« On peut bien vivre en étant producteur de lait AOP dans le Cantal »
Avec une visibilité à six mois sur le prix du lait AOP, le groupe Sodiaal, acteur majeur de l’AOP cantal, donne des perspectives favorables aux producteurs, estime Ludovic Francon.
La qualité du lait avant les volumes : c’est le credo de Ludovic Francon, associé depuis 2012 avec Serge, son père, au sein du Gaec Mandillat dans le bourg de Tanavelle sur 85 ha* et avec un troupeau Montbéliard de 55 laitières dont le lait est transformé en cantal au lait cru sur le site LFO de Talizat. L’exploitation est également concernée par les AOP fourme d’Ambert et bleu d’Auvergne. Le jeune agriculteur en est persuadé : la différenciation est la voie de salut de la production laitière dans le Cantal : « Je suis un convaincu de l’AOP, c’est plus que de la philosophie, c’est aujourd’hui une source de revenu supplémentaire non négligeable, de l’ordre de 15 000 € à 20 000 € en moyenne sur notre exploitation », affiche Ludovic, qui mesure le chemin parcouru sur la décennie en termes de valorisation de l’AOP. Cette plus-value, bienvenue pour le Gaec qui livre 280 000 litres à Sodiaal intégralement pour cette filière lait cru, a conforté les associés dans leur souhait d’investir dans du séchage en grange (de ballots, et non du foin en vrac, installation plus coûteuse). Comme Ludovic, 64 autres producteurs du secteur engagés dans cette filière bénéficient d’une prime lait cru spécifique de 11 centimes le litre en moyenne sur 100 % de leurs volumes.
Une visibilité à six mois inédite
Certes, l’année 2022 a vu l’écart entre lait conventionnel et lait AOP sérieusement grignoté, mais pas de quoi infléchir la motivation de la famille Francon, surtout depuis l’annonce en début d’année par le groupe Sodiaal d’un prix du lait AOP pour les deuxième et troisième trimestres 2023, soit six mois de visibilité appréciable pour les producteurs dans un contexte que l’on sait volatil, salue Jean-Charles Tardieu, agriculteur sur Orcières et membre du collège producteur du Cif (Comité interprofessionnel des fromages) : « Sodiaal est la seule entreprise à le faire », constate-t-il. « Au premier trimestre, le prix du lait AOP chez Sodiaal a été de 500 € les mille litres, rappelle Jacques Chalier, administrateur Sodiaal pour la région Massif central. Au second, en raison de la saisonnalité**, on est passé à 475 € et pour le troisième, on a annoncé 520 €. Le prix du dernier trimestre dépendra des évolutions du marché et de l’indicateur Criel AOP », précise-t-il. « Mais au final sur l’année, on devrait retrouver une plus-value à 40 € la tonne en AOP avec un taux de transformation en progression », avance le producteur de Coren, par ailleurs administrateur du Cif. De quoi, pour l’heure, redonner le sourire et des perspectives favorables aux coopérateurs engagés en AOP. Ces derniers ont dû en effet patienter avant de voir les avancées obtenues lors des divers rounds de négociation avec l’aval de la filière se concrétiser sur leur fiche de paie du lait de 2022. Jacques Chalier en convient, le groupe Sodiaal, acteur majeur de la filière avec 50 % de parts du marché de l’AOP cantal, n’a pas eu la même réactivité ni capacité financière que d’autres structures à avancer le fruit de ces négociations au gré de leur conclusion, suscitant des critiques. Sachant qu’à l’échelle des filières AOP (cantal, bleu, fourme), le prix de vente a crû de 11 %. « Mais aujourd’hui, on est sorti d’une zone de turbulence, d’une gestion au mois le mois pour amener une vision à plus long terme, le but de Sodiaal étant toujours d’aller chercher de la valeur, que ce soit en AOP ou en conventionnel. Le travail fait depuis plusieurs années paie mais il faut continuer à cranter tout en étant attentif au pouvoir d’achat des consommateurs. »