[Covid-19] L'Institut de l'Elevage fait le point sur la conjoncture viande bovine
Le 26 mars 2020, Philippe Chotteau, responsable du département Economie de l'Institut de l'Elevage, a animé un point sur la conjoncture en viande bovine en s’attachant à rester factuel, en s’appuyant uniquement sur les données chiffrées qui sont disponibles à ce jour.
Le 26 mars 2020, Philippe Chotteau, responsable du département Economie de l'Institut de l'Elevage, a animé un point sur la conjoncture en viande bovine en s’attachant à rester factuel, en s’appuyant uniquement sur les données chiffrées qui sont disponibles à ce jour.
Pour la consommation, il va falloir patienter pour connaitre les chiffres car on ne disposera du panel Kantar que dans un délai d’un mois et demi. L’indicateur IRi pour les produits frais (dont fait partie la viande bovine) ne concerne que les produits avec Gencod et donc ne reflète qu’une petite partie des achats de viande. « En semaine 12, première semaine du confinement des français, il fait état d’une progression des achats de 12 %. Sur l’ensemble des produits alimentaires, l’indice IRi s’affiche à +41 %. Les représentants de la grande distribution (FCA et FCD) s’attendent à un ralentissement par rapport à la semaine 12 mais tablent pour les semaines à venir sur un niveau de +15 à +20 % par rapport à la normale » informe Philippe Chotteau.
Environ 70 % des flux auparavant destinés à la restauration hors domicile sont actuellement réorientés. Des besoins subsistent en effet dans le secteur de la santé, dans les prisons, dans l’armée et pour une petite partie de la restauration d’entreprise et de la restauration commerciale en vente à emporter. « Ce n’est pas pour la viande bovine que cela est le plus compliqué » observe Philippe Chotteau. Ce secteur en effet est majoritairement alimenté par les importations de viande et celles-ci rencontrent des difficultés logistiques importantes actuellement. « Le passage de la frontière avec l'Allemagne est difficile pour les chauffeurs routiers. Le trafic maritime avec l’Irlande est très fortement ralenti par le nombre réduit de liaisons assurées. Il y a bien des stocks d’import à Rungis mais ils vont finir par s’épuiser. » La réorientation de ces flux pose cependant des problèmes d’organisation du conditionnement de la viande en portions consommateur destinées à la grande distribution.
Les abattages de gros bovins sont eux connus pour les deux dernières semaines grâce aux données de Normabev. « Le rythme d’abattage des vaches allaitantes est assez similaire à celui des deux premiers mois de l’année, avec +1 % par rapport à la même semaine de l’an dernier, si on lisse sur les deux semaines passées » analyse Philippe Chotteau. « Pour les vaches laitières, on est à + 3%. »
Il n’est pas possible à ce jour de se prononcer sur le niveau d’activité des abattoirs français durant les semaines à venir mais pour l’instant ils fonctionnent. « L’Itavi annonce un absentéisme cette semaine écoulée dans les abattoirs de volailles de 10 à 15 %, ce qui complique les choses mais ne les bloquent pas » précise Philippe Chotteau.
Les cotations des vaches, qui étaient jusque-là plus faibles que l’an dernier, se redressent actuellement. Cependant, dans une telle incertitude globale, faire passer un nette hausse des cours parait difficile.
En revanche, la cotation des jeunes bovins U est en phase de baisse saisonnière. Les abattages ont progressé de 6 % en semaine 11 et 15 % en semaine 12 par rapport aux mêmes semaines de 2019. La situation est plus difficile pour les jeunes bovins R destinés au marché allemand qui fonctionne très mal.
En ce qui concerne les broutards, la cotation est en baisse pour les Charolais, essentiellement car le marché italien a du mal à valoriser les aloyaux qui normalement passent en restauration hors domicile. Mais la demande italienne est présente, le marché du maigre se maintient, les exportateurs vers l’Italie poursuivent leur activité même si un manque de personnel peut rendre difficile le travail. Et même dans la région qui était l’épicentre de l’épidémie de Covid-19, des solutions sont trouvées pour faire tourner les abattoirs. On arrive d’autre part à la période de l’année où les disponibilités en maigre français sont les plus faibles. « D’après nos prévisions, les disponibilités en broutard sont d’ailleurs actuellement inférieures à celles de l’an dernier à la même période » note Philippe Chotteau.
« Les envois de broutards sur pays tiers se sont également poursuivis sur les deux dernières semaines. Et ceci, alors que la Tunisie qui est en confinement a beaucoup de mal à faire fonctionner ses échanges et que l’Algérie rencontre un grave problème économique à cause de la baisse du cours des hydrocarbures. »
Philippe Chotteau, Institut de l'Elevage « Nous sommes face à un crash-test de notre système alimentaire »
« Cette crise est assez structurelle, affirme Philippe Chotteau. Il ne s’agit pas simplement de passer les six prochaines semaines en considérant qu’à leur terme, on reviendra au « business as usual ». Il est possible que les ménages français portent à l’issue de la crise davantage d’importance aux fondamentaux que sont la santé, la cuisine maison, et y consacrent une part plus importante qu’auparavant de leur pouvoir d’achat.
Les échanges intracommunautaires de viande bovine étaient très importants avant cette crise et ils sont perturbés par les contrôles aux frontières, le confinement, et le changement des circuits de consommation. La restauration hors domicile a représenté 24 % de la consommation en viande bovine des ménages l’an dernier en France, et chez nos voisins européens elle est d’un niveau comparable, entre 20 et 30 % selon les pays. Soit chaque pays à l’issue de la crise va opérer un repli sur soi, soit une voie d’avenir sera dessinée par l’Europe. »