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Changement climatique : Le Massif central veut donner aux agriculteurs des outils d'adaptation

Mené depuis 2015 à l'échelle du grand Massif central, le projet AP3C (adaptation des pratiques culturales au changement climatique) dispose désormais d'outils concrets pour accompagner les agriculteurs sur le terrain.

En 2021, organiser un colloque sur le climat, quoi de plus normal... Le changement climatique n'est plus seulement un horizon, nous le percevons désormais avec des saisons qui n'en sont plus, et la multiplication d'épisodes climatiques extrêmes assez inédits. Aux premières loges de ce changement, les agriculteurs, qui n'ont d'autre choix que celui de s'adapter. Il y a quinze ans, parler du climat n'était pas si évident, comme l'a expliqué Olivier Tourand, agriculteur en Creuse et chef de file du projet AP3C lors du colloque organisé, la semaine dernière à l'IADT de Clermont-Ferrand : « Si nous sommes là aujourd'hui, c'est grâce à une étincelle qui s'est produite en 2006. À l'époque, les Jeunes Agriculteurs de la Creuse avaient choisi de faire intervenir un météorologue lors de leur assemblée générale. Il a fallu six ans pour que les jeunes fassent prendre conscience aux ainés de l'ampleur de l'enjeu ». Conduire ce travail d'adaptation des pratiques culturales au changement climatique au niveau Massif central est très vite devenu une évidence. Aujourd'hui, autour de la gouvernance du Sidam (réseau des Chambres d'agriculture du grand Massif central) et fort de six années de collaboration, de recherches, de synergies entre les départements, des modélisations à l'échelle du territoire et des systèmes de production ont été produites. « L'enjeu est désormais de se projeter, de se prendre en main pour avoir un temps d'avance. Notre responsabilité est de continuer ce travail car nous ne pourrons pas dire à nos enfants que nous ne savions pas », a insisté Olivier Tourand.

Une analyse précise
Le projet AP3C est singulier car il combine trois approches : climatique (quel climat à l'horizon 2050), agronomique (quels impacts sur l'agriculture de notre territoire à l'échelle parcellaire), et systémique (comment s'adapter à l'échelle du système d'exploitation) permettant aux acteurs du Massif central de disposer de projections fines et précises des indicateurs climatiques et agro-climatiques à l'échéance 2050. « En effet, plutôt que d'utiliser les résultats de la modélisation physique globale du climat, zoomés sur le territoire du Massif central, AP3C a conçu et utilisé des projections climatiques locales, de nature statistique, via un générateur stochastique de temps spécifique. L'intérêt de cette démarche est de donner aux acteurs locaux et aux agriculteurs toutes les informations nécessaires, exploitation par exploitation et sur un pas de temps resserré, pour une adaptation des pratiques culturales et des systèmes agricoles du Massif central à moyen terme », a expliqué Marine Leschiutta, coordinatrice du projet.

