Marchés agricoles : quand la spéculation financière s’en mêle
Si les volumes produits ou attendus et la consommation mondiale influent sur les cours, aléas et investisseurs financiers font aussi la pluie et le beau temps sur les marchés.
Étudiants en économie, refermez vos manuels : non, ce n’est pas la loi de l’offre et la demande qui guide l’économie de marché, enfin, pas seulement. En agriculture, comme l’ont montré les courbes présentées mercredi dernier par Patrick Chazal, responsable du service Développpement de la Chambre d’agriculture, la spéculation financière est devenue un troisième acteur majeur d’influence du prix des matières premières agricoles.
Pour preuve : une superposition quasi parfaite des courbes tendancielles des cours des produits laitiers, des céréales, des huiles végétales, des viandes, du sucre... avec le phénomène marqué de volatilité qu’on connaît depuis une quinzaine d’années. Guère rassurant pour les élus de la Chambre d’agriculture qui ont souligné, dans un tel contexte, l’impérieuse nécessité du retour en force d’outils publics de régulation des marchés au sein de la future Pac. Surtout dans une période frappée par les aléas en tous genres (climatiques, sanitaires, nuisibles).
Des revenus en berne de 26 %
En introduction, Patrick Chazal a ainsi rappelé que 2016 restera en France comme une des années les plus noires avec, toutes productions confondues, une chute de 26 % des revenus agricoles (par actif non salarié). “Mais en moyenne, les revenus ont été supérieurs sur les 20 dernières années à ceux des 20 précédentes, a-t-il nuancé. Le vrai problème est celui de la stabilité des revenus mais aussi des fortes disparités entre productions.” Qu’attendre en la matière de 2017 ? Si encore une fois, les exercices de prospective peuvent vite être mis à mal par des éléments d’influence exogènes (on pense forcément aux conséquences du Brexit, du Ceta, à l’élection de nouveaux dirrigeants en France mais aussi aux USA...), certains signaux perçus ces derniers mois se confirment.
C’est le cas sur les marchés laitiers avec une production qui a décroché partout dans le monde (- 7,2 % en Australie, - 11,4 % en Argentine, - 1,9 % en Nouvelle-Zélande, stabilité dans l’UE...). Dans le Cantal, la production a été en repli de 5,4 % sur la campagne et chute de 13 % depuis août dernier.
La Chine de retour
Dans le même temps, les importations se montrent dynamiques, y compris depuis la Chine qu’on disait en retrait : + 24 % sur le beurre, + 18 % sur la poudre de lait entier, etc. La Russie a elle accru ses achats de fromages de 9 % (l’embargo profitant à d’autres pays producteurs...). Conséquence heureuse : bien que moins importante et rapide qu’escomptée, la hausse du prix du lait s’est concrétisée en France et dans le Cantal avec une moyenne du lait livré dans le département fin 2016 à 326 ¤. Un redressement qui fait suite à celui des enchères néozélandaises Fonterra qui ont vu l’envolée des cours des matières grasses - en nette pénurie - et une tendance favorable sur le prix des poudres de lait. Avec deux points de vigilance cependant : des enchères Fonterra qui se sont depuis stabilisées et un niveau des stocks européens conséquent (300 000 tonnes de poudre). Stocks qui seront un jour ou l’autre remis sur le marché.
Moins rose en ovins
En viande bovine, les exportations dynamiques et l’offre réduite sur la fin de l’année ont permis un relèvement du prix du JB R3 qui a dépassé les 3,7 ¤/kg. Une tendance qu’a suivie le prix du broutard, supérieur à l’automne 2016 aux cours des deux automnes précédents. En ce début d’année 2017, les perspectives s’annoncent positives (2,6 ¤/kg pour les mâles croisés U+R 350 kg) avec la fin de l’embargo américain sur les viandes européennes, une consommation qui n’a que peu reculé (- 1 %en 2016) et l’ouverture du marché israëlien il y a 15 jours.
En porcs, après la traditionnelle baisse automnale, la reprise des cours a été plus précoce, notamment du fait d’une demande (chinoise entre autres) porteuse et de faibles disponibilités. On flirte à nouveau au cadran avec les 1,4 ¤/kg net.
L’horizon est bien moins rose en ovins, la production cumulant les facteurs défavorables : baisse de 5 % de la consommation d’agneaux en 2016, forte pression des importations d’agneaux irlandais, néozélandais ainsi que britanniques dopés par la dévaluation de la livre.