Un éleveur de brebis bio qui mise sur l’herbe
Après avoir été très intensif, Anthony Paillier a choisi d’extensifier son élevage pour être plus autonome, jusqu’à engraisser ses agneaux uniquement à l’herbe. Et pour valoriser ses efforts, il s’est converti à la bio.
« Quand je me suis installé en 2006, j’avais 42 ha pour 550 brebis, explique Anthony Paillier, éleveur à La Peyratte, dans les Deux-Sèvres. J’achetais toutes les céréales, les concentrés et même du foin. En 2007-2008, les prix des céréales ont fortement augmenté. J’ai alors décidé d’extensifier mon système pour être plus autonome et de réduire le recours aux produits phytosanitaires. » En 2008, il reprend donc un site de 50 ha à 9 km de l’exploitation. « Et, alors qu’ici les sols limono-sableux sont très humides et ne conviennent qu’à l’herbe, ce site a des sols argilo-limoneux, plus sains, qui permettent de cultiver des céréales, de la luzerne, des prairies multi-espèces… » Puis, il reprend encore quelques parcelles pour atteindre au final 117 ha. Après être monté à 720 brebis, il réduit aussi son cheptel ovin, crée un atelier bovins viande et se lance dans la vente directe. « Avoir deux productions aide pour la vente directe, estime-t-il. Et quand un atelier ne va pas bien, l’autre peut compenser. De plus, vaches et brebis sont complémentaires pour le pâturage. » Et surtout, avec l’appui notamment du Civam du Haut-Bocage, il met l’accent sur la production d’herbe, les prairies multi-espèces, le pâturage et la diversification des surfaces fourragères. Enfin, en 2019, il engage une conversion à la bio, par conviction et pour valoriser le chemin parcouru.
Toutes les prairies semées sous couvert
L’exploitation compte aujourd’hui 117 ha, à 95 % en herbe, 350 brebis Vendéennes croisées Charolais et 20 vaches allaitantes. Les agnelages sont répartis sur janvier, février-mars agnelles, fin avril et début juin. « Cela permet d’étaler les ventes, un point crucial en circuit court » souligne l’éleveur. Les mises bas ont lieu en bergerie et les brebis sortent avec les agneaux dès trois semaines au printemps et cinq semaines l’hiver. Mise à part la période de mise bas, les brebis sont en pâturage tournant toute l’année, avec parfois un complément de foin de prairies multi-espèces, foin de trèfle ou betterave. Les agneaux sont engraissés uniquement à l’herbe. Un point important pour atteindre l’autonomie fourragère a été le développement du semis des prairies sous couvert, qu’Anthony a d’abord testé en 2015 dans le cadre d’une mesure agro-environnementale système de polyculture-élevage. « Les résultats ont été concluants, notamment sur les parcelles de céréales pures où il y avait des chardons » indique-t-il. Aujourd’hui, 90 ha de prairies multiespèces sont semées à l’automne sous couvert de méteils fourragers. « La prairie s’implante plus facilement, couvre rapidement le sol et limite le salissement. Puis le méteil immature est fauché ou ensilé, ce qui permet de faire des stocks d’hiver riches en protéines. Et la prairie se développe ensuite. » De même, 6 ha de luzerne-trèfle ou trèfle blanc-trèfle violet sont semés sous couvert d’orge, avoine de printemps ou méteil grain. Aux prairies temporaires, prairies naturelles (16 ha) et méteils s’ajoutent des couverts végétaux cultivés en dérobée d’été, notamment du colza-moha qui permet d’allonger la période de pâturage et est destiné aux brebis en lactation. S’y ajoutent encore 3 ha d’orge ou d’avoine de printemps et 1,5 ha de betterave, qui permettent de complémenter les brebis en période de reproduction ou de lactation.
Un engraissement plus long
Anthony Paillier nourrit ainsi ses brebis, agneaux et bovins sans achat complémentaire. « Un atout est que les deux sites ont trois semaines d’écart au niveau de la végétation. Le site à 9 km est plus précoce. Ici, une argile en profondeur, qui rend les sols humides l’hiver, permet par contre d’avoir de l’herbe en été. » Les prairies de meilleure qualité sont réservées aux brebis en lactation et aux agneaux. Les agneaux pâturent les prairies multi-espèces, avec un chargement de 10 agneaux/ha et une ration à l’engraissement de 1,55 kg MS/j, et les prairies de luzerne-trèfle ou trèfle violet-trèfle. « Mais pas plus de deux semaines de suite », précise Anthony. En août, la ration est constituée de 0,45 kg MS d’herbe pâturée et 0,85 kg MS de foin de prairies multi-espèces. « L’engraissement uniquement à l’herbe a été un peu difficile au début, admet l’éleveur. J’ai d’abord fini les agneaux avec un aliment fermier. Mais aujourd’hui j’y arrive. Les agneaux sont assez légers, à 17 kg carcasse, mais répondent aux attentes de mes clients. L’engraissement est par contre plus long. Je vends rarement des agneaux de moins de six mois. Je vais donc m’orienter vers la Charmoise dont les agneaux se finissent mieux à l’herbe. » L’exploitation étant en phase de transition, Anthony Paillier n’a pas calculé son coût de production. « Mon objectif est de vendre 400 agneaux par an, précise-t-il. Avec la certification bio en mai 2021, je vais aussi pouvoir augmenter mes prix. Et je veux continuer à produire des animaux uniquement à l’herbe, ce qui donne une viande de meilleure qualité, plus riche en oméga-3. Si on veut continuer à vendre de la viande, il faut rassurer les consommateurs avec un produit de qualité et un élevage à l’herbe. »
Adaptation au changement climatique
Pour les semis sous couvert, le méteil et la prairie sont semés le même jour. En 2020, plusieurs parcelles ont été semées le 15 octobre. « En retardant le semis de la prairie, on sécurise son implantation, car la levée aujourd’hui n’est plus assurée avec un semis d’août-septembre », analyse François Marquis, du Civam du Haut-Bocage. Le méteil est semé en ligne entre 3 et 5 cm de profondeur (63 kg/ha triticale, 8 kg/ha pois fourrager, 2 kg/ha vesce). La prairie est ensuite semée à la volée à 1 cm de profondeur avec un semoir DP12 à soufflerie, puis roulée. « Le semis à la volée assure une meilleure répartition des graines qui vont mieux occuper l’espace. » Le semis des prairies se fait à 7 kg/ha de ray-grass anglais diploïde, 7 kg/ha de ray-grass anglais tétraploïde, 7 kg/ha de fétuque, 5 kg/ha de trèfle violet-trèfle blanc et 0,3 kg/ha de chicorée, qui augmente l’appétence de la prairie, notamment pour les agneaux.
100 % de circuit court
Toute la production est commercialisée en circuit court. Les deux tiers des agneaux sont vendus à un boucher. « I l cherchait des agneaux d’herbe, indique l’éleveur. Les miens, assez légers et classés R2, R3 ou U2, lui conviennent. Comme il détaille la viande devant ses clients, il apprécie de ne pas avoir trop de gras à enlever. » L’élevage fournit aussi 25 agneaux par mois à un Super U en mars-avril, en remplacement d’un autre éleveur. Et 10 % sont vendus en direct, à la ferme, sur un marché de producteurs et en livraison à domicile. À l’avenir, Anthony veut aussi lancer un petit élevage de volailles, pour valoriser la bergerie et les chaînes d’alimentation installées à l’origine pour engraisser les agneaux. « Cela permettra de diversifier mon offre en vente directe et de ramener de la main-d’œuvre, car l’engraissement des agneaux au champ et la vente directe prennent du temps. »