Bale grazing : améliorer ses prairies et son bilan carbone à moindre coût
La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou conduit actuellement des travaux de recherche sur le «bale grazing» estival et hivernal. Les tout premiers résultats ont été présentés lors des portes ouvertes de l’établissement en mai dernier. Ils sont plutôt encourageants, en particulier sur l’amélioration de la qualité des prairies naturelles.
La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou conduit actuellement des travaux de recherche sur le «bale grazing» estival et hivernal. Les tout premiers résultats ont été présentés lors des portes ouvertes de l’établissement en mai dernier. Ils sont plutôt encourageants, en particulier sur l’amélioration de la qualité des prairies naturelles.
À la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, dans le Maine-et-Loire, le «bale grazing» est expérimenté depuis 2022 sur les périodes estivales et hivernales au cours desquelles la pousse de l’herbe est ralentie ou quasi nulle. Lors des portes ouvertes qui se sont tenues le 16 mai dernier, les résultats des deux premières années ont été présentés aux visiteurs, la troisième (2024) étant encore en cours. Trois modalités sont comparées sur quatre années : une modalité pâturage estival + bale grazing sur 28 jours avec des bottes déroulées, une modalité pâturage estival + bale grazing de 28 jours avec bottes non déroulées et une modalité témoin, dans laquelle le foin récolté est exporté et les animaux pâturent en été et à l’automne. Les animaux concernés sont des lots de 15 à 18 bovins en croissance (jeunes bœufs et génisses, en moyenne 16 mois et 434 kg). Tous les deux jours, ils ont accès à une parcelle de 715 m2 de prairie et à une balle de foin (210-215 kg).
Des performances de croissance maintenues
À l’issue des 28 jours de bale grazing (BG) estival, sur les deux étés analysés (2022-2023), les performances de croissance des animaux sont correctes (400 g/j GMQ en BG déroulé, 363 g/j en BG fixe), comparables à une alimentation foin classique en bâtiment ou râtelier sur surface parking. Les quantités de foin non consommées sont assez faibles : 10 % en BG déroulé et 13 % en fixe.
Les valeurs cumulées de biomasse produite sur 18 mois par la prairie sont supérieures de 0,5 à 1 t MS/ha en faveur du bale grazing. Les valeurs nutritives de l’herbe et du foin des prairies avec BG sont également supérieures. Ces résultats obtenus sur deux étés demandent à être complétés, notamment avec l’été 2024 où l’herbe estivale a été plus abondante (le protocole restera toutefois inchangé).
Le bale grazing hivernal est également travaillé à Thorigné en démonstration, avec du foin déroulé sur un lot de 30 bovins en croissance. Chaque jour, les animaux ont accès à 1 200 m2 de prairie et à une botte de foin de 225 kg. Là encore, sur les deux années de mesure, les performances zootechniques sont au rendez-vous (600 g GMQ, contre 400 g en bâtiment où la ration est plus pauvre). Les effets sur la flore, la productivité et la fertilité du sol sont encore à mesurer.
Un bilan carbone à moindre coût
Sur la ferme de Thorigné-d’Anjou, le bale grazing a été introduit pour deux motifs principaux. Le premier est la décarbonation de l’élevage, car le bale grazing réduit la mécanisation liée à la distribution de l’alimentation et à l’épandage des effluents : « Un bovin, c’est une chaîne de récolte à l’avant et un épandeur à l’arrière », rappelle Bertrand Daveau, ingénieur sur la ferme.
L’autre motif est la perte de rendement et de qualité alimentaire de certaines prairies naturelles : exploitées surtout en fauche, et avec un épandage de compost tous les trois à quatre ans, ces prairies ne reçoivent peut-être pas suffisamment d’éléments fertilisants, ou pas sous une forme facilement assimilable. L’idée est de voir si l’apport de bouses et pissats, en quantité équivalente en matière organique à celle du compost, est susceptible de corriger cette tendance.
Un nouveau domaine de recherche
Les résultats de Thorigné constituent les premières références françaises publiées sur le bale grazing. Pour mieux diffuser cette technique, de nombreux paramètres sont encore à explorer : influence des conditions pédoclimatiques, risques de compaction du sol, nature du foin (endogène/exogène), impact sur la flore des prairies, acceptabilité sociale… Des demandes de financement sont en cours pour poursuivre les travaux.
Augmenter la matière organique du sol, décarboner et faciliter l’alimentation hivernale
Il n’existe pas une seule façon de pratiquer le «bale grazing», ni même une motivation unique pour le faire… Et ces motivations peuvent même évoluer au cours des années d’expérience. C’est ce que retient Pierre-Antoine Raimbourg, éleveur de bovins hereford à Esse, en Charente.
« Je pratique le 'bale grazing' hivernal avec du foin en balles déroulées depuis trois ans sur mes prairies naturelles, témoigne Pierre-Antoine Raimbourg. Ma motivation première, c’était de préserver la ressource en eau dans le sol. En effet, en plus de l’implantation d’arbres et de haies, l’un des moyens de préserver l’eau dans le sol, c’est d’augmenter son taux de matière organique. Le 'bale grazing', avec des bottes déroulées, permet une bonne répartition de la matière organique sur mes sols sableux qui sont portants. Même si j’y perds 10 % de fourrage, je considère que c’est un investissement dans mon sol. »
L’autre raison du développement du bale grazing à la ferme écologique de Gorce, c’est l’abandon volontaire du plastique à usage unique, et, par conséquent, de l’enrubannage. Dans une ferme où la seule ressource alimentaire est l’herbe, ce choix impliquait de faire davantage de foin… « Mais nous n’avions pas la place pour en stocker davantage en bâtiment », poursuit l’éleveur. Ce dernier a donc choisi la solution la plus simple : laisser en place les bottes de foin récoltées dans les prairies qui seront en bale grazing l’hiver suivant : « On les stocke en bout de champ, à raison de 25 bottes, pour 25 jours, pour un lot de 15 vaches gestantes. »
Une organisation du travail facilitée
Ses trois années d’expérience de bale grazing ont permis à Pierre-Antoine Raimbourg de vérifier la bonne santé de ses prairies : « Je n’ai pas l’occasion de faire analyser mes prairies comme peut le faire une ferme expérimentale, mais ce que je vois, c’est que j’ai beaucoup plus de vers de terre. C’est donc que mon sol est bien vivant. » Quant aux rendements en foin, ils sont exceptionnels cette année, mais pas forcément imputables au seul bale grazing.
Là où la pratique a apporté des bénéfices moins attendus, c’est sur l’organisation du travail. « Désormais, on n’a plus besoin de ramasser les bottes de foin ou de les ramener, on consomme moins de carburant et on abîme moins les chemins. Pour alimenter les bovins en 'bale grazing', il me faut 5 minutes par jour : je tire un fil et c’est bon. Et si je veux me faire remplacer sur ma ferme, je n’ai même plus besoin de trouver quelqu’un qui sait conduire un tracteur », apprécie l’éleveur.