Boiteries : « J’ai construit un pédiluve en béton pour lutter contre la maladie de Mortellaro »
Pour combattre la dermatite digitale, Mathieu Canon a conçu un pédiluve en dur dans le prolongement de sa contention fixe où il fait passer tous ses bovins. Cette pratique, inscrite dans la durée et complétée par d’autres moyens de lutte, contribue à abaisser le nombre de soins individuels, souvent chronophages et à risque.
Pour combattre la dermatite digitale, Mathieu Canon a conçu un pédiluve en dur dans le prolongement de sa contention fixe où il fait passer tous ses bovins. Cette pratique, inscrite dans la durée et complétée par d’autres moyens de lutte, contribue à abaisser le nombre de soins individuels, souvent chronophages et à risque.
La dermatite digitale a été diagnostiquée en 2016. En l’espace de quelques mois, elle est venue gripper tout le système », retrace Mathieu Canon, à la tête (à l’époque) d’un troupeau de quatre-vingt-dix vaches charolaises en polyculture élevage à Saint-Clément, dans l’Aisne. L’éleveur, qui engraissait auparavant quarante-cinq taurillons à l’année, s’est très vite retrouvé confronté à des boiteries assez sévères et des abattages d’urgence. « Au sein du cheptel souche aussi, j’ai été contraint d’écourter la phase de finition d’une partie de mes génisses et vaches de réforme, trop touchées », dit-il.
Un atelier d’engraissement mis à l’arrêt
L’achat d’un taureau reproducteur en station d’évaluation, seule entrée extérieure sur cette période, serait en cause. Soutenu par son conseiller en chambre d’agriculture, Christian Guibier, déjà sensibilisé à cette problématique en élevage allaitant depuis plusieurs années. Mathieu Canon rejoint rapidement un groupe de suivi et se forme au parage. « C’est une première prise de conscience qui permet d’acquérir une meilleure compréhension des pathologies du pied et des moyens de lutte associés », considère l’exploitant. L’encadrement par le vétérinaire aguerri, Marc Delacroix, spécialisé dans la santé des pieds des bovins, est un plus dans l’accompagnement. « Le fait d’être en groupe permet de se soutenir psychologiquement », reprend Mathieu Canon. L’éleveur projetait d’implanter une stabulation neuve sur son site principal en vue d’agrandir l’atelier d’engraissement. Un projet qui n’a pas pu aboutir à cause de la dermatite digitale.
Stopper les lésions naissantes
En 2020, Mathieu Canon fait le choix difficile d’arrêter l’engraissement des taurillons. « Il faut parfois faire preuve de pragmatisme. Il n’était pas envisageable d’arrêter la moissonneuse-batteuse en plein chantier de récolte pour aller soigner des boiteries », soulève Mathieu Canon, qui a calibré son système de sorte à pouvoir concilier cultures et élevage. Ainsi, l’éleveur se recentre sur les protocoles de soin du cheptel souche, moins sujet à des stades graves de lésions.
« Réduire l’incendie au stade de braises »
Pour lutter contre la maladie de Mortellaro, Mathieu Canon s’est notamment lancé dans la construction d’un pédiluve en béton, à la suite de sa contention fixe. « Après sa mise en place il y a un an, seules deux lésions naissantes de dermatite digitale ont été recensées sur quatre cents pieds au total, dénombre l’éleveur. À l’échelle de mon exploitation, le pédiluve a pleinement joué son rôle pour éviter la dissémination de cette maladie infectieuse et stopper le développement des lésions jeunes ». « L’outil fonctionnel a participé à l’abaissement des soins curatifs individuels, qui sont souvent chronophages et dangereux. Plus l’éleveur agit en amont, moins il se sent débordé et moins il a d’appréhension lorsqu’il faut prendre en charge une boiterie », résume Christian Guibier, conseiller viande bovine à la chambre d’agriculture de l’Aisne.
En période estivale, Mathieu Canon fait passer les animaux dans le pédiluve dès qu’il a une intervention à réaliser (vaccination, vermifugation, …). L’hiver, tous les bovins y font un tour au maximum toutes les trois semaines. « La cadence est à ajuster en fonction du degré de maîtrise de la maladie », note l’éleveur. Il utilise une solution liquide concentrée à 4 % dans 800 litres d’eau. Le mélange sert pour plusieurs passages. « C’est devenu un outil indispensable dans mon programme de lutte. Le pédiluve fait partie des moyens faisables et tenables dans la durée en système bovin allaitant, dès lors qu’on est bien équipés et que les animaux sont habitués », partage Mathieu Canon. Ce dernier considère cependant qu’il est difficile de se faire un avis sur les différentes solutions commercialisées à ce jour. « L’idéal serait que des instituts techniques indépendants puissent investiguer dans le cadre d’un protocole d’essai pour comparer les traitements possibles et livrer une étude objective », émet-il.
Chiffres clés de l’EARL Canon
Le surcoût lié à la Mortellaro
Mathieu Canon estime le surcoût lié à la Mortellaro sur un an :
Les dépenses liées à la fabrication du pédiluve
Les dépenses liées à la fabrication du pédiluve s’établissent à 6 563 € dont :
« Ces frais n’intègrent pas la main-d’œuvre de l’exploitation pour le transport de tous les matériaux, les travaux, le terrassement, l’achat et l’installation de la cuve de récupération des jus », précise Mathieu Canon, qui estime le coût total à 10 000 €.