Jeunes bovins : « Nous avons économisé 110 euros par place sur notre atelier d’engraissement en un an »
Au Gaec des Landelles, en Loire-Atlantique, l’engraissement de taurillons est une affaire de famille depuis quarante-cinq ans. Avec leur partenaire historique Terrena, les éleveurs se sont engagés dans un nouveau contrat à la fin 2022, qui les a amenés à faire évoluer leurs pratiques d’élevage. Résultat, la marge sur le coût alimentaire par place est passée à 620 euros en 2023.
Au Gaec des Landelles, en Loire-Atlantique, l’engraissement de taurillons est une affaire de famille depuis quarante-cinq ans. Avec leur partenaire historique Terrena, les éleveurs se sont engagés dans un nouveau contrat à la fin 2022, qui les a amenés à faire évoluer leurs pratiques d’élevage. Résultat, la marge sur le coût alimentaire par place est passée à 620 euros en 2023.
Le Gaec des Landelles, à Guémené-Penfao en Loire-Atlantique, a connu de nombreuses restructurations au cours des dix dernières années, comptant aujourd’hui six associés et cinq sites d’exploitation. Ce qui n’a pas changé, c’est l’engraissement de jeunes bovins (JB). « Le site historique était même spécialisé dans cette activité au départ, qui a démarré en 1979 », retrace Franck Daniel, l’un des associés. La structure produit 410 à 420 taurillons à l’année – la quasi-totalité en race charolaise – pour une capacité de 350 places.
Les trois corps de bâtiments, qui étaient déjà dimensionnés pour absorber ce volume à l’époque, ont très peu évolué. « Le bâti est, certes, un peu vieillissant mais il est fonctionnel et il répond aux normes de bien-être animal, avec une densité variant de 3,50 à 5 m² par bovin. Et surtout, il est amorti depuis plus de vingt ans, ce qui réduit considérablement les charges fixes de l’atelier », appuie Corentin Levron, conseiller chez Terrena.
Les vaches laitières rendent service aux taurillons
L’autre grande force du système, c’est son autonomie totale en paille et en fourrages et la synergie trouvée entre l’atelier laitier et celui de taurillons. « Les deux partagent les mêmes silos alors dès que nous observons un décrochage de la production laitière, nous nous montrons d’autant plus attentifs sur le rationnement des JB », évoque Franck Daniel. Les exploitants réalisent des analyses fourragères tous les trois mois, qu’ils croisent avec les résultats de pesée. Au niveau de l’alimentation, la mélangeuse, d’une capacité de 36 m3, sert pour les vaches laitières et les taurillons.
« En 2022, la marge sur le coût alimentaire affichait environ 540 euros à la place. Quant à la marge brute à l’année, elle se situait entre 600 et 700 euros, ce qui représentait déjà de bons résultats, mais nous nous sommes lancé le défi de faire mieux », soutient Corentin Levron. À la fin de l’année, les éleveurs ont fait le point sur leurs pratiques d’élevage et se sont engagés dans un dispositif « JB Gold » avec leur coopérative Terrena.
Un taux d’occupation de 83 à 88 %
Le travail s’est d’abord axé sur le taux d’occupation du bâtiment, qui était de 83 % en 2022. Avec l’aide de l’outil de planification Conselio, qui calcule automatiquement la date de sortie prévisionnelle et la commande du lot suivant, le taux a été porté à 88 % à la fin de l’année 2023. « Traduit en kilos de viande produits en plus, cet effort de logistique a représenté un gain de 10 000 euros à l’échelle de l’atelier sur un an », reprend Corentin Levron.
Un travail de fond a également été réalisé sur le volet sanitaire. « Le coût sanitaire annuel à la place s’élevait à 200 euros au Gaec des Landelles, en lien notamment avec des taux de mortalité (5 %) et de morbidité (8 %) assez élevés. Entre 60 et 70 % des problèmes étaient liés aux boiteries », analyse le conseiller.
