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Bovins viande : voir la décapitalisation comme une opportunité pour changer de modèle

Après les nombreuses polémiques qui ont touché la viande bovine ces derniers mois, MSD Santé Animale a souhaité prendre un peu de hauteur et nourrir le débat en réunissant économistes, vétérinaires et professionnels de la filière à l’occasion d’un symposium organisé à Clermont-Ferrand en juin 2023. Décryptage du marché et esquisse des défis de l’élevage de demain : pour les intervenants, la production française a encore de beaux jours devant elle, à condition que chaque maillon y mette du sien pour maintenir des prix à la production rémunérateurs et attractifs.

« En France, seul 30 % du cheptel allaitant sur les 3,7 millions de têtes au total est détenu dans des exploitations de plus de 100 vaches. La professionnalisation de ...
« En France, seul 30 % du cheptel allaitant sur les 3,7 millions de têtes au total est détenu dans des exploitations de plus de 100 vaches. La professionnalisation de l'élevage est donc une affaire très sérieuse » pointe Vincent Chatellier, de l'Inrae.
© L. Pouchard

En ouverture de cette journée intitulée « la viande bovine, une filière pleine de promesses », MSD Santé Animale (1) débute par le visionnage d'un reportage. « Il faut que les producteurs fassent un effort d’organisation face à quelques acheteurs qui s’entendent la plupart du temps. » « Si les jeunes ruraux ne connaissent pas un meilleur confort, ils partiront et la production bovine en pâtira. » « Nous risquons de manquer de cette denrée alors que la viande rouge est un produit stratégique. » « Plus que jamais, le développement de l’élevage conditionne notre plat de viande quotidien. » Ces différents témoignages d’éleveurs semblent faire parfaitement écho à la situation actuelle du marché. Pourtant, ils sont tout droit extraits des archives de l’Ina datant de 1964.

En période d’après-guerre, alors que la production de viande bovine ne parvenait pas à suivre le rythme de consommation en pleine croissance, les éleveurs plaidaient déjà pour obtenir des prix connus à l’avance et sécuriser le marché. Soixante ans plus tard, la filière bovine française se retrouve à nouveau à un moment charnière. Pour Alessandra Kirsch, directrice des études chez Agriculture Stratégies, « la décapitalisation du cheptel bovin est une opportunité à saisir pour contractualiser et pérenniser les filières ».

Mener une vraie « opération séduction » pour convaincre les consommateurs des intérêts de l’élevage à la française

Parmi les défis à relever, il s’agit de maintenir des prix hauts et une demande pour une viande de qualité. Pour l’experte, le monde de l'élevage a une vraie opération séduction à mener pour « faire en sorte que tous les euros investis le soient dans la production nationale ». « Les consommateurs sont prêts à payer plus s’ils savent pourquoi », assure-t-elle, avant d’ajouter : « l’image de la viande bovine française est mal perçue à l’étranger en termes de compétitivité prix. Le problème, c’est qu’elle contagionne aussi notre marché intérieur ». Pour accroître le consentement à payer des consommateurs et améliorer l’image du rapport qualité prix de la viande bovine française, « il est nécessaire d’expliquer le fonctionnement des exploitations, d’insister sur nos différenciations possibles et de mettre en avant les efforts réalisés » insiste Alessandra Kirsch.

« Réussir la transition agroécologique, c’est parvenir à consommer notre production plutôt que de l’exporter à l’état brut pour acheter derrière hors de nos frontières des produits transformés moins chers et moins qualitatifs » estime Alessandra Kirsch, directrice des études chez Agriculture Stratégies.

« Sur le facteur prix, la filière française ne sera jamais compétitive. Elle n’est pas parvenue à améliorer sa distance par rapport aux grands pays producteurs de viande bovine à l’échelle mondiale » explique Vincent Chatellier, ingénieur de recherche au département EcoSocio à l’Inrae et directeur adjoint de l’Unité Mixte de Recherche SMART. « Nous jonglons sur un marché dans lequel nous ne sommes pas les plus forts, certes, mais ça ne veut pas dire que l’élevage bovin français n’a pas d’avenir » nuance l’économiste.

