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Pourquoi les agriculteurs manifestent-ils à nouveau ?

David Chauve, secrétaire général de la FRSEA Auvergne Rhône-Alpes, explique qu'entre mesures conjoncturelles et structurelles, chaque semaine les choses avancent malgré tout pour les agriculteurs. Mais parce que le compte n'y est pas encore, les agriculteurs vont à nouveau manifester.

David Chauve sur une estrade lors d'une manifestation agricole organisée sur la Place de Jaude à Clermont-Ferrand.
David Chauve est producteur de lait dans l'est du Puy-de-Dôme.
© Sophie Chatenet

L'année 2024 aura été marquée par une mobilisation agricole d'ampleur en janvier dernier suivie d'une saison compliquée par des aléas climatiques et perturbée par la crise sanitaire liée à la FCO. Quel message souhaitez-vous adresser aux agricultrices et agriculteurs ?

David Chauve : En toute transparence et responsabilité, le réseau FNSEA/JA a effectivement organisé et assumé le temps de la revendication en janvier dernier. Localement, pendant plus de dix jours, sous le pont de l'autoroute à Clermont-Ferrand, les agriculteurs sont venus très nombreux soutenir et porter un message clair et déterminé aux pouvoirs publics français : faites-nous confiance, laissez-nous entreprendre plus simplement et librement pour une meilleure rémunération, tout en stoppant la décroissance actuelle enclenchée par l'Europe. Là où les réponses politiques ont mis du temps à se dessiner, une fois de plus, nous avons formulé une quinzaine de propositions autour de la fiscalité, de la compétitivité, des prix, qui demeurent la mère de nos batailles, de la simplification, de la réglementation française et européenne pour avancer et tenter de donner une perspective claire et ambitieuse à nous tous, Agriculteurs.

Des annonces ont été faites en février, puis en avril, puis au Sommet de l'Élevage. Où en sommes-nous précisément aujourd'hui, en premier lieu sur le volet sanitaire ?

D.C. : Depuis l’hiver dernier, la FCO ravage en effet les cheptels notamment ovins, entraînant des pertes économiques directes et indirectes. L'avenir de cette filière est en très grand danger. Elle doit être urgemment soutenue si nous voulons continuer de manger de l’agneau français demain ! Il en va de même pour la filière bovine qui, malgré de moindres impacts, est fragilisée encore un peu plus en pleine décapitalisation. Sur le volet sanitaire, L'État a débloqué 75 millions €. Cette semaine, la ministre a accédé à notre demande pour que des éleveurs ovins touchés par la FCO3 mais aussi par la FCO8 puissent émarger à ce fonds. Une solution devrait également être trouvée pour les éleveurs bovins. La profession est également en discussion avec la Région Auvergne Rhône-Alpes et localement avec le département du Puy-de-Dôme pour une aide à la recapitalisation des cheptels. Sur le long terme, nous demandons également à l'État une vraie stratégie vaccinale pour éviter que cette situation ne se répète demain.

La mesure fiscale en faveur de l'élevage va enfin être opérationnelle… tandis que des prémices de simplification se font jour…

D.C. : Dans un contexte budgétaire national extrêmement tendu, l'ensemble des mesures fiscales obtenues et promises sont inscrites au projet de loi de finance 2025 : c'est enfin une bonne nouvelle ! Sur le volet simplification, après l'obtention de plus de souplesse de l'Europe sur la réglementation des prairies (BCAE 1 et 9), sur l'obligation de jachère (BCAE 9), des travaux sont engagés sur des cartes zones humides (BCAE2) moins impactantes. Nous n’oublions pas les modifications des modalités de recours relatif à l'assurance récolte comme évoqué au Sommet de l'Élevage. Annie Genevard, la ministre de l'Agriculture, doit maintenant faire preuve de courage politique en sanctuarisant, par décret ou arrêté, quelques mesures de bon sens tant attendues. Le contrôle unique annuel a été annoncé la semaine dernière. Espérons qu'il s'agit là d'un signal fort, preuve de la volonté du Gouvernement de changer de braquet.

Qu'en est-il sur les prix agricoles ?

D.C. : Que chacun ait bien conscience qu'au-delà des mesures attendues, le nerf de la guerre reste la rentabilité de nos exploitations. C'est en retrouvant de la sérénité économique que l'on sera en capacité de faire face aux différents aléas. Parce qu'il nous faut des prix rémunérateurs, l'état d'esprit autour des EGA, et des coûts de production notamment, doit encore évoluer chez de nombreux acteurs des filières. Surtout, la loi doit s'inscrire durablement sans aucune contestation pour renforcer et soutenir des niveaux de prix qui ont malgré tout évolué positivement dans de nombreuses filières. Nous devons impérativement cranter les prix ! C'est une nécessité pour faire face à un niveau de charges qui interpelle et suscite beaucoup d'interrogations… Que tout le monde gagne sa vie, c'est normal, mais oublier systématiquement le maillon de la production n'est plus entendable. Il est urgent et réaliste de se calquer sur les logiques économiques et organisationnelles de la majeure partie des autres secteurs économiques. L'humain ne peut plus être le tampon permanent de tout sur les exploitations agricoles ! Les coûts de production ne sont pas encore couverts pour dégager une rémunération digne de ce nom. En cause, trop souvent, un niveau de charges croissant malgré la baisse sensible du prix de quelques intrants ou matières premières ces derniers mois : De vraies questions doivent aussi se poser du côté de l'ensemble de nos fournisseurs quant au jeu qu’ils jouent en matière de spéculation ou de marges « abusives ». ! À titre d’exemple, comment peut-on justifier de telles hausses de tarifs sur les postes de mécanisation, assurances ou autres ? Il est peut-être temps d'arrêter de jouer les opportunistes. Ces comportements grèvent en partie les hausses de prix obtenues dans les différentes filières. C'est une vision à court terme très dangereuse reflétant la déconnexion et l'irresponsabilité de ces acteurs.

Lire aussi : Les Cuma appellent à une mécanisation responsable

La France doit s'opposer fermement au Mercosur. Nous n'acceptons pas que l'agriculture soit une fois de plus la monnaie d’échange. Trahir les paysans et tromper le consommateur, l'heure de vérité arrive pour le Chef de l'État s'il veut réellement relancer ou anéantir la production agricole française !"

Lire aussi : Mercosur, pourquoi le veto de la France suffirait ?

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