[Covid-19] Le marché européen de la viande bovine dans la tourmente
Le 23 mars 2020, Philippe Chotteau, responsable du département Economie de l’Institut de l’élevage, a animé un point sur la conjoncture en viande bovine. La consommation française, surtout de steaks hachés, reste conséquente. Les cours des vaches et jeunes bovins sont toujours dans la tourmente, alors que les cours des broutards se maintiennent.
Le 23 mars 2020, Philippe Chotteau, responsable du département Economie de l’Institut de l’élevage, a animé un point sur la conjoncture en viande bovine. La consommation française, surtout de steaks hachés, reste conséquente. Les cours des vaches et jeunes bovins sont toujours dans la tourmente, alors que les cours des broutards se maintiennent.
« Les cours des vaches en France restent extrêmement dégradés (- 6 % par rapport à 2019 pour les vaches laitières). Toutefois, plus on monte en conformation, moins la dégradation est conséquente. Les vaches R= sont à – 3 % par rapport à 2019 (3,72 €/kgéc) et à – 1 % pour les vaches U = (4,39 €/kgéc). Alors même que les abattages en cumul sur les semaines 12 à 16 ont globalement affiché un retrait avec – 13 % pour les abattages de réformes allaitantes », rapporte Philippe Chotteau, responsable du département Economie de l'Institut de l'Elevage, lors du point hebdomadaire de conjoncture qu’il a animé le 23 avril 2020.
En semaine 16 (du 13 au 18 avril), l’ensemble des cours des réformes a été relativement stable. Depuis la semaine 12, date du début du confinement, les cotations se sont cependant repliées, à l’exception de la vache U (+ 1 centime), la vache R a perdu 6 centimes, la vache O 12 et la vache P 5.
Toutefois, selon les grilles d'achat d'opérateurs de l'aval et les remontés des éleveurs, les chiffres FranceAgriMer seraient surestimé par rapport à ceux pratiqués sur le terrain. le prix des vaches R (selon l'âge, la catégorie et le niveau de finition) oscille entre 3,20 et 3,50 € du kilo carcasse.
Jeunes bovins, la situation s'est aggravée
Pour les jeunes bovins, la situation qui, dans un premier temps a été moins affectée que celle des vaches, s’est nettement aggravée ces dernières semaines. Avec un JB U = (3,86 €/kgéc) et un JB R (3,66 €/kgéc) à – 3 % par rapport à 2019. Les abattages sont en recul mais à relativiser avec la journée de Pâques. Les jeunes bovins viande sont à – 12 % par rapport à 2019 mais avec un poids en augmentation ce qui tendrait à indiquer un vieillissement de ces animaux.
« Lorsque l’on regarde les données SPIE des effectifs de jeunes bovins allaitants de 16 à 24 mois en ferme, on observe bien une hausse par rapport à 2019, depuis 3 à 4 semaines. La modélisation Modemo (qui permet d’évaluer les stocks) indique au 19 avril un stock en fermes de 4 900 JB viande par rapport aux prévisions de sorties des semaines 11 à 16. Les stocks sont là mais pas en quantités considérables », estime Philippe Chotteau. Une régionalisation des données est à l’étude. « L’ouverture du stockage privé devrait permettre de pallier au risque d’un afflux de viande de jeunes bovins après le déconfinement. »
Maintien des cours des broutards
Du côté du maigre, « il n’y a pas d’inquiétude actuellement sur le marché du broutard. Les cours se maintiennent bien. En semaine 16, ils ont été reconduits grâce à la demande italienne qui reste ferme et malgré le fléchissement de la demande ibérique. » Les prix restent tout de même à des niveaux inférieurs à ceux de 2018 et 2019 sauf pour les charolais les plus lourds montrent une certaine stabilité.
Les estimations de stocks de mâles de type viande de 4 à 16 mois sont estimées en repli de 4 % par rapport à 2019.
Les exportations vers l’Italie sont quasi stables d’une année sur l’autre, alors que celles vers l’Espagne sont en net retrait, de 32 %. En revanche vers les pays-tiers, les envois en vif sont en grande difficulté. Nos broutards lourds qui correspondent bien à la demande algérienne sont actuellement concurrencés par des JB finis exportés par les espagnols voire par les irlandais. Les limites d’âges imposées désormais par l’Algérie n’ont pas arrangé les choses (plafond de 14 mois et 450 kg). De plus, ce pays fait face à de graves problèmes économiques à cause de la chute du prix des hydrocarbures. Toutes les autres destinations périméditerranéennes sont au point mort.
Des points de difficultés sur le marché européen
Le prix des vaches en Europe continue son effondrement ce qui a contaminé le marché français, même s’il est moins affecté.
En Italie, la consommation reste dynamique avec un report des ventes de la RHD vers les GMS. « La demande reste bonne pour les jeunes bovins et les génisses. Mais les viandes importées semblent de plus en plus faire pression sur les prix. On trouve davantage de viandes importées dans les rayons, françaises et irlandaises et même néerlandaises à prix compétitifs. Un partenariat a été signé la semaine dernière avec Bord Bia (interprofession irlandaise) et Lidl qui pourrait amener encore plus de viande irlandaise. Les imports de Pologne sont toujours à l’arrêt. »
Les ventes en Allemagne sont très loin des niveaux espérés. En Pologne, la dégringolade des cours se poursuit. L’Irlande poursuit la baisse de ses abattages et de ses cours. Mais l’interprofession multiplie ses initiatives pour redresser la situation. Au Royaume-Uni, l’ensemble des prix est désormais à la baisse. En Espagne, le report incomplet de la RHD vers la consommation à domicile et la baisse des ventes de l’Italie entraînent une baisse des prix et ce, malgré le maintien des exports de bovins finis vers le bassin méditerranéen. Comme en Italie, les abattages de vaches de réforme sont quasiment à l’arrêt, faute de débouchés.
Une consommation en augmentation importante
Sur la période allant 16 mars (début du confinement) au 18 avril (semaines 12 à 16), l’indicateur IRi fait état d’une hausse de l’achat de produits de grande consommation et de produits frais en libre-service de + 8 % à la même période en 2019, sur la même période. « La semaine 16 est légèrement en diminution (- 2 %) par rapport à l’année dernière mais elle compte un jour férié, décalé d’une semaine en 2019. Il ne faut donc pas s’arrêter à ce chiffre et plutôt regarder les données des 5 dernières semaines. La consommation de surgelés est en effet sur cette durée en croissance de 36 % », souligne Philippe Chotteau. La consommation du rayon boucherie traditionnelle arrive en second derrière les fruits et légumes. Elle augmente de + 9 % par rapport à 2019.
« Tant que l’on n’a pas les bilans imports-exports, il est difficile de dire s’il y a eu un report total des achats entre restauration hors domicile et GMS. »
En ce qui concerne les viandes hachées (toutes espèces), l’augmentation des achats est impressionnante depuis le début du confinement. Après une explosion de ces derniers concernant les steaks hachés surgelés en semaine 12 (+ 125 %) d’une année sur l’autre, on observe un rééquilibrage des achats entre le frais et le surgelé. Sur les quatre premières semaines de confinement, l’indicateur IRi indique une hausse des achats de + 34 % en viandes hachées fraîches et de + 68 % pour les viandes hachées surgelées par rapport à 2019.