Appel à la simplification : “Laissez-nous travailler !”
Mardi 8 avril, le préfet du Cantal était convié par la FDSEA et les JA 15 à se déplacer sur le Cézallier pour un point sur les dossiers en souffrance impactant le quotidien des agriculteurs.
Mardi 8 avril, le préfet du Cantal était convié par la FDSEA et les JA 15 à se déplacer sur le Cézallier pour un point sur les dossiers en souffrance impactant le quotidien des agriculteurs.

La force de l’exemple ! Cela avait été lancé lors de la dernière assemblée générale des Jeunes Agriculteurs le 4 avril à Massiac (voir notre édition du 9 avril). Le préfet du Cantal serait très vite invité à se rendre sur le terrain pour constater les “aberrations” administratives qui finissent par “interdire aux agriculteurs de travailler”. Philippe Loos était convié en début de semaine à se rendre à Vernols à la rencontre du Gaec Depierre à l’invitation des responsables de la FDSEA et des JA. Sur le plateau du Cézallier, il était question d’aborder différents dossiers de mécontentement de la part de la profession. Il s’agissait aussi, en se rendant sur le terrain, de relever l’impossibilité, aujourd’hui, pour un agriculteur d’entretenir ses parcelles comme cela s’est toujours pratiqué, “avec logique et raisonnement”. Antoine et Daniel Depierre ont ainsi abandonné d’entretenir les rases d’une parcelle. Depuis six ans !
Face à la complexité des démarches puis l’interdiction d’intervenir et au final, la peur de se mettre hors la loi, le filet d’eau ayant du mal à trouver sa voie envahit les terres les plus basses où viennent patauger les animaux. “Ce que je veux faire, c’est entretenir le tracé et mettre en défend, comme nous avons toujours fait”, martelait Daniel Depierre devant le préfet. Les demandes perdues dans les méandres administratifs anéantissent bien souvent les meilleures volontés de ceux qui veulent rester dans le droit. En 2023, lors d’un déplacement dans le Nord-Pas-de-Calais, même le président de la République avait reconnu la complexité administrative. Les règles restent floues sur la distinction entre fossés et cours d’eau. Ce n’est qu’un exemple.
“Sinon, on ne s’en sort pas”
“Nous ne voulons pas en venir à la désobéissance pour pouvoir en toute logique valoriser nos terres”, déclarait Joël Piganiol, président de la FDSEA à l’attention du préfet et du DDT, Jérôme Péjot, venu l’accompagner. Et de souhaiter : “Pour un curage, comme ici, en respectant les contraintes environnementales, nous devons revenir à une simple déclaration et non devoir passer par une autorisation de travaux avec obligation d’une étude d’impact. Sinon, on ne s’en sort pas ! On va se retrouver sur un territoire sanctuarisé où il ne sera plus possible de travailler.”
Le Gaec Depierre est un exemple parmi beaucoup d’autres. Pourtant, le territoire est tel qu’il est dessiné par les pratiques d’élevage et le travail des agriculteurs.
Cela n’est pas antinomique avec le respect de la nature et de la biodiversité “puisqu’aujourd’hui, les deux tiers du département sont classés soit en Natura 2000, soit prairies sensibles, soit situés dans les périmètres des parcs naturels régionaux”, faisait remarquer le président de la FDSEA. Mathieu Izabel, sécrétaire général des JA 15, pointait du doigt la superposition des normes et des règlements, prenant le cas dans la gestion de l’eau, du Sage porté par le Sigal Alagnon. Cela va de pair avec l’accès à la ressource en eau à des fins d’abreuvement du bétail qui reste une revendication forte des éleveurs. “Une visite sera réalisée sur le terrain avec les services de l’État, la Chambre d’agriculture, l’OFB et les différents intervenants pour trouver la solution”, faisait part Jérôme Péjot afin de dénouer l’affaire du Gaec Depierre.
Demandes raisonnables
Nous ne sommes pas là pour tout raser!"
