés après la clôture de la collecte »
A l’issu des trois mois, 4 250 € ont été collectés. « Six mois plus tard, je recevais encore des chèques, atteignant ainsi les 5 000 € demandés. J’ai été agréablement surprise car les principaux contributeurs ont été nos clients. Le seul bémol que je peux formuler concerne le choix de la période de collecte. Nous avons débuté en été, or de nombreux clients étaient absents. » Les contributions offertes en échanges ont été variables selon le montant du don (remerciements, paniers garnis, caissettes de viande, visites de la ferme…). « Des remerciements personnalisés ont été envoyés à chaque donateur que nous convierons autour d’un grand repas. L'inauguration de l'atelier sera également l'occasion de remercier tous les contributeurs », souligne l’éleveuse.
« Sur la plateforme Miimosa, 80 % des projets sont financés, contre 50 à 55 % seulement sur les sites généralistes. La capacité de l’agriculteur à fédérer l’argent et l’accompagnement proposé en amont du projet et pendant la collecte expliquent cet engouement. Il n’y a pas forcément d’échanges sur les plateformes généralistes. Par ailleurs, Miimosa travaille en collaboration avec les chambres d’agriculture qui représentent un relais essentiel de partage et de visibilité pour les projets », précise Florian Breton.
De nombreux types de projets financés
Les types de projets financés sont nombreux : projets d’équipements, de transformation, de logement, de diversification, cheptel, de mise aux normes… « Ceux qui remportent le plus de succès sont ceux issus de petites exploitations familiales, de l’élevage ou en lien avec les boissons alcoolisées (viticulteurs/brasseries/nouveaux produits alcoolisés). La créativité et la qualité des contreparties jouent également, notamment les expériences à la ferme. On refuse 30 % des projets, principalement pour des raisons de mauvais calibrage ou lorsque l’on sent un investissement insuffisant du porteur de projet. D’autre part, il est nécessaire que le projet dispose d’une vraie portée économique pour l’exploitation. On ne finance pas de trésorerie ni de vacances. Une charte a été rédigée avec le Président des chambres d’agriculture », constate Florian Breton.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Miimosa n’est pas un outil pour les seuls jeunes agriculteurs, lesquels totalisent seulement 25 % des projets. Il est effectivement plus facile d’y recourir quand on a un premier écosystème existant. Les moins de 40 ans représentent 55 à 60 % des projets.
« Pour renforcer notre accompagnement auprès des apporteurs de projets, on n’hésite pas à négocier des crédits à taux zéro auprès des banques et à s’adresser aux collectivités locales pour obtenir des fonds supplémentaires. On se rapproche par ailleurs de grandes entreprises nationales en vue de partenariats. L’objectif étant de les impliquer dans le financement de projets. Enfin, pour fidéliser et créer des récurrences auprès des contributeurs, on a élaboré de petites surprises sympas pour leur donner un intérêt à financer un projet », conclut le fondateur de Miimosa.
Miimosa en pratique
Promotion et calibrage, deux points clés pour réussir sa levée de fonds
Avant de se lancer dans une campagne de financement par crowdfunding, il est important de connaître ce type de financement et les règles de fonctionnement de la plateforme de crowdfunding. Il faut savoir qu’une telle campagne se déroule en trois temps : l’avant, le pendant et l’après-campagne.
« En amont de la collecte, il est essentiel de bien définir ses objectifs et de prioriser l’investissement car une fois le projet mis en ligne, une non mobilisation du porteur de projet ou un mauvais calibrage de l’investissement représentent les deux raisons principales de l’échec d’une collecte. Il convient par ailleurs de se questionner sur l’existence d’un réseau personnel qu’il est possible de mobiliser rapidement (composé d’amis, de clients potentiels, d’experts…) et sur les contreparties envisagées, de surcroît séduisantes », rapporte Florian Breton, de la plateforme Miimosa. Le soin donné à la présentation du projet constitue également un point primordial. Il permet de convaincre les internautes de vous suivre.
Une fois la collecte lancée, sa réussite va dépendre de la capacité du porteur du projet à mobiliser son réseau de connaissances directes, c’est-à-dire la famille, les amis, les fournisseurs, les clients... qui représente le premier des trois cercles des contributeurs. « Sur Miimosa, il permet à lui seul de financer en moyenne 60 % du projet. Les fournisseurs, clients, restaurants, bouchers… avec qui travaille l’agriculteur ont tout intérêt à participer. Ainsi, par exemple, dans le cadre d’un élargissement de cheptel, le marchand de bêtes peut y trouver un intérêt commercial… » Le second cercle de contributeurs correspond à celui des indirects, autrement dit, les connaissances du premier cercle. Le dernier cercle regroupe des inconnus (personnes qui financent régulièrement des projets ou qui ont vu un article dans la presse…). Sur les plateformes généralistes, le premier cercle représente 80 % des contributeurs. « Ceci montre que quand on parle d’agriculture, les gens sont beaucoup plus sensibles (consomm’acteurs). » Le travail de communication est ainsi très important pour parler du projet et le faire connaître à un maximum de personnes, la communication touchant tout de même 40 % des contributeurs (indirects et inconnus).
Après la collecte, que le projet ait trouvé les fonds nécessaires ou non, il convient d’informer les financeurs de l’issu du projet et de les remercier. Si les fonds ont été levés, n’oubliez pas les contreparties et d’informer les contributeurs de l’avancée de votre aventure. Ils représentent éventuellement de futurs clients….
Trois formes de crowfunding
Il existe trois formes de crowfunding, le don contre don (Ulule, KissKissBankBank…), le prêt (HelloMerci, Unilend…) et l’investissement en capital (Anaxago, WiSEED). Le premier désigne une campagne qui récompense les internautes donateurs sous forme de contreparties (en général du produit ou du service), le don contre don. Le second se décline sous la forme d’un prêt rémunéré que l’entrepreneur rembourse aux internautes. Et le troisième se présente sous la forme d’une prise de participation au capital de l’entreprise. Dans ce dernier cas, les donateurs deviennent actionnaires de l’entreprise.