Les associés ont revu leur organisation de travail, de sorte à renforcer le temps de surveillance aux taurillons. Le rationnement a par ailleurs été ajusté. Au cours de l’année 2023, les éleveurs sont passés de la distribution de deux à trois rations différenciées en fonction du stade d’engraissement. « L’apport de blé a également été revu à la baisse en phase de finition pour diminuer le risque d’apparition des boiteries », fait savoir Corentin Levron.
Des pesées plus régulières
En matière de performances, « en 2023, nous avons observé un décrochage quasi systématique une fois les 600 kg de poids vif dépassés », complète Franck Daniel. Pour pointer plus finement les pertes de croissance, les éleveurs pèsent désormais leurs lots de taurillons tous les deux à trois mois. « Nous sommes équipés d’une bascule de pesée et d’une contention depuis 1984, mais le matériel servait uniquement avant le départ des taurillons pour l’abattage. Maintenant, les poids enregistrés aident aussi à ajuster les rations », explique l’éleveur.
« Le temps passé à la manutention est payé par le GMQ gagné », estime Franck Daniel, associé au Gaec des Landelles.
Les résultats sont en effet au rendez-vous. « Le taux de mortalité a fléchi de 3 points (1,7 %) et le coût sanitaire annuel à la place, estimé à quasi 200 euros, a baissé de 80 euros en un an, soit une économie de 28 000 euros à l’échelle de l’atelier », calcule Corentin Levron. « Le fait d’augmenter la fréquence de pesée nous permet de voir les animaux marcher plus souvent et donc de déceler plus rapidement les éventuels troubles », appuie Franck Daniel. Côté GMQ, la moyenne s’établissait à 1 540 grammes par jour (g/j) en 2022, l’objectif étant fixé à terme à 1 700 g/j. « Depuis le changement de ration de finition intervenu en février 2024, l’indicateur se situe à 1 620 g/j pour 150 animaux », relève le conseiller Terrena.
Les entrées et sorties rationalisées à la case
En pratique, les broutards arrivent par groupe de 40 et se répartissent dans quatre cases sur paille au sein d’un bâtiment indépendant dédié à la quarantaine. Le lot constitué au départ reste le même jusqu’à la fin. Les nouveaux pensionnaires sont âgés de 8 à 10 mois à leur arrivée et pèsent entre 320 et 360 kilos. Ils ont été préalablement vaccinés contre l’entérotoxémie et les trois principaux virus respiratoires (Mannheimia haemolytica, VRSB, Pi3) et vermifugés au centre de tri de la coopérative. À la demande du Gaec des Landelles, les animaux reçoivent en plus, durant les périodes sensibles de novembre à mars, du Rispoval intranasal. Leur rappel vaccinal intervient au bout de trois semaines. « Les pompes doseuses historiquement installées pour administrer les antibiotiques dans l’eau de boisson servent désormais à la dilution de propylène glycol, concentré à 1 %, comme revitalisant », indique Franck Daniel.
Tous les lots reçoivent la même base à la mélangeuse le matin et les éleveurs repoussent à l’auge le midi et le soir. En moyenne sur l’année, les exploitants réalisent également quatre cures pour aider à la régulation hépatique (deltabov). Après une première pesée au bout d’un mois, les jeunes bovins basculent dans un bâtiment intermédiaire sur caillebotis d’une capacité totale de 100 places, où ils séjournent environ douze semaines, avec au menu une ration d’entretien. « Les éleveurs visent sur cette phase d’engraissement 2 kg de croît par jour et jusqu’à 600 kg de poids vif pour passer à la phase de finition », souligne Corentin Levron. Les jeunes bovins sont alors à nouveau pesés et transitent ensuite vers le dernier bâtiment sur litière accumulée pour la phase de finition, où ils restent environ quatre mois.
En moyenne, les taurillons partent entre 700 et 800 kg de poids vif, pour un poids moyen de 440 kg de carcasse. Dans 80 % des cas, leur conformation affiche U, les 20 % restants étant R. En 2023, le prix moyen des jeunes bovins s’élevait à 5,33 euros du kilo de carcasse.