“Nous ne sommes pas là pour tout raser mais pour pouvoir faire simplement notre métier, partageait Valentin Delbos, président des Jeunes agriculteurs. Si nous continuons comme cela, le paysage va complétement se boucher et nos terres se dévaloriser. Nous sommes sur des demandes raisonnables.”
Et d’évoquer un problème similaire, celui de la taille des haies. Après une dérogation afin d’adapter la période aux possibilités réelles d’intervention, la profession a eu le sentiment d’un recul, voire “d’une trahison de l’engagement de l’État”, selon Mathieu Izabel. La taille des haies est interdite du 15 mars au 15 août. Notamment au printemps, cette période ne prend pas en compte l’impossibilité selon les conditions climatiques d’intervenir. “Nous demandons à ce que les dates soient adaptées localement et en particulier pour tenir compte, en zone de montagne, de la neige ou de terrains détrempés, et que cette évolution soit pérenne et pas seulement soumise à dérogation”, affirmaient les représentants des deux syndicats.
À l’issue de la matinée, Philippe Loos déclarait : “Je suis à l’écoute pour que nous trouvions ensemble des solutions pérennes sans prendre des arrêtés illégaux. Nous devons permettre de sécuriser le travail, ceci dans une compréhension mutuelle. (...) Il est important de comprendre pour agir au mieux. Nous sommes dans la simplification attendue par les éleveurs.”
Retour du fléau des champs
Certains prédécesseurs de Philippe Loos étaient venus sur le Cézallier constater la mise à nu des terres agricoles par les campagnols. À Vernols, l’actuel préfet a pu remarquer en ce début de printemps les prémices d’une réminiscence du fléau avec des mottes qui se multiplient. Certes, il n’y a pas encore péril mais l’occasion était donnée aux représentants de la FDSEA et des JA d’exprimer l’urgence à accélérer les recherches de traitements qui, pour l’heure, restent trop limités. Le PH3 ne permet pas de traiter près des zones de captage. L’espoir repose sur un produit immunocontraceptif. “Il existe d’autres produits mais cela n’avance pas, déplorait Joël Piganiol. Nous devons aussi accélérer sur la robotisation pour soulager le travail de lutte qui demande beaucoup trop de temps.”
Remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier

Le gros de la rencontre entre le préfet et les syndicats s’est principalement concentré sur les solutions à trouver pour la taille des haies, le curage et l’accès à l’eau qui devient de plus en plus préoccupant dans un contexte de sécheresses récurrentes. D’ailleurs, il est demandé une simplification du cadre législatif et réglementaire, c’est-à-dire une simplification en profondeur des règles régissant l’entretien des cours d’eau. Il est demandé aussi une clarification des régimes juridiques des travaux d’entretien jugés trop complexes et pas adaptés aux réalités du terrain comme cela a pu être constaté à Vernols.“Le manque d’entretien des cours d’eau et des fossés entraîne des risques sanitaires”, jugent les syndicats.
Rétablir un calendrier législatif
Joël Piganiol et Valentin Delbos en ont profité pour interpeller Philippe Loos sur d’autres dossiers plus généraux. Les agriculteurs s’impatientent sur l’avancée de la proposition de loi (PPL) portée par les sénateurs Duplomb et Menonville, plusieurs fois repoussée. Celle-ci s’inscrit en complément de la loi d’orientation agricole pour lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Pour la profession, “l’importance de cette PPL concerne la suppression définitive de l’obligation
de conseil stratégique phyto, la simplification des démarches pour les éleveurs relativemes aux ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement), notamment en productions volaille et porcine”. Face à l’incertitude des conditions climatiques, les deux syndicats demandent : “une meilleure prise en charge de l’assurance prairie pour sécuriser les exploitations avec une information régulière et le perfectionnement de l’approche indicielle”. Quand les données GPS ne fonctionnent pas, il est demandé que les visites de terrains soient rétablies pour réellement tenir compte de la réalité des cultures d’une zone à l’autre.
FDSEA et JA réclament également une prise en charge des pertes indirectes causées par les maladies vectorielles. Ces pertes concernent les impacts économiques générés par les restrictions sanitaires, la baisse de production, ou encore la reconstitution du cheptel.