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Et si vous compreniez mieux vos vaches pour gagner en confort et sécurité ?

L'accident en élevage ne doit pas tout au "pas de chance". Mieux comprendre le fonctionnement de ses bovins permet d'éviter des gestes et pratiques accidentogènes. Eclairage avec Pauline Garcia.

Jeune femme caresse le museau d'une vache dans un pré.
Eleveuse de salers et aubrac, Pauline Garcia met en pratique ses préceptes avec son troupeau.
© P. Garcia

“Avant même de parler manipulation, contention, éducation, il faut d’abord avoir une bonne connaissance de l’animal, de sa vision, de son mode de communication, de la façon dont il interagit avec ses congénères” : pour Pauline Garcia, éleveuse de salers et aubrac sur le Cézallier et par ailleurs comportementaliste animalière, c’est là le préalable en matière de sécurité en élevage. Un préalable qui suppose parfois de remettre en question des années, voire des décennies d’approche et de conduite du troupeau, des croyances héritées même de générations d’agriculteurs. Depuis, la science a permis de mieux décrypter le mode de fonctionnement des bovins. “En approfondissant la connaissance des cinq sens du bovin, on peut se mettre à sa place et saisir comment il perçoit son monde”, avance Pauline Garcia, sollicitée depuis plusieurs années déjà par la MSA Auvergne dans le cadre de formations “Gagner en sécurité à travers le comportement animal et humain”. 
Première chose à savoir donc, la vache a une vision saccadée. “Je dis toujours à l’éleveur chez qui j’interviens qu’il va trop vite. Un bovin naturellement n’a pas du tout la même allure qu’un humain”, avance l’éthologue, qui, depuis des années, met en pratique ses préceptes sur son troupeau. Concrètement donc, quand on se déplace à pied au milieu du troupeau, on ralentit pour ajuster son pas à celui des vaches. Une accélération peut en effet surprendre l’animal avec deux options pour ce dernier : la fuite ou au contraire l’emballement et le coup de sabot. “À d’autres moments, on peut se permettre d’aller plus vite, explique Pauline Garcia. En fait, tout est une question d’énergie : parfois il faut être en énergie montante, on peut accélérer ; mais quand on veut évoluer au milieu du troupeau, au calme, il faut soi-même être posé, en énergie descendante.” 

Familier oui, trop docile non

Deuxième sens à apprivoiser : le toucher, dont le rôle est majeur dans la communication entre bovins. Il n’y a qu’à regarder les longues séances de léchage entre individus. “Le bovin a cette capacité à toucher et passer des messages rien que par le léchage”, expose l’agricultrice. Aussi, recommande-t-elle dès le plus jeune âge (au sevrage pour les veaux allaitants, avant pour les petites velles laitières) d’établir une connexion par le toucher. “La sécurité naît vraiment de la relation instaurée avec les animaux dès leur plus jeune âge”, insiste-t-elle. À condition d’être au bon curseur, dans une échelle qui va de “peureux” à “trop docile”, en passant par “curieux” et “familier”. 

A lire aussi : https://productions-animales.org/article/view/3512

Ni copain ni dealer

Au début de la relation, le veau est en effet peureux, fuyant, peut avoir un comportement incontrôlé à l’approche de l’éleveur perçu comme un danger. Au fur et à mesure, il devient curieux, s’approche tout en restant méfiant et évite encore les interactions physiques. Puis vient la phase de l’animal “familier” : le bovin reconnaît l’éleveur, sa silhouette, sa voix, son odeur. Il prend l’initiative. “Là, l’éleveur se dit, j’ai une connexion avec l’animal, je vais lui gratter le dos... Erreur ! On grille les étapes, on renforce dès lors le comportement de quémandage de l’animal” et un excès de docilité synonyme de danger potentiel. L’animal trop docile va en effet se permettre de venir se frotter, de provoquer, de chevaucher l’éleveur... 
Aussi, pour éviter une exigeante période de rééducation sur un animal de 600 kilos, mieux vaut mettre et respecter des codes clairs quand il en fait 80. “L’humain n’est pas le partenaire social de l’animal. À encourager ce comportement, l’éleveur devient en quelque sorte le dealer, dealer de récompenses très appétantes et addictives, comme le grattage”, martèle la spécialiste lors de ses formations. 
Pour autant, pas question de bannir les interactions positives, bien au contraire, à condition qu’elles soient décidées et maîtrisées par l’éleveur.

Le toucher pour positiver

L’utilisation du toucher va ainsi avoir une importance majeure pour contrebalancer un ressenti négatif lié à un soin, un stress, une prophylaxie... “Si ces moments restent associés à une interaction négative avec l’humain, qu’il s’agisse de l’éleveur ou du vétérinaire, l’animal va le mémoriser et généraliser”, explique Pauline Garcia. La parade ? Avant un soin sur une mamelle par exemple, elle invite à respecter un schéma d’approche : d’abord gratter l’épaule et progressivement rapprocher son autre main de la zone à soigner à une allure lente, avec une voix apaisante en vérifiant que l’animal ne se contracte pas. Une fois le soin appliqué, petit coup de grattage au garrot et petite touche finale : une petite poignée d’aliment. Le stress va de fait être dilué dans un ensemble positif.
On imagine mal la scène dès qu’il s’agit de vacciner tout ou partie du troupeau. Impossible. Dans ce cas, on va limiter cette approche à certaines vaches (grattage puis piqure et regrattage et aliment) 
en jouant sur la contagion émotionnelle : “Les premières vaches à vivre quelque chose de positif vont interagir visuellement avec les autres”, décrypte Pauline Garcia qui convie les vétérinaires à l’imiter. 
“Oui mais je n’ai pas le temps” : un argument des éleveurs que combat Pauline Garcia qui jongle entre l’activité de la ferme, ses formations, le coaching, les livres qu’elle écrit. En insistant sur le fait que ce temps, supposément perdu à comprendre ses bovins et nouer une relation positive avec eux, se rattrape au centuple plus tard dans la conduite quotidienne du troupeau, du temps mais aussi de la sécurité, du bien-être des animaux et de l’éleveur. 
En savoir plus https://www.etho-diversite.fr/


Pensez à enrichir vos vaches !
Les animaux habitués à la nouveauté vont être beaucoup moins explosifs dès lors qu’une situation nouvelle se présente : un soin, une contention, l’arrivée d’un nouveau visiteur... Dès leur jeune âge, Pauline Garcia enrichit donc l’environnement de ses bovins : avec des cônes de chantier, des drapeaux, elle leur fait sentir des odeurs comme celle du flacon de Bétadine. Les bovins ainsi “enrichis” développent dse connections synaptiques au niveau cérébral, élargissent leur perception du monde et leur intelligence.

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