Affiner la composition des rations avec Agrinir
Mieux connaître la valeur alimentaire des fourrages permet de composer plus finement la composition des rations. Cela fait partie des services proposés par différents organismes Bovins croissance. Exemple dans le Puy-de-Dôme.
Mieux connaître la valeur alimentaire des fourrages permet de composer plus finement la composition des rations. Cela fait partie des services proposés par différents organismes Bovins croissance. Exemple dans le Puy-de-Dôme.
Ensilée, enrubannée ou fanée, l’herbe assure l’essentiel de la ration hivernale des Charolaises d’Eric Bonnabry, éleveur à Condat en Combrailles, dans l’Ouest du Puy-de-Dôme. Les six hectares et demi de maïs ensilés sont destinés à l’engraissement des réformes et à supplémenter en énergie les rations des femelles d’élevage. « Sauf incident climatique, j’ensile trente hectares de prairies temporaires à la mi-mai. Le foin est réalisé sur les temporaires et des permanentes. Faute de granges pour stocker davantage de foin, j’enrubanne une quinzaine d’hectares de seconde coupe derrière ensilage », précise Eric Bonnabry. Cette diversité dans les surfaces et la nature des fourrages récoltés est la règle depuis une bonne dizaine d’années.
Déçu par les performances et/ou le prix de revient des rations suggérées par différents prestataires extérieurs, Eric Bonnabry suit depuis deux ans les seuls conseils de Fabrice Ledieu, son technicien Bovins croissance. « J’apprécie la neutralité de ses conseils. Il n’a rien d’autre à vendre que ses services. » Ce dernier a pour consignes de minimiser les coûts de production et travailler le plus possible avec les fourrages et céréales produits sur l’exploitation sans exclure une part d’achats extérieurs, si ces derniers sont nécessaires.
Vêlages de début décembre
Le cheptel est d’un format conséquent. Le poids moyen de carcasses est de 485 kilos pour les vingt-cinq femelles de réformes commercialisées en 2015. Les premiers vêlages démarrent début décembre. Le point faible de l’élevage a longtemps résidé dans un taux de mortalité avoisinant 15%, en partie lié à des veaux « mous » dans les heures suivant leur naissance. L’acidité des sols sur roche mère granitique est largement suspectée d’être à l’origine de carences pour certains oligo-élements. Problèmes en partie résolus par la pose de bolus sur les mères au moment du sevrage du veau précédent. Avec des mises à la reproduction à compter de fin février, vaches et génisses ont besoin d’être en reprise d’état en fin d’hiver. Trois rations sont successivement utilisées en cours d’hivernage et depuis l’automne 2013 une mélangeuse est utilisée pour tous les lots.
Au cours de l’hiver suivant cet achat, les rations ont été formulées avec le nutritionniste de ce constructeur. Elles étaient établies sans se baser sur les valeurs réelles de l’ensilage, mais en prenant comme base de calcul les données issues des tables Inra. Lesquelles étaient en deçà de la valeur réelle du fourrage et avaient de ce fait conduit à une sur-complémentation en céréales et tourteaux. « Un vétérinaire nutritionniste m’avait aussi conseillé de ne plus utiliser les céréales à paille produites sur mon exploitation, mais de les vendre pour les substituer par du maïs grain acheté à l’extérieur avec des niveaux de complémentation en tourteaux et minéraux élevés. Au final, cela ce serait traduit par une ration peut-être efficace mais dont le coût serait devenu déraisonnable, avec une nette dégradation de l’autonomie alimentaire de mon exploitation. »
Rations reformulées après analyses Agrinir
L’hiver dernier, la composition des rations a été revue avec Fabrice Ledieu. Elles ont été reformulées à partir des analyses de fourrages Agrinir proposées par l’EDE du Puy-de-Dôme à tous les adhérents des services conseils en élevage. Des analyses réalisées sur les ensilages d’herbe et de maïs et sur le foin en cherchant pour ce dernier à prélever des échantillons représentatifs. « Eric est pointilleux et a toujours peur que ses animaux n’aient pas suffisamment à manger. Les rations sont calculées pour être calées sur les stricts besoins. Elles laissent de ce fait de rares refus au fond des auges pouvant laisser croire - à tort - que les besoins ne sont pas couverts », précise Fabrice Ledieu. « Il y avait 800 grammes de tourteaux par tête pour les vaches en lactation au cours de l’hiver 2014. Il me semblait que même si l’ensilage du cru 2015 n’a pas des valeurs optimales (34,2 % de MS, 0,86 UFL, 0,79 UFV et 69 en PDIN), il devait quand même être possible de caler une ration en réduisant la part du tourteau. »
Au final, la ration a permis d’économiser 500 grammes de tourteau par jour par vache une bonne partie de l’hiver. Même si les tourteaux ne sont pas les seuls à être à l’origine de cette réduction des achats, cette moindre utilisation s’est ressentie dans la comptabilité. Le poste lié aux charges d’alimentation est passé de 50 000 à 35 000 euros entre 2014 et 2015. Quand au coût de production ramené aux 100 kilos de viande vive, il est passé de 75 à 45 euros pour le poste alimentation. Pour l’hivernage à venir, la moindre qualité de l’ensilage d’herbe récolté ce printemps (0,76 UFL, 0,67 UFV et 73 PDIN) va amener à réajuster la ration. Tous les fourrages sont encore loin d’avoir été récoltés, mais la quantité de tourteau devrait avoisiner les 500 à 600 grammes par tête cet hiver.
