Jean-Philippe Cassan, trois costards en un pour un homme de principes et de devoir
Trois-quarts centre du Stade aurillacois, Jean-Philippe Cassan, 31 ans, est également sapeur-pompier volontaire depuis 2015... et agent immobilier depuis juin 2020.
L a pluriactivité dans le monde du rugby est de plus en plus rare. À Aurillac, il y a cependant quelques exceptions. Jean-Philippe Cassan est l’une d’entre elles. À 31 ans, le natif de la cité géraldienne a déjà réalisé son rêve de gosse en devenant rugbyman professionnel en 2010. Pour autant, il n’en est pas resté là. Jean-Philippe Cassan n’est pas un très gros bavard, mais il a un cœur énorme.
Taillé dans le marbre (1,77 m pour 92 kg), il est de ceux qui croient encore en certaines valeurs, notamment le don de soi. Alors qu’il est pro au Stade depuis quelques années déjà, il décide, en 2015, de revêtir le costume de sapeur-pompier. “Un ami à moi m’a dit : “Allez viens. Tu vas voir c’est sympa. On retrouve un super état d’esprit.”
“L’esprit collectif, l’esprit de corps”
Dans sa vie, Jean-Philippe n’a jamais su “quel métier je ferai plus tard. Rugbyman oui, mais sans plus. Alors pompier pourquoi pas, peut-être en ferai-je mon avenir, se souvient-il. Je me suis présenté à la caserne, au capitaine. Mon profil les intéressait. J’ai passé des tests physiques, psychologiques et j’ai été admis. J’ai alors commencé réellement ma formation et je me suis rendu compte que l’on avait le même vestiaire qu’au rugby”.
Par-là, il entend “l’esprit collectif”, “l’esprit de corps” qu’il apprécie. “On part en intervention, on est très soudé. On est plusieurs à faire face à plein de choses. Cela me plaît vraiment et je n’ai pas envie d’arrêter, même si j’ai un peu réduit.”“En fait, j’ai réalisé un jour qu’il n’y avait pas que le rugby dans la vie.” Une blessure en 2016 et tout est remis en question. Il est en train de réaliser “certainement ma plus belle saison en Pro D2”, mais en avril, un match contre Carcassonne lui laisse une épaule en vrac.
Adieu les phases finales, “sûrement le plus grand regret de ma carrière. Enfin non puisque j’avais déjà manqué la demi-finale contre Brive en 2013 sur blessure aussi...”Ce coup du sort le motive à reprendre ses études, avec le soutien de Provale (le syndicat des joueurs de rugby professionnel), et “par le biais de la TBS (Toulouse business school, NDLR), une école de commerce où j’ai passé une licence de management”. Trois ans à travailler d’arrache-pied pour passer son diplôme à l’issue duquel “je devais faire un mémoire. Attiré par l’immobilier, surtout par l’aspect investissement, pourquoi ne pas faire un mémoire sur l’immobilier aurillacois.”
Des services “en adéquation avec mes valeurs”
Dans le cadre de ce mémoire, Jean-Philippe rencontre beaucoup de monde, “dont Franck Lapié, gérant de Neowi qui m’a proposé, par convention (en auto-entreprise, NDLR) de travailler pour lui. J’y ai passé vraiment trois années agréables... et puis le confinement est arrivé”.
Avec tout ce temps pour réfléchir et le soutien de son entourage, “pourquoi ne pas ouvrir carrément sa propre agence ? D’autant que c’est ma dernière saison (il est en fin de contrat en juin 2021, NDLR), alors autant faire que les choses s’imbriquent bien et pouvoir vivre de l’agence par la suite”. Banco ! Quelques semaines après le déconfinement, “j’ai démarré mon activité, en lançant ma propre agence, Cassan Immobilier(1)”.Côté services à rendre au client, l’Aurillacois souhaite qu’ils soient “en adéquation avec mes valeurs. Je veux vraiment rendre un service de qualité, satisfaire les clients. Je ne suis pas là pour faire du débit, toujours plus de débit... je préfère avoir moins d’affaires, mais les faire bien. Je préfère le qualitatif au quantitatif”. Accompagnement aux petits oignons car dans ce secteur-là, “on n’achète pas un vélo. Ce sont des dettes sur plusieurs années. Pour pas mal de gens, c’est aussi un premier achat et ça peut faire peur. Il faut donc tout mettre en œuvre pour que cela se passe au mieux”.
