Histoire
Meymac-près-Bordeaux : une histoire de vin et de négoce
Niché sur le Plateau de Millevaches, le village de Meymac possède une histoire fascinante, intimement liée au négoce des vins de Bordeaux depuis les années 1860.
Niché sur le Plateau de Millevaches, le village de Meymac possède une histoire fascinante, intimement liée au négoce des vins de Bordeaux depuis les années 1860.

Les débuts du négoce
L'aventure commence avec Jean Gaye-Bordas, un colporteur de parapluies à Bordeaux, qui a l'idée novatrice de vendre des vins à domicile.
De retour dans sa région natale, il parvient à convaincre de nombreux compatriotes – pour la plupart paysans – de se joindre à lui dans cette entreprise. Jean Gaye-Bordas a rapidement compris que le marché des vins de Bordeaux, en plein essor industriel, offrait des opportunités bien plus lucratives que ses parapluies.
Les négociants voyageurs corréziens se présentent alors comme des cultivateurs bordelais, se faisant passer pour des fils ou des parents de viticulteurs, et annoncent venir de « Meymac-près-Bordeaux ». Les pionniers, comme Jean Gaye-Bordas, Antoine Pécresse et quelques autres, s’enrichissent rapidement.
Le mouvement migratoire amorcé s’accélère. Les retombées économiques de cette dynamique sont perceptibles des deux côtés. Meymac profite des ressources financières apportées par ses négociants, tandis que Bordeaux et Libourne étoffent leur réseau commercial grâce à ces entrepreneurs audacieux. Le commerce des vins devient un levier de croissance pour les deux territoires.
L'expansion et l'entraide
Les Meymacois, en vendant des vins qu'ils ne possèdent pas, établissent un système efficace. Deux fois par an, ils se rendent en Gironde pour rencontrer leurs fournisseurs avant de partir vers le nord de la France, la Belgique et le Luxembourg. Leur démarchage est bien organisé, comme en témoignent les cartes imprimées annonçant leur passage. La confiance acquise au fil des années leur permet de se passer d'échantillons, et leur système de crédit gratuit avec « paiement au prochain passage » constitue un argument de vente convaincant.
Certains paysans se professionnalisent, d'autres conservent leur ferme. Les Corréziens commencent à investir dans l'achat de propriétés viticoles. Les premiers chais corréziens ouvrent sur le quai du Priourat, un point névralgique du négoce libournais. Pour ces paysans, si leur vignoble incarne leur lien avec la terre et devient leur principale activité économique, il offre aussi un avantage non négligeable : une adresse bien réelle et non plus inventée. Les voilà devenus négociants, producteurs et éleveurs.
Dans le même temps à Meymac, les marchands de vins restent actifs. Ceux domiciliés en Corrèze sont officiellement domiciliés chez leurs « cousins » en Gironde. Une pratique d’adresse commerciale qui va perdurer durant plusieurs années. On appelle cela « être fictif chez ». Des relations d’affaires très étroites perdurent entre les familles corréziennes. Les premières étant souvent les fournisseurs exclusifs des secondes restées en Corrèze. Ces derniers obtiennent même l’installation d’une boîte aux lettres à la halte de Jassonneix, la gare des marchands de vins. Ils portent leur courrier directement dans le wagon postal du train Lyon-Bordeaux pour qu’il soit tamponné « Bordeaux » et non « Meymac ». L’entraide corrézienne fonctionne toujours à merveille.
L'apogée et la crise
Après la première guerre mondiale, le négoce des vins de Bordeaux connaît un essor remarquable grâce à la reprise économique et au développement industriel. Jean-Pierre Moueix se distingue en ciblant les grossistes avec des vins rouges de la rive droite. Les négociants corréziens concentrent leurs efforts sur des professionnels comme les détaillants, les grossistes, les cafés et les restaurants.
À son apogée, le négoce corrézien compte environ 1 000 marchands. Cependant, la crise de 1929 pousse les Corréziens à investir dans des vignobles en difficulté. Des familles de Meymac acquièrent des vignobles dans le Bordelais, contribuant à l'essor des vins de Saint-Émilion et de Pomerol, qui étaient jusqu'alors moins connus que ceux du Médoc.
Ce négoce génère des retombées économiques significatives, symbolisées par les nombreuses maisons de marchands de vins qui jalonnent encore aujourd'hui le paysage de Meymac.
Transformation et héritage
En 1930, les petits négociants disparaissent, absorbés par les grandes maisons corréziennes. Ils deviennent salariés ou représentants pour ce négoce qui se structure. Les Corréziens continuent d’acheter pour installer leur famille et fixer leur descendance. Le syndicat des négociants voyageurs en vins de la Haute-Corrèze est créé en 1945 pour structurer la profession.
Plus d'un siècle et demi après le début de cette aventure, le négoce des vins de Bordeaux perdure, malgré les révolutions commerciales modernes. Des Corréziens continuent d'exercer ce métier, et des pieds de vignes ont même été acclimatés dans l'arboretum meymacois, nommé « Château-des-Moines-Larose », en hommage à Jean Gaye-Bordas.
Zoom sur…
Une association au service de l'Histoire L'association « Les Amis de Meymac-près-Bordeaux », fondée en 2009 par l'historien Marcel Parinaud, œuvre pour la préservation et la valorisation de cette histoire.
Un musée, situé au sein du pôle culturel de Meymac, retrace l'évolution du négoce, tandis que le « chai des Moines Larose » propose une reconstitution d'un bureau de négociant.
Y aller : Une fois par an en août, Meymac-près-Bordeaux organise sous sa halle une foire aux vins de Corrèze et de Corréziens exclusivement. Un parcours organisé par Marcel Parinaud permet de découvrir les maisons et jardins des marchands de vins.
À lire : Le livre de Marcel Parinaud « Meymac-près-Bordeaux, de la bruyère à la vigne ».