Des objectifs louables, une organisation délicate
Avis partagés chez les enseignants, parents et élus sur la réforme de l’organisation de l’école primaire, motivée par la persistance de l’échec scolaire en France.
“L’école primaire n’arrive plus à faire diminuer l’échec scolaire” : c’est de ce constat d’échec et d’impuissance sur sa propre action que le ministère de l’Éducation a entrepris de redorer le blason du système éducatif français, également mis à mal dans les classements internationaux. L’objectif, affiché par le ministère et relayé la semaine dernière par le rectorat de Clermont-Ferrand, est ambitieux mais loin d’être simple : donner les mêmes chances de réussite scolaire à tous les élèves, respecter leur rythme d’apprentissage, reconnaître leurs difficultés et “trouver le temps de les résoudre”. Des enjeux pour la société et un projet on ne peut plus louable et sur lequel chacun s’accorde. Ce qui est loin d’être le cas de la méthode choisie, qui suscite, elle, de vives contestations de la part des enseignants, éducateurs, d’une partie des parents mais aussi des élus locaux. Dès la rentrée prochaine, une nouvelle organisation du temps scolaire va donc être mise en oeuvre, modifiant les rythmes actuels quotidiens, hebdomadaires et annuels des écoles primaires. Avec notamment le passage de 26 à 24 heures d’enseignement pour tous, soit 864 heures d’enseignement par an. Une mesure, qui, bien que justifiée par la mise en place parallèle de deux heures d’aide personnalisée aux élèves en difficulté, ou de travail en petits groupes, est loin de faire l’unanimité. Pour le corps enseignant, et en particulier le syndicat SNUipp, ces deux heures en moins pour tous seront synonymes d’aggravation des difficultés d’apprentissage des élèves, à l’inverse de l’objectif recherché.
Une vraie bonne idée ?
Même analyse du côté des chefs d’établissements catholiques d’Aurillac qui redoutent une compression des programmes sur les 24 heures hebdomadaires au détriment de certaines matières. Les 108 heures annuelles ainsi “libérées” pour les enseignants du premier degré seront, elles, mises à profit par ces derniers pour une aide directe aux élèves en difficulté (60 heures), du travail d’équipe, la relation avec les familles ou l’implication dans un projet de scolarisation d’un élève handicapé, l’animation pédagogique, la formation ainsi que pour la participation aux conseils d’école. Mais, au-delà de cet aménagement de l’agenda des instituteurs, c’est la nouvelle organisation que suppose cet appui individuel (ou en petits groupes), en dehors des heures de cours collectives, qui suscite aujourd’hui nombre d’inquiétudes. À commencer par les directeurs d’école qui auront la charge dans le peu de temps restant avant la rentrée d’assurer ce nouveau dispositif ; par les parents ensuite qui devront eux, s’adapter à des plages horaires différentes, ce qui laisse augurer des casse-têtes familiaux et au sein des entreprises pour faire concilier, encore une fois, vie professionnelle et contraintes parentales. “Je ne suis pas contre ces évolutions, témoigne cette maman, chargée de mission au sein d’une association départementale, sauf que, comme toujours, aucune mesure n’accompagne cette réforme en termes de moyens de garde accrus”. Et de suggérer au gouvernement de s’inspirer des modèles du Nord de l’Europe, “particulièrement avancés sur ces réflexions”.
Des élus mis au pied du mur
Même écho du côté des élus, qui lors de l’assemblée générale de l’Association des maires du Cantal courant mai, ont formulé leurs craintes quant aux multiples répercutions de cette semaine scolaire modifiée, notamment en matière d’organisation des transports scolaires, et leur regret de ne pas être associés suffisamment en amont à des réformes pesant sur le fonctionnement et les finances des petites communes. “Cela va inévitablement poser problème sur notre territoire rural, d’autant plus si chaque école choisit de moduler différemment l’application de la réforme. Cela risque de devenir rapidement mission impossible”, avait alors alerté Pierre Jarlier, nouveau président de l’AMF du Cantal. Il s’en était d’ailleurs alerté auprès de Xavier Darcos lors d’un groupe de travail le 27 mai dernier. Le ministre de l’Éducation s’était dit conscient des adaptations nécessaires en milieu rural. Des propos rassurants relayés devant les maires cantaliens par le préfet Mourier : reconnaissant lui aussi les conséquences induites par cette réforme, il s’était alors engagé à travailler de concert avec les élus locaux pour faciliter les choses, en rappelant les effets bénéfiques attendus de cette évolution de l’accompagnement éducatif, pensée et actée “dans l’intérêt des enfants”. Une fin louable mérite aussi des moyens raisonnés...