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Engraisser des bovins plus précoces avec des fourrages grossiers

En jouant sur le type génétique (croisement Angus x Salers) et en optimisant la valeur alimentaire des fourrages, il est possible d’engraisser des animaux jeunes avec des fourrages herbagers et une faible proportion de concentrés.

Tendre vers davantage de précocité sexuelle semble aujourd’hui une solution pour répondre aux défis de l’élevage allaitant. Le projet Effiviande s’est penché sur la précocité de développement. Une expérimentation, inédite en la matière, a ainsi comparé trois types génétiques, Angus x Salers, Salers et Charolais x Salers. « L’idée était de mettre à profit la précocité supposée de l’Angus pour favoriser, sur des taurillons abattus jeunes, la production de carcasses correctement finies avec une ration à base d’herbe et de sous-produits », note Bernard Sepchat, ingénieur au pôle expérimental herbipôle de l’Inrae. Cette expérimentation a été répétée sur deux ans, soit un total de 72 animaux à l’étude.

Les veaux nés l’hiver (janvier-février) ont été sevrés à l’automne à l’âge de 9-10 mois, pour des poids oscillant entre 280 et 350 kg. Après une période de transition, l’engraissement a débuté en octobre pour se finir entre avril et juillet de l’année suivante. Jusqu’au sevrage, les broutards n’ont pas été complémentés. À l’engraissement, les animaux ont bénéficié d’une ration composée d’enrubannage d’herbe (51 %), d’ensilage d’herbe (14 %) et de sous-produits de l’industrie alimentaire (23 % de pulpes de betteraves déshydratées et 12 % de drêches de blé) soit une ration à 0,88 UFV/kg MS, 167 g/kg de MAT et à 99 PDI/UF pour un GMQ objectif de 1 500 g/jour. « L’ensilage d’herbe a été utilisé par sécurité, les stocks d’enrubannage n’étant pas suffisants la première année », souligne Bernard Sepchat.

Une bonne adaptation aux fourrages grossiers

Pour mettre en évidence l’éventuelle précocité de l’Angus, les animaux ont été abattus selon leur note d’état corporel (NEC) et non selon leur poids. « On a choisi d’abattre à une NEC de 3,5. »

Les mâles croisés Angus x Salers ont atteint la NEC recherchée plus rapidement que les autres types raciaux. Ils ont donc été abattus plus tôt. Ainsi, malgré une ingestion de matière sèche aux 100 kg de poids vif supérieure aux Salers et croisés Charolais x Salers, ils ont consommé un cumul de matière sèche inférieur aux autres animaux (1 750 kg de MSI pour les croisés Angus, 2 140 pour les croisés Charolais et 2 172 pour les Salers). « Avec une durée d’engraissement plus courte, la quantité de matière sèche ingérée totale des croisés Angus est moindre. Ces chiffres confirment la meilleure capacité d’ingestion des Angus x Salers par rapport aux autres races ainsi qu’une adaptation aux fourrages grossiers plus efficace », observe le chercheur.

En termes d’efficacité alimentaire, en grammes de gain par kilo de matière sèche ingérée, « on constate une différence d’efficacité significative au profit des croisés Angus x Salers (165 g de croît/kg de MSI soit + 15 g de croît/kg de MSI par rapport aux Charolais x Salers) et les autres types génétiques. Statistiquement, les croisés Angus ont mieux valorisé la ration herbagère que les autres lots. »

Des GMQ à l’engraissement meilleurs

Les mâles Charolais x Salers sont plus lourds à la naissance et au sevrage que les deux autres types raciaux. Ils bénéficient d’une meilleure croissance naissance sevrage, avec un GMQ naissance-sevrage significativement supérieur (1 215 g/jour contre 1 070 pour les Salers et 1 048 pour les croisés Angus). « Cette différence peut s’expliquer par le type génétique mais également par un biais expérimental (différence de qualité de pâturage, les animaux de la naissance au sevrage ne provenant pas tous du même site). Dans des essais conduits pour une autre expérimentation, des croisés Angus x Salers ont obtenu des croissances de 1 200 g/jour de la naissance au sevrage, sans concentrés avec une bonne qualité d’herbe. »

À l’engraissement, ce sont les Angus x Salers qui ont montré de meilleures croissances. Malgré un delta de poids de 70 kg en défaveur du croisement Angus par rapport aux croisés Charolais, cet écart s’est réduit à 40 kg en fin d’engraissement. Les croisés Angus affichent également un GMQ supérieur (1 487 g/jour) de 142 g/jour par rapport aux croisés Charolais et de 180 g/jour pour les Salers, proche de l’objectif des 1 500 g/jour. « Cette meilleure croissance des Angus x Salers peut être liée à une croissance compensatrice en début d’engraissement mais aussi à la meilleure valorisation des fourrages grossiers. »

