Favoriser l’installation de la luzerne avec des associations
Association avec des espèces compagnes et choix de la date de semis sont les deux paramètres testés afin de mieux maîtriser le salissement de la luzerne à l’installation, tout en gardant un fourrage productif et riche en protéines.
Association avec des espèces compagnes et choix de la date de semis sont les deux paramètres testés afin de mieux maîtriser le salissement de la luzerne à l’installation, tout en gardant un fourrage productif et riche en protéines.
« Dans le cadre du projet 4AGeprod, nous nous sommes penchés sur la réussite de la production de luzerne en cherchant à favoriser son implantation. Deux séries d’essais (sur 2014-2016 et sur 2015-2017) ont été conduites par les chambres d’agriculture de la Mayenne et de Bretagne avec Arvalis, sur les sites de Brecé et Ernée en Mayenne, de Mauron dans le Morbihan et de La Jaillière en Loire-Atlantique, selon deux types de leviers : l’implantation de la luzerne avec des espèces compagnes, et l’implantation en fin d’été ou de printemps. Les associations visent à mieux contrôler le salissement, tout en gagnant en productivité fourragère et protéique dans la phase d’installation », indique Stéphanie Guibert, conseillère agronomie spécialiste prairie, à la chambre d’agriculture de la Mayenne
Différentes modalités ont été testées : luzerne associée à des trèfles annuels (incarnat, squarrosum, de Micheli, d’Alexandrie), luzerne associée à des trèfles pérennes (trèfle violet et trèfle blanc), luzerne associée à une céréale de printemps (orge, avoine) et comparées à une luzerne pure, désherbée (deux passages en post-levée) et non désherbée. Dans tous les cas, la luzerne a été inoculée et semée à 25 kilos l’hectare.
En semis de fin d’été, le comportement des trois trèfles annuels (de Micheli, incarnat et squarrosum) a été identique intra-site. Par contre, une grande variabilité a été observée entre les sites (Brecé, Ernée et Mauron). « Quand la contribution du trèfle dans le mélange a été modérée, nous n’avons pas observé d’amélioration du rendement, ni de la maîtrise du salissement. À l’inverse, si la contribution du trèfle est forte, on obtient un effet positif sur le rendement et le salissement mais au détriment de la proportion de luzerne. La valeur azotée du trèfle étant plus faible que celle de la luzerne, la densité de la MAT du fourrage est réduite », observe Stéphanie Guibert. En deuxième année, le salissement est, en tendance, plus important, notamment si la contribution des trèfles annuels a été forte en première année. À noter également que, lorsque la proportion de la luzerne est plus faible, il y a un risque de moindre productivité en année 2.
Du côté des trèfles pérennes, « on observe une bonne productivité, un bon contrôle du salissement et une MAT plus faible mais compensée par le rendement en première année en associant luzerne et trèfle violet. Toutefois, la contribution au mélange de ce dernier est très variable d’un site à l’autre (10 à 30 % à Mauron, de 30 à 90 % à Ernée et de 65 à 75 % à Brecé) ». Le comportement du trèfle blanc est plus homogène selon les sites. L’association est moins productive (0 à -20 %), mais la teneur en MAT est plus élevée, donc le rendement en MAT est proche de l’association avec du trèfle violet.
En semis de fin d’été, le désherbage chimique de la luzerne pure permet de sécuriser le rendement. La luzerne est très sensible à la concurrence. « Sa conduite associée à des trèfles annuels ne présente pas d’intérêt en raison d’un fort risque de concurrence pénalisant l’installation de la luzerne. Sans recours aux produits phytosanitaires, l’utilisation de trèfles pérennes comme le trèfle blanc semble être une solution intéressante, car même si la productivité est moindre, le salissement est maîtrisé dans le temps. La modalité trèfle violet est plus productive mais ce dernier est très agressif vis-à-vis de la luzerne. Cette association peut malgré tout être satisfaisante pour valoriser des parcelles hétérogènes, mais apporte moins d’intérêt en conditions sèches. Les associations avec des graminées peuvent aussi présenter de l’attrait (espèces peu agressives à implantation lente, mélange équilibré) mais n’ont pas été testées ici. Par contre, il est essentiel de semer tôt. Sur le site de La Jaillière (Arvalis) et sur deux années d’essais, on a observé une perte de rendement à la première coupe de 25 et 40 % et de 20 et 25 % sur l’année entre un semis à la mi-août et un à la mi-septembre », précise la conseillère.
Les modalités semées au printemps sont en moyenne moins productives que celles semées l’été. « Toutefois, on a pu constater sur le site de Mauron qu’en prenant en compte l’interculture fourragère récoltée avant le semis des modalités de printemps, on avoisine le rendement de la modalité de fin d’été. » La productivité est par ailleurs proche du témoin en première coupe de l’année 2. Dans le cas de la luzerne pure non désherbée, le salissement est plus important sur la première coupe mais sa productivité est supérieure à celle de la luzerne désherbée. De plus, même si la première coupe est sale, les suivantes posent peu de problèmes. Les associations pratiquées au printemps s’avèrent plus intéressantes qu’en fin d’été car la luzerne s’installe plus vite et supporte mieux la concurrence. On constate une bonne maîtrise du salissement de la luzernière associée à une céréale. Une amélioration du rendement et une autre, plus légère, du salissement ont été notées avec les trèfles annuels par rapport à la luzerne non désherbée.
« Pour les modalités de printemps, le salissement est plus fort mais les espèces sont plus faciles à contrôler. Le désherbage chimique ne présente pas d’intérêt. Le désherbage est en général assuré par la première coupe. La moindre productivité peut être compensée si on a la possibilité d’implanter une dérobée (sols avec une réserve en eau correcte qui ressuient bien, permettant une récolte précoce). Les semis de printemps représentent une solution intéressante avec un bémol : il faut éviter les sols battants et très sensibles à la sécheresse », conclut Stéphanie Guibert.
Projet 4AgeProd
4AgeProd est l’un des quatre projets du programme SOS Protein, une initiative des régions Bretagne et Pays de la Loire, confiée au Pôle agronomique Ouest, pour plus d’autonomie protéique dans les élevages de l’Ouest. Son objectif est d'expérimenter, sous plusieurs conditions climatiques représentatives de l'Ouest de la France (Bretagne et Pays de la Loire), des itinéraires de production de fourrages à base de luzerne, d'associations céréales-protéagineux ou graminées-légumineuses et, pour les plus intéressantes (d'un point de vue protéique), de tester leur consommation par des bovins.
Par ailleurs, les partenaires de ce projet cherchent également des leviers pour prolonger la productivité des prairies temporaires pâturées et mettent en place un observatoire thématique des pratiques des agriculteurs sur le territoire.
4AgeProd a été lancé en 2016 pour une durée de quatre ans. Il implique des acteurs économiques, des organismes professionnels agricoles, des organismes de recherche et de formation. Ce projet est cofinancé par le Fonds européen agricole pour le développement rural.
Pour en savoir plus : https://www.pole-agro-ouest.eu/projet-sos-protein/4ageprod/