INTERVIEW
« L'annonce de Lactalis n'est pas une surprise »
François-Xavier Huard, PDG de la Fédération Nationale de l'Industrie Laitière (FNIL) rassemblant plus de 300 laiteries et fromageries, répond à nos questions au lendemain de l'annonce de Lactalis de réduire sa collecte de 8% et apporte un éclairage sur un marché laitier en tension.
François-Xavier Huard, PDG de la Fédération Nationale de l'Industrie Laitière (FNIL) rassemblant plus de 300 laiteries et fromageries, répond à nos questions au lendemain de l'annonce de Lactalis de réduire sa collecte de 8% et apporte un éclairage sur un marché laitier en tension.
François-Xavier Huard, PDG de la Fédération Nationale de l'Industrie Laitière (FNIL) rassemblant plus de 300 laiteries et fromageries, répond à nos questions au lendemain de l'annonce de Lactalis de réduire sa collecte de 8% et apporte un éclairage sur un marché laitier en tension.
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Le prix du beurre atteint des sommets, près de 8 000€/tonne. Comment explique-t-on cette envolée et quel impact a-t-elle sur les marchés du lait ?
François-Xavier Huard : L'industrie laitière valorise la moindre goutte de lait permettant d'apporter de la valorisation dans les cours de fermes grâces notamment à une forte exposition aux marchés mondiaux. Sur 10 litres de lait produit, quatre partent à l'export. La France est active sur tous les produits mais la crème et les fromages restent nos produits phares. Nous concentrons donc la matière grasse du lait sur ces transformations. Structurellement, nous sommes déficitaires en matière grasse et l'industrie est contrainte d'en importer pour satisfaire les besoins de transformations et de consommation. Actuellement, les cours mondiaux sont très élevés. Nous sommes sur une phase assez haute qui s'explique par un ralentissement de production des deux grands bassins laitiers mondiaux : les États-Unis en raison des aléas climatiques qui ont gêné la production et la Nouvelle-Zélande qui, en raison d'une réglementation environnementale très stricte, a mis un coup d'arrêt à la production de matière grasse laitière. Parce que ces deux bassins très actifs sur l'export, sont réduits et parce que la demande mondiale reste forte, le prix de la matière grasse s'envole.
Le prix du beurre a-t-il une incidence sur le prix du lait payé aux producteurs ?
FX-Huard : Le prix du lait est aux alentours de 460€/1 000 L actuellement soit le même niveau qu'en 2023. Si on regarde sur un temps plus long, depuis le début de l'inflation, que ce soit pour les fermes ou pour les laiteries, nous sommes sur une augmentation de l'ordre de 30%. Le nouveau plancher du prix du lait est de ce fait à 450€/1 000 L ce qui est énorme. C'est prix qui n'a jamais été pratiqué.
Les charges de production n'ont jamais atteint les niveaux actuels non plus...
FX-Huard : Quand on regarde l'indice Ipampa, il a augmenté mais moins vite que le prix du lait. Les laiteries ont joué le jeu. La France est l'un des pays d'Europe qui rémunère le mieux le lait. Nous avons même été devant l'Allemagne début 2024. Est-ce suffisant ? Nous pouvons toujours faire mieux. Nous attendons beaucoup des prochaines négociations commerciales pour avoir des discussions directes avec la grande distribution. Elle doit entendre qu'il y a une loi Egalim et une construction du prix marche en avant dans la filière. Nous devons parvenir à refuser les baisses de prix de la distribution et sanctuariser le prix aux producteurs.
Une telle tension de marché est-elle présente sur d'autres produits ?
FX-Huard : Sur la poudre, le marché est très faible, à peine 2500€/t. Actuellement, les laiteries payent la matière protéique du lait aux éleveurs, plus cher que le marché mondial. Les activités de transformation, notamment de séchage de poudre, sont donc déficitaires. Nous maintenons les prix du lait parce que nous avons besoin des éleveurs laitiers. Nous sommes interdépendants, sans lait pas d'industries et sans laiterie pas d'élevage.
Les récentes annonces de Lactalis de réduire de 8% sa collecte de lait, ont-elles surpris les industries laitières ?
FX-Huard: Cette décision qui relève d'une stratégie d'entreprise, elle est révélatrice d'un élément important : nous avons un problème structurel de compétitivité dans la filière. Il y a une demande de prix élevé de la part des éleveurs pour maintenir l'élevage et la rémunération, mais cette demande doit-elle se faire au détriment du volume ? Le sujet est là. J'aimerais qu'on fasse les deux mais nous avons toujours 40% de notre lait qui est destiné à l'export. La tonne se négocie autour de 320€/t selon les ingrédients. Comprenez bien que les niveaux demandés par rapport aux coûts de production des élevages français ne me paraissent pas compatibles. Ce n'est donc pas une surprise. Nous devons au sein de la filière nous interroger.
Que faudrait-il à la filière laitière pour qu'elle soit plus compétitive ?
FX-Huard : Notre marché est très exposé et notre filière a vu se développer un certain nombre de lois, positives pour la plupart telle que Egalim, mais Egalim est tellement bien que certains secteurs, comme les céréales, ne l'appliquent pas. Il n'y a que la filière laitière qui applique Egalim et encore sur seulement 45% de son lait qui n'est pas destiné à l'export. Je veux bien que la filière laitière porte tous les sujets de rémunérations des éleveurs mais on doit se poser la question de la bonne application d'Egalim avant de créer une nouvelle loi et agir contre les contournements de cette loi par certains acteurs de la distribution.
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