Des animaux finis plus précocement

Les Angus x Salers ont atteint l’objectif de NEC de 3,5 à un âge de 477 jours pour une durée d’engraissement de 222 jours. Les croisés Charolais ont été abattus à 521 jours (soit + 44 jours par rapport aux croisés Angus) et les Salers à 542 jours (soit + 65 jours). Malgré des durées d’engraissement plus longues, les Charolais x Salers et les Salers n’ont pas atteint la NEC objective, respectivement 3,2 et 3,1. « On n’a pas poursuivi plus longtemps l’essai car l’herbe venait à manquer (été) et il aurait fallu les garder encore au moins un mois de plus pour atteindre la NEC de 3,5. Ceci illustre bien la difficulté de finir des animaux jeunes à l’herbe. »

Côté conformation, les croisés Charolais sont mieux notés, U-, contre R + pour les croisés Angus et les Salers. Le croisement Angus n’a donc rien apporté en termes de classement de carcasse. La durée d’engraissement étant plus longue, le poids carcasse des croisés Charolais est bien entendu plus important. Les croisés Angus ont été abattus à 360 kg de carcasse, contre 436 kg pour le croisement Charolais et 399 kg pour les Salers.

« On observe une teneur en gras de carcasse non significativement différente entre les lots en lien avec le protocole expérimental (abattage selon la NEC). Les Charolais x Salers ont une capacité à développer davantage de muscles que les Angus x Salers. » Concernant la teneur en lipides, si aucune différence n’est à noter en début d’engraissement, très rapidement on en observe une différence significative en faveur des Angus x Salers. Cette variation illustre bien la précocité d’engraissement de ces derniers. Les animaux ayant été abattus trop jeunes, aucune différence notoire n’a été constatée entre les trois types génétiques. L’analyse sensorielle des viandes (tendreté, flaveur, composition nutritionnelle…) reste à faire. « La sélection sur la précocité et la bonne valorisation des fourrages grossiers peut être un moyen d’engraisser ses animaux dans nos régions. »

Photo : Le croisement avec une race précoce comme l’Angus permet d’obtenir des carcasses plus légères avec un bon état d’engraissement, tout en réduisant la durée d’engraissement et donc les charges. (prendre photo RBV 264 nov 2018 p 34)

Projet Effiviande

Le projet Effiviande, démarré en 2018 pour une fin prévue en 2022, vise à proposer et accompagner des systèmes de production de viande allaitants durablement compétitifs et adaptés aux demandes des marchés. Une des actions du projet étudiait les aptitudes à l’engraissement d’animaux précoces avec des fourrages herbagers et des concentrés issus de sous-produits de l’industrie agroalimentaire non concurrents de l’alimentation humaine.

Le travail est conduit en étroite collaboration avec la profession (Interbev, FNB, La coopération agricole) et bénéficie de l’expertise scientifique de l’INRAE. Une dimension importante a été accordée à la concertation des acteurs de filières pour déterminer les meilleurs compromis et solutions mobilisables pour des productions de viandes allaitantes adaptées aux attentes des marchés et des consommateurs.

Un coût de production au kilo en faveur du croisement Angus

Dans le contexte de cet essai, l’Idele s’est penché sur l’amélioration de la multiperformance avec l’utilisation du croisement et des rations herbagères.

 

 
L'utilisation du croisement terminal (AngusxSalers) permet de réduire le besoin en surfaces fourragères.
L'utilisation du croisement terminal (AngusxSalers) permet de réduire le besoin en surfaces fourragères. © J. Sepchat, INRAE

 

Sur le plan économique, les écarts de coûts de production constatés dans les conditions de cet essai (coût alimentaire en contexte de montagne, réduction du temps de travail en lien avec un moindre temps de présence des animaux) conduisent à un avantage de 0,16 €/kgc pour les animaux croisés Angus x Salers, par rapport aux Salers, et de 0,42 €/kgc de ces mêmes animaux par rapport aux croisés Charolais x Salers. À noter néanmoins que ramenée à l’animal, la valorisation (prix à la tête) reste en faveur des Charolais x Salers du fait des différences de poids des carcasses.

« D’autre part, lorsque l’on se penche sur le besoin en surfaces fourragères pour produire ce type d’animaux, on constate que l’engraissement des croisés Angus demande en moyenne 5,3 ares de moins par jeune bovin, par rapport aux deux autres types raciaux », souligne Philippe Dimon, du service production des viandes à l’Institut de l’élevage.

De ce fait, à l’échelle du système, l’utilisation du croisement terminal avec des rations herbagères permet une moindre utilisation de surfaces et une meilleure valorisation des ressources non consommables par l’homme, et pour des engraisseurs spécialisés, des rotations plus rapides. « Cela peut sécuriser le système fourrager avec une meilleure résilience face aux sécheresses, ou permettre la vente de foin ou l’implantation de cultures si c’est possible. Les premiers éléments concernant l’empreinte carbone indiquent un aspect positif du croisement (réduction de temps présence, valorisation de l’herbe). Si les conduites étudiées répondent aux attentes sociétales il reste important, avant de se lancer, de caler son projet avec les opérateurs économiques des filières dans des démarches de contractualisation, pour valoriser au mieux ces nouveaux produits. »

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