En termes d’organisation du travail, trois des associés se répartissent les tâches sur l’atelier d’engraissement, entre les soins et la surveillance, le raclage et le paillage et le suivi administratif et technique. Les éleveurs estiment passer trois à quatre heures par jour en moyenne, temps de chargement/déchargement et manutention inclus.
Fiche élevage du Gaec des Landelles
- 540 ha de SAU dont 190 ha de maïs, 250 ha de céréales à paille (blé, orge), 50 ha en maraîchage (haricots, flageolets, petits pois), 40 ha de prairies temporaires et le reste en prairies naturelles
- 215 vaches laitières (3 millions de litres à l’année)
- 2 000 places de porc à l’engraissement
- 350 places de taurillons à l’engraissement
- 5 associés, 2 salariés et 2 apprentis
« Une vision claire sur la rentabilité du système à l’instant T »
« Avant l’instauration du contrat "JB Gold", le système reposait sur une conduite traditionnelle où les jeunes bovins étaient uniquement pesés avant départ. Depuis, le schéma de travail mis en place incluant des pesées entre la période de quarantaine, la croissance et la finition permet aux éleveurs de suivre au fil de l’engraissement les performances de chaque animal et de réagir rapidement en cas de décrochage de croissance. Avec la conjoncture du prix de la viande bovine actuel, une augmentation du GMQ de 100 g, c’est 30 centimes en plus par animal chaque jour, soit un produit supplémentaire de 35 000 euros à l’échelle de l’atelier du Gaec des Landelles. Ramené à la marge sur coût alimentaire, ça représenterait pour les éleveurs un gain estimé à 10 000 euros. Avec l’outil de pilotage Conselio, les exploitants ont une vision claire sur la rentabilité de leur système à l’instant T. Grâce à un ensemble d’indicateurs dynamiques, ils peuvent chiffrer précisément chaque poste et mobiliser les leviers techniques en fonction. »
Une priorisation dans les enlèvements et des compléments de prix à la clé
Le Gaec des Landelles et une trentaine d’autres producteurs ont adhéré au dispositif « JB Gold » lancé par la coopérative Terrena il y a sept ans. Détails sur le cahier des charges.
La démarche « JB Gold » s’adresse aux engraisseurs spécialisés détenant un atelier de plus de cent taurillons et conduit en bandes. Les producteurs engraisseurs sont accompagnés par un conseiller, avec l’obligation de peser les animaux tous les trois mois (tolérance de 80 à 100 jours) et d’utiliser le logiciel Conselio pour leur suivi d’élevage (1). L’outil, conçu par Terrena, met à jour les inventaires, aide au pilotage du rationnement et des performances à l’engraissement et recense les évènements sanitaires. « L’application de ce cahier des charges permet, de notre point de vue, d’obtenir des résultats technico-économiques efficaces à l’échelle de l’atelier, d’avoir des planifications très précises et ainsi d’améliorer la logistique au sein de la coopérative », justifie Daniel Manceau, responsable technique et développement des filières amont chez Terrena. En effet, l’outil Conselio, qui projette les entrées et sorties d’animaux, optimise les coûts de transport et de main-d’œuvre.
Une plus-value de 8 000 euros
En contrepartie, la coopérative priorise les éleveurs « JB Gold » dans les enlèvements et dans les commandes de lots suivantes. Côté prix, les éleveurs engagés peuvent bénéficier d’un bouclier tarifaire, calculé à partir des indicateurs de référence de coût de production, et ils perçoivent des compléments de prix de l’ordre de 5 centimes par kilo de carcasse liés aux économies logistiques réalisées. « Sur un an, ces compléments de prix ont représenté une plus-value de 8 000 euros », témoigne Franck Daniel.
Aujourd’hui, près d’un quart de la production de jeunes bovins contractualisée avec Terrena est produite sous le dispositif « Gold ». « Tous les accompagnements d’ateliers futurs s’inscriront dans ce cadre, car nous sommes convaincus que la technique conditionne la réussite d’une installation et la pérennité d’une production, reprend Daniel Manceau. Mais le lancement de la fusée, c’est d’abord la sécurisation financière et l’encadrement du producteur. »