Fromages AOP
L’Europe valide le projet d’indicateurs de valorisation du lait AOP d’Auvergne
Au terme de douze ans de combat, le projet d’indicateurs de valorisation du lait AOP d’Auvergne vient d’être adoubé par l’Europe. Une démarche inédite et porteuse d’espoir sur laquelle revient Michel Lacoste, éleveur dans le Cantal et président du Cnaol¹.
Au terme de douze ans de combat, le projet d’indicateurs de valorisation du lait AOP d’Auvergne vient d’être adoubé par l’Europe. Une démarche inédite et porteuse d’espoir sur laquelle revient Michel Lacoste, éleveur dans le Cantal et président du Cnaol¹.
Comment est née cette volonté de disposer d’indicateurs spécifiques de valorisation du prix du lait AOP d’Auvergne ?
Michel Lacoste : En 2009, de nouveaux cahiers des charges sont entrés en vigueur pour les producteurs de lait des AOP fromagères auvergnates². Cela a donné lieu à une nouvelle négociation autour du prix du lait AOP qui s’est soldée par la mise en œuvre d’une prime CVO, de l’ordre de 30 euros/1 000 litres en plus du prix du lait conventionnel sur les litrages transformés en AOP. C’était une première étape, mais d’emblée nous voulions aller plus loin en bâtissant un système garantissant un prix du lait AOP vraiment déconnecté du prix du lait standard. En 2014, alors que la majorité des laiteries étaient favorables à passer à un prix du lait AOP, la flambée du prix du lait cette année-là est venue jouer les troubles-faits. La discussion entre producteurs et laiteries autour de la mise en place d’un indicateur interprofessionnel autour du prix du lait AOP d’Auvergne a donc démarré à ce moment-là.
L’idée était d’inclure dans la négociation sur le prix du lait AOP des éléments tangibles et objectifs…
M.L. : Nous avons effectivement entamé un travail en ce sens au niveau du Criel. Au terme de deux ans d’échange, nous sommes parvenus à statuer sur une formule d’indicateurs accepté par tous. Une fois construite, partagée par tous, cette formule pour être opérante, devait toutefois être validée par Bruxelles. Nous avons notifié le projet en 2019 au niveau européen. Aujourd’hui, Bruxelles valide cet indicateur. En France, c’est la première fois que des filières AOP initient un tel modèle et obtiennent gain de cause auprès de l’Europe.
Très concrètement, quelles avancées attendre de cet indicateur ?
M.L. : Le Criel va pouvoir communiquer sur cet indicateur, construit en fonction du prix des fromages AOP et des co-produits (lactosérum et beurre). Juridiquement, dans le cadre des discussions autour du prix du lait AOP entre les OP (organisations de producteurs) et les privés ou les coopératives, la référence à cet indicateur sera possible. Il sera désormais la référence pour établir le prix du lait. C’un moyen solide d’objectiver les discussions et de s’extraire des débats à l’aveugle, puisque les déclarations de prix des fromages AOP seront faites auprès de la DRAAF. L’indicateur ne révolutionne pas tout mais c’est un élément structurant dans la relation entre producteurs et transformateurs.
Malgré la mise en place de cet indicateur, le lait AOP d’Auvergne est encore loin d’être payé au niveau d’autres AOP françaises…
M.L. : Quand on progresse dans la filière c’est au profit de tous. Mais force est de constater que même si l’obtention d’un prix du lait AOP spécifique est une avancée notoire, qui permet notamment pendant les crises de sauvegarder le prix du lait, beaucoup de travail reste à accomplir. Pour arriver à mieux valoriser les fromages et le lait, nous devons gagner en qualité. Parallèlement, nous attendons aussi beaucoup des Ega, puisque rappelons que le prix de revient du lait en zone de montagne est établi par le CNIEL à 483 euros/1 000 litres. Un prix de revient qui permettrait de dégager deux SMIC. En Auvergne, nous en sommes encore très loin. Plusieurs filières AOP en France, en Franche Comté et en Savoie, affichent des prix du lait AOP à 600 euros/1000 litres voir plus, démontrant que des choses sont possibles. Les filières AOP auvergnates doivent assurément s’en inspirer.
¹ Comité national des appellations d’origine laitières.
² Cantal, Salers, Saint-Nectaire, Fourme d’Ambert et Bleu d’Auvergne.