Soutenir les investissements créateurs de valeur et fédérer les acteurs de la filière

La montée des cours de la viande bovine amorcée depuis fin 2021 à l’échelle internationale est un signal encourageant. « C’est maintenant que se joue l’installation des futurs éleveurs ! Il faut profiter de cette conjoncture positive et faire en sorte que les niveaux de prix atteints ne retombent pas » soutient Vincent Chatellier. Selon l’expert, les niveaux de tarifs pratiqués finiront par être "digérés" dans le cycle de la demande. Autre enjeu primordial, parvenir à mieux valoriser ce qu’on produit sur notre territoire pour générer de la valeur malgré des prix du maigre élevés.

« L'urgence absolue pour la filière bovin viande, c'est que les niveaux de prix atteints ne retombent pas » relève Vincent Chatellier, économiste à l’Inrae.

Emmanuel Marcel, directeur de sections et directeur technique de la coopérative Sicarev Coop, témoigne en ce sens : « La segmentation via les filières de qualité fait partie de nos dossiers prioritaires, l’objectif étant de sécuriser des débouchés à forte valeur ajoutée et de garantir - si ce n'est des prix finaux - a minima des plus-values aux éleveurs. » Aujourd’hui, 35 à 40 % des femelles allaitantes sont valorisées sous signes de qualité au sein de la coopérative.

« Travailler conjointement avec les groupes d’éleveurs et les abatteurs est primordial pour assurer une régularité dans les approvisionnements en fonction de la typologie des animaux » conforte Flavien De Vaugelade, responsable du développement des filières animales pour Système U.

La segmentation gagne aussi la voie maigre avec le développement de la préparation sanitaire chez les naisseurs. « La logistique pour la prévision des sorties et la certification représente un gros axe de travail, le marché étant très atomisé, mais nos structures à l’export s’organisent peu à peu » indique Emmanuel Marcel.

Le développement des contrats de production en jeunes bovins est une autre action forte menée par la coopérative. « Nous sommes clairement dans l’optique de conserver davantage de broutards sur notre sol. Nous sommes en mesure d’assurer le financement des animaux, l’accompagnement technique et surtout l’établissement de contrats à marges garanties pour engraisser sur place » assure Emmanuel Marcel, pour Sicarev Coop.

La professionnalisation de l’élevage, un enjeu crucial pour maintenir des volumes

Dans un monde où la traçabilité, la maîtrise sanitaire et la segmentation jouent un rôle croissant, la France a de nombreux atouts à faire valoir. « Est-ce qu’on sait les exploiter ? Peut-être pas suffisamment » s'interroge Vincent Chatellier.

Pour le spécialiste, il y a un enjeu crucial à mieux valoriser les services rendus par l’élevage à la société, qui ont du mal à être rétribués dans le cadre de la PAC. « Les aides publiques sont indispensables à l’avenir de l’élevage en France, mais il faut s’interroger sur leur effet de levier pour créer de la richesse au bénéfice du revenu des agriculteurs » évoque-t-il. « Le problème en bovin viande, c’est que les éleveurs les plus compétitifs ne gagnent pas assez par rapport à leur capital, leurs compétences et leurs efforts fournis pour que l’effet comète derrière soit intéressant » considère Vincent Chatellier, économiste à l’Inrae.

Ce dernier met l’accent sur l’importance de la professionnalisation pour l'installation des futurs éleveurs. « En France, seul 30 % du cheptel allaitant sur les 3,7 millions de têtes au total est détenu dans des exploitations de plus de 100 vaches » pointe Vincent Chatellier. Avant d’ajouter : « On fait un peu miroiter des projets d’installation qui ne sont pas viables. Or, la maîtrise de la technique et la productivité resteront deux leviers essentiels de la compétitivité. »

(1) MSD Santé Animale est le premier partenaire de santé animale de la filière viande bovine. Ses solutions de prévention, traitement, identification, monitoring et traçabilité des bovins sont utilisées chaque jour par ses clients vétérinaires et les éleveurs qu’ils accompagnent.

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