DÉBAT
Les cantines peuvent-elles toutes atteindre les 20% de bio ?
La Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme et Bio 63 ont organisé conjointement une table ronde sur l'approvisionnement en produits bio de la RHF* ravivant le débat entre produits bio et produits conventionnels ou sous signes officiels de qualité (SOQ) locaux.
La Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme et Bio 63 ont organisé conjointement une table ronde sur l'approvisionnement en produits bio de la RHF* ravivant le débat entre produits bio et produits conventionnels ou sous signes officiels de qualité (SOQ) locaux.
20%. C'est le seuil de produits bio que devaient atteindre les cantines françaises au 1erjanvier 2022, fixé par la loi Egalim. Deux ans après l'échéance, le compte n'y est pas. Alors que la filière biologique traverse une crise économique sans précédent, le respect de la loi par la restauration hors foyer (RHF) lui permettrait de dégager plusieurs millions d'euros de bénéfices. Alors comment mettre plus de bio dans les cantines ? C'est la question qui fût posée lors d'une table ronde organisée conjointement entre la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme et Bio 63, le 30 avril dernier. Autour de celle-ci, producteurs, distributeurs et consommateurs mais aussi plusieurs instances publiques ont partagé leurs positions.
Une question de volonté politique ?
« C'est indéniable, l'application pleine et entière de la loi Egalim permettra de mieux rémunérer tous les producteurs y compris ceux en bio » affirme Sabine Tholoniat, élue à la Chambre d'agriculture, en charge des dossiers bio. Chiffres en main, le représentant de Sodiaal révèle qu'atteindre le seuil de 20% de bio dans les cantines équivaudrait pour la filière laitière biologique à « une commercialisation de 111 millions de litres de lait supplémentaires ». L'association régionale de producteurs, Auvabio, dresse les mêmes estimations. Toutefois, elle met en garde contre les effets pervers de la loi : « oui au bio mais au bio local ». Les producteurs auvergnats soulignent l'importance de l'organisation de la filière biologique pour répondre aux marchés très particuliers des cantines publiques, soumises à l'obligation des appels d'offres.
Selon les producteurs, la réussite de l'application de la loi Egalim dépend à la fois de la structuration de la filière biologique locale et de sa logistique « pouvoir réunir une grande quantité de produits à un seul endroit pour ensuite les livrer » mais aussi de « la structure des cantines ».
Auvabio met le doigt sur la capacité des cuisiniers à travailler des produits majoritairement brut. Depuis 2021, la ville de Cournon sert cinq repas bios par semaine à plus de 1 270 écoliers/jour grâce à une cuisine et une équipe de cantiniers. Si pour Chantal Dozd, adjointe au conseil municipal de la ville tout n'est « qu'une question de volonté politique (...) le coût de ces repas n'excède pas la moyenne nationale de 12€ » ; l'élue ne précise pas le budget total alloué à ce service de restauration, par l'une des communes les plus industrialisée et urbanisée du département. Qu'en est-il donc dans les communes rurales où l'on compte moins de 30 repas/jour ? La communauté de communes d'Ambert-Livradois-Forez a témoigné travailler à résoudre cette question dans ses plus petites communes. L'absence de représentants de centrales de restauration collective a fait défaut à ce débat.
Le nerf de la guerre
« La loi Egalim n'a pas de moyens coercitifs. » Jean-Marc Callois, directeur régional adjoint de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt l'avoue: rien ne peut contraindre la RHF à intégrer 20% de bio dans ses menus. La plateforme gouvernementale Ma Cantine a été créée pour suivre les évolutions et l'engagement des restaurants sur leurs approvisionnements en produits bios et locaux de qualité. D'ailleurs, pour plusieurs producteurs biologiques présents dans la salle, leurs produits ne devraient pas entrer en concurrence avec les produits conventionnels locaux. Pour Nicolas Portas, directeur Agriculture, Sylviculture et Alimentation au Conseil départemental, le bio et les produits locaux sont complémentaires. « Sur notre plateforme Agrilocal, les cantines du département (230 acheteurs) ont le choix de s'approvisionner soit en produits conventionnels soit en produits bios, tous deux locaux en direct des fermes ou des artisans (plus de 360 fournisseurs).» Mais encore une fois, rien ne contraint les cantiniers à choisir l'un plutôt que l'autre. « Le nerf de la guerre reste le cuistot » assure Pascal Charbonnel, gestionnaire des cantines de la Métropole clermontoise.
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