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Fromages AOP d’Auvergne : la filière attend le redémarrage de la restauration

Malgré de multiples initiatives, les fromages AOP d’Auvergne peinent encore à retrouver leurs débouchés et volumes, toujours pénalisés par la fermeture de la restauration hors foyer.

Cantal : un fromage de garde qui attend d’être écoulé...
Cantal : un fromage de garde qui attend d’être écoulé...
© UC

Fabrice Biscarat n’a qu’une hâte : que la future fromagerie de la coopérative de Neuvéglise, qu’il préside, et sa cave d’affinage soient au plus vite opérationnelles afin d’avoir la main sur la commercialisation des produits de la coop.

Car cette dernière, qui collecte 28 producteurs pour 7 millions de litres, a très mal vécu la crise qui secoue les filières fromagères AOP et tout particulièrement les petites unités en monoproduction livrant leurs fromages en blanc aux affineurs. “La semaine qui a suivi le confinement, notre affineur nous a informés que faute de débouchés, il ne pouvait plus acheter notre cantal(1). On a été obligés, comme d’autres, de vendre du lait(2) à des cours dérisoires : 200 € les 1 000 l, voire même 129 € une citerne en mars !”, déplore le producteur de Malefosse. Soit très loin du coût de production du lait dans ce secteur de la Planèze (autour de 400 €/t).

Du lait à 200 € voire 129 €/t

En mars, ce sont ainsi 20 % des volumes de lait collectés qui ont été revendus en blanc, 50 % en avril. Un “manque à gagner qu’on ne rattrapera pas” et un sacré coup dur pour la coopérative et ses producteurs qui ont vu leur paie du lait impactée, “même si on a fait l’effort de payer un peu plus que 200 € les 20 % du lait non transformés”, précise Fabrice Biscarat. En mai, la part de lait revendu est descendue à 30-40 % avec une cotation sur le marché Spot qui a regagné 50 à 60 €, mais “chaque fois qu’on vend 1 000 l de lait à 250 €, on perd encore 150 €”, s’agace le producteur d’autant plus inquiet que la reprise tarde à se concrétiser. “Notre affineur nous dit que les ventes ne repartent pas, que malgré le déconfinement, les caves ne se vident pas…”, relate le président de la coop avec le sentiment amer d’être toujours contraint “de subir”.

“On a été obligés de réagir très vite et d’arrêter de collecter nos fournisseurs, les coopératives de Paulhac, Thérondels, la fromagerie Condutier,… et la douzaine de producteurs fermiers. On leur a demandé de vendre du lait, confirme René Manheval, dirigeant de Fromagerie Jean Bonal. Mieux vaut vendre du lait, même pas cher, que de jeter des fromages.”

Chez Bonal (affineur), on reste très prudent Spécialisée dans l’affinage de fromages, notamment des appellations cantal et salers, la Fromagerie Bonal irrigue la grande distribution, la restauration, les traiteurs et marchés dans toute la France. “Ce qui nous a un peu sauvés pendant le confinement, ce sont les supérettes qui ont tourné à plein”, relate le responsable. Une activité revenue à la normale contrairement au secteur de la restauration hors foyer qui représente pas loin de 30 % de l’activité Bonal et qui continue à faire défaut même si les marchés ont repris depuis peu dans le Cantal et l’Aveyron.

“À l’heure actuelle, il manque toujours tout ce qui est restauration et traiteur, du coup, même si nos caves ne sont pas saturées, on reste prudents et on n’a repris que 50 % des volumes qu’on achète d’habitude. De toutes façons, on n’aurait pas la place de rentrer tous ces fromages. On essaie d’anticiper sachant que c’est du jamais vu… Mai est traditionnellement un bon mois(3). Ce ne sera pas le cas.” Ce que René Manheval espère, c’est une arrivée conséquente de touristes attirés par la montagne cet été et, au-delà, jusqu’à la fin de l’année.

Cantal AOP : “La filière a très bien réagi”

Des espoirs que partage Jacques Chalier, président du Cif (Comité interprofessionnel des fromages) qui gère les appellations cantal et salers. S’il convient que la fin mars et les mois d’avril et mai (avec un tonnage amputé de moitié pour ces deux derniers mois) ont été très mauvais en termes de commercialisation pour le cantal AOP, il tient à saluer la réaction collective de la filière.

“Après des remontées initiales très alarmistes et des ventes qui ont atteint un point bas du fait du poids de la restauration collective, la filière a très bien réagi, en maîtrisant la production, souligne le responsable de l’ODG(4). Tout le lait a été collecté, certes avec du dégagement et des prix qui n’ont rien à voir avec ceux du début d’année et d’un lait AOP…”

“Grâce aux actions mises en oeuvre, avec la campagne de promotion du Cnaol (Comité national des appellations d’origine laitières, présidé par le Cantalien Michel Lacoste, NDLR), les actions de l’Afa (Association des fromages d’Auvergne) que nous avons relayées, notre présence sur les réseaux sociaux, les courriers adressés aux politiques, aux maires pour leur dire de penser à mettre nos AOP dans les cantines qui ont rouvert… les ventes sont aujourd’hui reparties, hormis pour la restauration hors foyer, toujours atone. Tout le monde a fait en sorte de relancer la consommation. Les interventions des élus, du Département, mais aussi des distributeurs, les efforts des GMS pour rouvrir les rayons à la coupe, les crémiers qui ont mis en place des drives… ont porté leurs fruits et je tiens à les remercier tout comme les consommateurs pour leur confiance.”

Lui estime qu’il faudra encore attendre septembre pour un retour “à la normale”, mais il reste confiant : “Des crises, malheureusement, le monde agricole en vit depuis de nombreuses années. Ça fait partie de nos aléas.”

(1) Et un peu de tome. Le tout vendu en blanc à un affineur. Une petite partie est reprise et commercialisée sur site via un petit magasin.

(2) À Sodiaal.

(3) Le second semestre est la période phare pour les ventes de fromages de l’affineur.

(4) Organisme de défense et de gestion.

“On a écoulé les surstocks”

“Les surstocks sont en train de se résorber”, assure Nicolas Cussac, p résident du syndicat interprofessionnel régional du bleu d’Auvergne (Sirba). Le résultat d’un arrêt de fabrication de la quasi totalité des trans- formateurs qui ont suspendu leur outil pendant plusieurs jours, voire deux semaines pour certains pen- dant le confinement, et écoulé le lait sur le marché Spot.

“Grosso modo, les ventes de nos pâtes persillées (bleu d’Auvergne et fourme d’Ambre) ont chuté de 40 % en moyenne durant cette période, relate le producteur sanflorain. Heureusement, via les opérations de communication du Cnaol dans les médias, les GMS ont eu une oreille plus attentive et ont mis en avant nos produits notamment à la coupe pour celles qui avaient rouvert ce rayon. Les crémiers qui étaient déjà organisés pour faire du drive et du commerce en ligne, ont aussi eu une grosse activité. Il y a eu également pas mal dedons...”

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