Micro-méthanisation à la ferme : bientôt un projet territorial en Planèze ?
Depuis de nombreuses années déjà, le Gaec Francon de Tanavelle réfléchit à un concept de méthanisation à la ferme, alimentant une filière agricole locale.
Depuis de nombreuses années déjà, le Gaec Francon de Tanavelle réfléchit à un concept de méthanisation à la ferme, alimentant une filière agricole locale.

Si tout se passe bien, au terme de son engagement dans le programme européen Life carbon farming, le Gaec Francon à Tanavelle pourrait réduire son empreinte carbone de 582 tonnes, l’équivalent des émissions annuelles de 60 Français et de 70 tours de la Terre en voiture... Ces tonnes de CO2 non émises dans l’atmosphère pourraient aussi rapporter aux trois associés environ 18 600 € par la vente de certificats carbone.
Cette cerise économique sur le gâteau écologique n’est pas la motivation première de Jérôme, Céline et de leur fils Kevin(1), qui ouvraient les portes de leur exploitation jeudi 20 mars dans le cadre du premier séminaire national du projet(2). “Ça fait partie de notre philosophie, notre but c’est que notre ferme tourne en autonomie”, a affiché Jérôme Francon. En autonomie fourragère mais aussi énergétique par la voie d’une méthanisation innovante. L’un des axes de la démarche de décarbonation de cet élevage de Planèze.
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Du gaz autoconsommé, des surplus valorisés
La méthanisation, Jérôme et Céline Francon, qui font vêler 180 charolaises, s’y sont formés et y réfléchissent depuis 2006. Belgique, Allemagne, Luxembourg, Nord de la France : des installations, ils en ont visitées, mais avec des systèmes inadaptés à l’élevage familial cantalien. Y compris celles de taille plus modeste en cogénération. “Dans ce cas, on ne valorise que 40 % du gaz, l’investissement est énorme, ça demande beaucoup de technique et de temps, et au final ce n’est pas forcément rentable”, a exposé l’agriculteur, devenu expert de la question.
Lui défend un système de micro-méthanisation à la ferme mais dans le cadre d’un projet territorial. En couvrant leurs fosses à lisier ou leurs tas de fumier, les éleveurs, quelle que soit la taille de leur cheptel, pourraient récupérer (en l’aspirant) le gaz qui en émane, le filtrer (pour en retirer le souffre) avant de le stocker dans une poche dédiée. Ce gaz pourrait être autoconsommé (chaudière domestique) et le surplus venir alimenter une filière locale.

Des unités d’azote en moins à acheter
Jérôme Francon imagine un camion qui viendrait pomper le gaz de chaque poche (dotée d’un capteur de pression) pour l’acheminer vers les chaudières à gaz doublant les installations des réseaux chaleur bois publics. “Ça nous permettrait de récupérer 15 à 25 % des unités d’azote, phosphore... qui partent dans la nature, et donc d’être autonomes sans acheter d’engrais du commerce”, assure l’éleveur de Tanavelle. Et, bonus, le processus anaérobie (en couvrant les effluents) neutralise le pH du lisier et le désodorise, “et on évite l’accumulation de tas de fumier”, ajoute-t-il.
Cette approche théorique vertueuse demande maintenant à être étudiée de façon approfondie afin d’en expertiser la faisabilité et avant de la promouvoir auprès des agriculteurs du secteur. C’est l’ambition du Gaec Francon, qui s’est rapproché de la Chambre d’agriculture, du Sytec, de GRDF... “On n’en est encore qu’aux prémices”, convient Jérôme Francon.
(1) Anaïs, leur fille, projette de les rejoindre sur l’exploitation d’ici quelques années.
(2) Portes ouvertes co-organisées par la chambre du Cantal et l’EDE du Puy-de-Dôme.
Life carbon farming
Ce projet européen, associant six pays (France, Italie, Espagne, Irlande, Belgique, Allemagne) piloté par l’Institut de l’élevage, vise à réduire de 15 % l’empreinte carbone de 700 exploitations européennes en polyculture-élevage et à rémunérer leurs efforts par la vente de crédits carbone. En la matière, la France est la plus avancée avec l’outil Label bas carbone qui permet de vendre des certificats carbone (autour de
40 €/t de CO2 évité) à des entreprises souhaitant se décarboner (secteur aérien, du luxe, des services, grande distribution, centrales à charbon...). Actuellement, 321 élevages (bovins lait ou viande) - dont 31 dans le Cantal - sont labellisés et peuvent donc prétendre à la vente de ces certificats.