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productions agricoles
Les filières durement impactées par la hausse du prix des matières premières

Depuis de longs mois, le monde agricole subit de plein fouet l’augmentation géné­ralisée du prix des matières premières. Dans les filières ani­males ou végétales, si certains s’en sortent mieux que d’autres, l’ensemble des profes­sionnels sont impac­tés par la hausse du prix des engrais, de l’énergie, de l’alimen­tation ou encore des matériaux. Analyse.

Yannick Fialip, président  de la commission économique
Yannick Fialip, président de la commission économique
© © DR

Quels sont les principaux postes de dépenses qui ont augmenté ces der­niers mois ?
Yannick Fialip, président de la commission économique de la FNSEA : D’après les données mesurées par l’indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa), les charges en agriculture ont augmenté de 17 % entre 2020 et 2021. Le poste engrais est celui qui a connu la hausse la plus importante, 90 % en un an, avec une augmentation de plus de 5 % par mois. Le poste énergie est lui en hausse de 30 %. Le gazole, par exemple, qui est beaucoup utilisé en agriculture, a augmenté de 50 % sur cette période. De 500 euros la tonne en 2020, on dépasse aujourd’hui les 1 000 euros. Le poste aliment a de son côté connu une hausse de 14 % avec une variation de 1 à 2 % par mois. Notons, par ailleurs, la hausse de 40 % en un an du prix des matériaux comme le bois ou encore les métaux (acier, cuivre, aluminium). Cela impacte non seulement les machinistes, avec une hausse de 5 à 7 % du prix des tracteurs, mais aussi le domaine de la construc­tion, avec jusqu’à 25 % de hausse pour les bâtiments d’élevage et surtout des devis qui ne peuvent plus être tenus.
Quelle est la cause de cette hausse généralisée du prix des matières pre­mières ?
Y. F. : Pour ce qui concerne les engrais, la hausse est directement liée à l’aug­mentation du prix du gaz qui a bondi fin 2021, combinée à un effet spéculatif qui déstabilise le marché. Pour les éner­gies, c’est directement lié à la reprise post-crise de la Covid-19, combinée à une gestion agressive du marché par les principaux pays producteurs. On se retrouve notamment avec un prix du pétrole en forte hausse ce qui pénalise l’économie française et notamment l’agriculture, que ce soit pour le carbu­rant ou pour la production de plastique. Pour l’aliment, on peut considérer que la conjoncture mondiale qui se carac­térise par une offre moins importante que la demande fait mécaniquement augmenter les prix pour les ramener à leur juste niveau. Cette moindre produc­tion est directement liée au changement climatique et à la reprise économique en Asie. Pour ce qui est des matériaux, là encore, la reprise a été un peu plus rapide en Asie avec un achat important de métaux qui a engendré une pénurie.

Quelles sont les filières les plus tou­chées par cette situation ?
Y. F. : Globalement, toutes les filières sont touchées. Néanmoins, on peut dire que ce sont les filières animales qui sont les plus impactées. Je pense notam­ment à la filière porcine, très gourmande en aliments, qui a connu en un an une hausse de 17 % de ses charges alors que dans le même temps, les cotations sont restées stables. On estime aujourd’hui qu’un producteur français perd entre 20 et 30 euros par porc vendu. La filière bovin lait est également très touchée. Si l’augmentation des prix a fait grimper de 15 euros la tonne de lait, l’augmentation des charges est de 25 euros/tonne. En végétal, l’augmentation globale du prix de vente permet d’amortir un peu la hausse généralisée des matières pre­mières. C’est surtout le cas pour les grandes cultures : en deux ans, la tonne de blé a par exemple pris 100 euros. C’est plus difficile pour les autres fi­lières, même si l’arboriculture ou la viti­culture ont connu un effet de rattrapage après le gel du mois d’avril 2021 ce qui a permis de maintenir les prix.


Cette hausse du prix des matières premières intervient dans un contexte de mise en place de la contractualisa­tion en lien avec la loi Egalim 2. En quoi cela peut-il représenter une solution ?
Y. F. : Si l’État apporte des aides à l’agriculture, comme récemment avec l’enveloppe de 270 millions d’euros pour la filière porcine, il faut rester focali­sés sur les prix. J’en suis convaincu : les fournisseurs doivent proposer un contrat à leur premier acheteur afin que le prix de vente soit indexé sur le coût de production ce qui permet d’obtenir une hausse des prix en quelques mois. On voit déjà les effets de la contractua­lisation en viande bovine et du côté du lait, les discussions sont aussi avancées. Face à l’urgence du moment, la contrac­tualisation apporte une solution rapide aux producteurs. L’enjeu, c’est de lever les réticences de ceux qui confondent contractualisation et fin de la liberté de vente. Rappelons que l’on peut avoir plusieurs contrats et que le prix n’est ja­mais fixe, il reste indexé sur les coûts de production. Nous arrivons au bout d’un schéma qui ne permet pas de rémunérer correctement les producteurs, surtout quand ils subissent une hausse généra­lisée des charges comme aujourd’hui.


Comment la conjoncture pour­rait-elle évoluer dans les prochains mois ?
Y. F. : C’est très compliqué de le dire, d’autant que des phénomènes géopoli­tiques viennent interférer dans l’équi­libre des marchés. Je pense notam­ment à la crise russo-ukrainienne qui complique les choses pour plusieurs secteurs stratégiques. L’Ukraine fait par exemple partie des plus gros pro­ducteurs de blé, donc sa situation est scrutée de près par les experts. Vu le prix des engrais azotés, la crise pourrait en­gendrer un peu de baisse de rendement et donc un maintien voire une hausse du prix des céréales. Cette crise impacte aussi le marché de l’énergie, notamment celui du gaz, qui se joue bien au-dessus de la France. Dans les prochains mois, nous serons sans doute encore dans ce contexte d’instabilité qui nous fera rester sur des cours assez hauts. On peut aus­si envisager entrer plus concrètement dans une période de sortie de crise de la Covid-19 qui pourrait engendrer une vraie reprise économique à l’échelle mondiale, et donc une possible hausse de l’inflation.
 

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