Dans les années à venir, se passer totalement de tourteaux pourrait être un objectif. Il serait possible d’y arriver en gagnant sur la qualité de l’ensilage. Comme beaucoup d’éleveurs allaitants, Eric Bonnabry ensile à partir de la mi-mai selon les fenêtres météo, mais reste attaché à avoir suffisamment de volume. Viser une date plus précoce pourrait être une solution. L’autre possibilité serait de faire évoluer la flore des prairies temporaires. Elles reposent actuellement sur une association fétuque + trèfle blanc et restent en place autour de cinq ans. Même si les parcelles sont régulièrement chaulées pour avoir un pH proche de 6, un essai de prairie temporaire incluant de la luzerne n’a pour l’instant pas été convaincant.
Mélange fibreux pour les broutards
Pour ses broutards, Eric Bonnabry a opté depuis de nombreuses années pour un concentré fermier. Les animaux ont libre accès au nourrisseur quel que soit leur sexe. Ce sont un peu toujours les mêmes matières premières (tourteau, pulpe, triticale, maïs grain) qui sont utilisées, auxquelles s’ajoutent paille et aliment liquide depuis l’arrivée de la mélangeuse.
Les deux céréales permettent de diversifier les sources d’amidon. Paille et mélasse favorisent pour l’une la rumination en limitant le risque d’acidose et pour l’autre l’appétence tout en contribuant à « coller » les composants du mélange. « Celui utilisé ce printemps me revient 210 euros la tonne brute pour les mâles. Il associe 10 % de paille, 10 % de mélasse, 26 % de céréales produites sur l’exploitation (essentiellement triticale), 10 % de maïs grain, 19 % de pulpe et 25 % de tourteau (mélange associant 40 % de tourteau de colza et 60 % de tourteau de soja) additionné de minéraux (6-18-10) à raison de 25 kilos par tonne, précise Eric Bonnabry. Je le fais grosso modo une fois par mois. Il est stocké à plat sur du béton puis repris selon les besoins. » À compter de début juillet, les mâles en consomment 1 kilo par tranche de 100 kilos de poids vif. Ce même aliment est utilisé simultanément pour les mâles vendus en broutard (objectif : un peu plus de 400 kg à 9 mois) et ceux présélectionnés pour une vente comme reproducteurs. L’an dernier, le premier lot a réalisé un QMG moyen de 1 320 grammes de la naissance à la vente. La dizaine de veaux destinés à être vendus pour la monte étaient à 2 kilos par jour. L’aliment des lots de laitonnes est formulé différemment avec davantage de paille et moins d’énergie pour développer la panse et éviter de les « graisser » inutilement et précocement.
Huit familles d'aliments analysées
Agrinir est un analyseur portable permettant d’évaluer quasi instantanément la valeur des fourrages et grains à partir d’un échantillon. Fabriqué par une société italienne, il est arrivé sur le marché français en 2010 et de nombreux organismes de conseils en élevage sont aujourd’hui équipés. Huit familles d’aliments peuvent être analysées : ensilage de maïs, ensilage d’herbe, foin, foin de luzerne, ration mélangée (sur une base maïs et herbe), maïs grain humide, tourteau de soja et maïs vert. La précision des résultats tient à l’étalonnage de la machine et à la qualité de l’échantillon, lequel doit être représentatif des silos ou des parcelles.
Les données mesurées et calculées par Agrinir sont :
" Un conseil neutre pour formuler les rations "
« Depuis 2013, l’adhésion à nos services de conseil inclut trois analyses Agrinir. Accompagner ces analyses de conseils neutres pour réaliser des rations en maximisant les fourrages et céréales issus de l’exploitation, ou même certaines matières premières si elles sont plus avantageuses, est apprécié. Cela l’est d’autant plus sur les exploitations 100 % herbagères, où foin, ensilage et enrubannage sont les seuls fourrages utilisés. Ces analyses incitent de nombreux éleveurs à suivre de plus près le rationnement hivernal sans rechercher forcément la totale autonomie mais en limitant les achats au strict nécessaire.
Pour connaître les quantités réellement distribuées et avoir une évaluation précise des stocks, nous proposons également un service de pesées des fourrages. Tous les éleveurs sont loin de connaître le poids exact de leurs bottes de foin ou d’enrubannage, avec par conséquent pas mal d’imprécisions sur les quantités réellement distribuées.»
Fabrice Ledieu, service viande de l’EDE du Puy-de-Dôme