Après deux mois d’activité, l’emploi du temps est assez chargé, surtout en cette période de préparation avec le Stade. Jean-Philippe doit donc composer et aménager ses journées en conséquence. “Cela fait déjà depuis 2016 que je ne fais pas que du rugby. J’ai repris mes études, j’avais déjà les pompiers, donc je savais où je mettais les pieds. Et puis, autour de moi, j’ai des amis proches, dont Paul Boisset (demi de mêlée du Stade aurillacois) qui vit une situation identique.” Alors il se lève très tôt le matin pour pouvoir préparer ses rendez-vous. Il file à l’entraînement (deux fois par jour en ce moment). “Généralement on finit entre 16 heures et 17 heures. Cela me laisse le temps d’enchaîner avec mes rendez-vous immobiliers. Ce qui tombe assez bien puisque cela correspond aussi aux horaires de fin de travail des gens”, sans compter que derrière, il peut y avoir ses gardes en tant que sapeur-pompier volontaire, “entre deux et quatre gardes de nuit par mois (19 heures à 7 heures), le dimanche pour moi. Et puis il y a les astreintes, deux par mois où là on fonctionne au bip, depuis notre domicile”.
S’il adore s’épanouir dans plusieurs choses - “je trouve cela vraiment sympa d’être quelqu’un un jour, le lendemain un autre” - selon lui, le rugbyman “doit se préparer à la vie courante”. De manière calme, posée, très sereine même, le Cantalien a donc préparé “sa” suite, d’autant plus qu’il a la chance “d’être très bien accompagné” et, par le biais du rugby, “d’avoir pas mal de connaissances”. Mais la réflexion est en fait bien plus profonde.
“C’est ma dernière saison. J’arrête”
“Quand je réfléchis à ma vie, je me dis que peut-être, tout cela (les blessures, NDLR) m’arrive pour une bonne raison. Et je suis persuadé que les mauvaises choses apportent toujours de bonnes choses derrière. Sans tout cela, j’aurais peut-être été trop focalisé sur le rugby, sans regarder plus loin que ma carrière, sans reconversion. Le rugby ce n’est un temps, c’est bien d’avoir quelque chose derrière.” Le visage de Jean-Philippe Cassan se ferme alors quelque peu, car au-delà de la blessure, ses blessures physiques, il y a aussi le drame de Louis Fajfrowski qui l’a profondément marqué. “C’est la pire des choses qui peut arriver” et dans le monde du rugby “cela a fait réfléchir beaucoup de monde. Aujourd’hui, le rugby est devenu un sport à risques, à très gros risques même.”
Jean-Philippe Cassan considère que “les opérations sont devenues le quotidien du rugbyman, quelque chose de normal... alors que ce n’est pas normal dans la vie de tous les jours, de monsieur tout le monde. On a été formaté à notre métier et on ne se rend pas forcément compte des choses”.
Et dans l’élan, il lâche : “Le jour où je serai parent, il faudra que je fasse un compromis. Bon déjà, à partir de l’année prochaine, je n’aurais plus le rugby...”Et de préciser : “C’est ma dernière saison. Mon corps souffre et puis ça tape de plus en plus fort. J’ai attaqué le rugby au moment où c’était le début du professionnalisme. Entre ce moment-là et aujourd’hui, il y a des sommets. Les joueurs sont très costauds, très rapides... Je pense qu’on est à la limite. On ne peut pas aller plus loin et c’est peut-être pour cela que le rugby est moins spectaculaire qu’avant.”Toujours est-il que Jean-Philippe Cassan livrera une dernière bataille d’un an avec de troquer ses crampons pour le costard-cravate.
(1) Cassan Immobilier : 06 83 75 96 13 ; mail : jp@cassan-immobilier.fr ; site : cassan-immobilier.fr