Gestion de l’eau : défi de la décennie
Le Cantal n’est pas un château d’eau. Face aux épisodes de sécheresse répétés qui menacent prairies et abreuvement, les JA ont exploré des leviers lors d’une table ronde.
Les épisodes secs de 2018, 2019 et 2020 ont battu en brèche les arguments des climatosceptiques et l’élevage est au premier rang des activités impactées avec des pénuries fourragères appelées à se répéter. Car si la volumétrie annuelle des précipitations sera quasi étale par rapport à celle du début des années 2000, c’est sa répartition infra-annuelle qui va affecter la pousse de l’herbe avec un déficit hydrique plus marqué au printemps et en début d’été, une évapotranspiration accrue, couplée à un nombre de jours très chauds (> 30°C) qui va quasiment tripler à basse altitude à l’horizon 2050 (20 jours à Aurillac), selon les travaux du programme AP3C(1). Parmi les leviers d’adaptation identifiés : mise à l’herbe plus précoce, pâturage tournant, variétés plus résistantes... mais aussi l’irrigation et le stockage hivernal de l’eau. Actuellement, dans le Cantal, on ne recense que 75 exploitations irrigantes actives, majoritairement en Châtaigneraie, un peu sur le bassin d’Aurillac et dans la vallée de l’Alagnon (maraîchers...). L’irrigation reste de fait une pratique très limitée avec moins de 0,2 % de la SAU irriguée (soit 500 à 600 ha maxi) et des volumes autorisés qui n’excèdent pas 10 à 15 000 m3 par an et exploitation, explique Vincent Nigou, responsable du pôle Juridique et Territoire à la Chambre d’agriculture et animateur de l’association des irrigants du Cantal. La plupart des installations remontent aux années 1970-80 avec deux profils : des systèmes reposant sur l’irrigation de maïs ensilage qui a souvent permis d’éviter le recours à l’agrandissement pour viser l’autonomie fourragère ; d’autres où il s’agit davantage d’une sécurité, activée les années sèches.
Stockage : c’est faisable
Mais à la faveur de la répétition des sécheresses, les demandes d’information de la part des agriculteurs se sont multipliées depuis deux ans dans le Cantal. La Chambre d’agriculture en a recensées une trentaine y compris dans des secteurs qu’on n’attendait pas (Moussages, Champs...), des questionnements se sont aussi faits jour autour de la remise en service d’ouvrages anciens. Huit projets se sont concrétisés dont cinq créations. Parmi ces dossiers, celui du Gaec Théron (Roannes-Saint-Mary) pour permettre l’implantation et l’optimisation du rendement des 300 châtaigniers qui ont accompagné l’installation de Benoît Théron, en parallèle de l’atelier limousin existant. La création d’une retenue collinaire initialement prévue, trop complexe et onéreuse, a laissé place à deux forages qui viennent alimenter des “bassines” en plastique. “Effectivement, le montage des dossiers est a priori complexe, mais il faut relativiser, l’appui de la Chambre d’agriculture et même de la DDT permet de faciliter les choses”, confie Mathieu Théron, associé du Gaec et président des JA, évoquant par ailleurs des aides via le PCAE(2) (et potentiellement le plan de Relance).
Quid de l’irrigation des prairies, surfaces herbagères prédominantes dans le département ? Si les légumineuses répondent bien à l’exercice, la question reste posée sur les autres profils prairiaux. Une expérimentation conduite en Haute-Savoie sur des prairies permanentes a porté ses fruits avec des gains de l’ordre de 2 t MS/an (le double en temporaires). Reste à savoir si cela s’avère transposable dans les conditions pédoclimatiques cantaliennes. C’est tout l’enjeu d’un test que devrait mener l’Association des irrigants.
Concurrence entre eau du robinet et abreuvement
Autre problématique, celle de l’abreuvement des animaux avec le tarissement de sources mais aussi des tensions apparues sur le réseau public d’eau potable, avec une concurrence entre besoins humains (évalués à 20 030 m3/jour dans le Cantal) et agricoles (27 165 m3/j en intégrant irrigation et abreuvement). Des tensions, amenant certains élus à demander aux éleveurs de se déconnecter du réseau public, a relevé Patrick Escure, président de la Chambre d’agriculture, regrettant par ailleurs qu’il faille chaque année importer d’Espagne du fourrage issu de surfaces irriguées. D’où la nécessité d’une réflexion et d’une anticipation à l’échelle départementale en recensant les besoins, la ressource,... : c’est le sens de la convention signée en 2019 par la Chambre d’agriculture, la préfecture et le Conseil départemental. Constat et ambition partagées par Bruno Faure, président du Département, pour qui il faut aussi réfléchir à d’autres pistes : comme l’eau des barrages, et pourquoi pas, l’eau de retenues comme celles du Lioran utilisées par la station seulement en hiver. “Il va aussi falloir que la réglementation s’assouplisse”, a lancé l’élu, rejoint par les Jeunes agriculteurs.
(1) Adaptation des pratiques culturales au changement climatique, travaux conduits au sein du Sidam par les Chambres d’agriculture du Grand Massif central.
(2) Plan de compétitivité des exploitations agricoles.