Déficit hydrique récurrent
De nouveaux indicateurs agro-pédo-climatiques ont ainsi été produits dernièrement. Ils ont été présentés par le climatologue Vincent Cailliez, Sandra Frayssinhes de la chambre d'agriculture de l'Aveyron et Mathias Deroulède de la chambre d'agriculture de Haute-Loire. La somme de données recueillies et de cartes produites rend difficile une restitution exhaustive, mais certains indicateurs s'avèrent relativement explicites. C'est le cas des bilans hydriques potentiels (BHP), analysés par Vincent Cailliez : « Sur une moitié nord à nord-est, la dégradation de ce BHP est de l'ordre de 100 mm en 50 ans (entre 2000 et 2050). Sur l'autre moitié, on retrouve un gradient de 100 à 250 mm de dégradation en allant vers le sud à sud-ouest. Les cartes directes aux échéances 2000 et 2050 font apparaître énormément de détails vraisemblables en adaptation aux reliefs de proximité. Le décalage vers un excédent moins important ou un déficit plus sévère est généralisé. La gamme de BHP qui pouvait atteindre de -300 à +800 mm, se décale de -500 à +700 mm. L'équilibre spatial qui existait en 2000 entre les zones en excédent et les zones en déficit est totalement rompu en 2050 avec environ 4 fois plus de surfaces en déficit qu'en excédent. La zone de déficit de 450 mm annuel (qui est parfois considérée comme une caractéristique de la limite du climat méditerranéen) était marginale en 2000 mais elle s'étend sur une surface équivalente à un département en 2050, s'installant parfois au coeur du Massif ». Sur le terrain, la perception du changement climatique est bien réelle, comme ont pu en attester les différents intervenants, éleveurs en tête. « Nous avons le sentiment d'être confrontés pas seulement à un réchauffement climatique, mais à une multitude de phénomènes qui font que nous devons tout le temps être dans les starkings blocs pour faucher, semer, récolter, sortir ou non les animaux...», a résumé Marc Dumas, éleveur laitier à Saint-Symphorien-en-Lay dans la Loire. Les témoignages recueillis auprès de 200 éleveurs par l'Idèle ne disent pas autre chose. Sur une base déclarative, tous ont indiqué avoir subi au moins un aléa climatique entre 2015-2021 donnant lieu à un surcoût de 14 000 euros annuel lié essentiellement à l'achat de fourrages à l'extérieur.

S'adapter oui mais sans mettre en péril sa mission et son revenu
Quand on connaît les difficultés de rentabilité de certaines filières, les surcoûts à amputer au changement climatique pourraient vite faire plonger des exploitations. « Notre mission reste celle de nourrir et d'en vivre », a insisté Olivier Tourand. Et d'ajouter : « Toutes les pistes auxquelles les gens pensent naturellement pour s'adapter au changement climatique : diminution du cheptel, achat extérieur... conduisent à une baisse de l'EBE. C'est le premier enseignement issu de nos rencontres avec les techniciens et les groupes d'agriculteurs. Il s'agit donc de trouver d'autres pistes à juxtaposer sur chaque ferme pour éviter une baisse de revenu. Les combinaisons sont à envisager au cas par cas. Certains pourront développer des cultures demain qu'ils ne pouvaient pas hier, comme le maïs en altitude, alors que dans certaines zones de plus faibles altitudes, d'autres stratégies devront être mises en oeuvre. Évidemment, cela remet en cause des pratiques, pour certaines « historiques », avec des conséquences sur les filières. Les partenariats avec l'amont sont indispensables, tout comme l'accélération des travaux de recherche sur le blé notamment. Mais quoi que nous fassions, le sujet de l'accès à l'eau est et restera primordial que ce soit pour l'irrigation ou pour l'abreuvement des animaux ».

Un groupe d'étudiants du lycée des Vaseix pleinement mobilisé

En septembre dernier, dans le cadre d'un partenariat avec le lycée agricole des Vaseix en Haute-Vienne, un groupe d'étudiants de BTS a démarré un travail visant à déterminer « comment mobiliser au mieux les données AP3C dans un accompagnement en collectifs ». Les étudiants ont imaginé une trame d'accompagnement en collectif appropriée pour des agriculteurs qui souhaitent s'adapter au changement climatique. Ils ont présenté leur travail à des techniciens et agriculteurs avant de le tester auprès de collectifs d'éleveurs déjà existants. Lors du colloque, ils ont témoigné d'une expérience inédite et riche d'enseignements. « Chaque agriculteur vit différemment le réchauffement climatique. Certains vont chercher des solutions pour l'abreuvement, les fourrages, les cultures...Pour autant, ils sont très intéressés pour échanger sur leur pratique respective », a résumé le groupe de jeunes. Enthousiastes par leur module d'études sur le changement climatique, les étudiants planchent actuellement sur des systèmes innovants pour aider les éleveurs. « Chacun regarde des choses différentes autour de l'agronomie, de la mécanisation... ».

Une méthodologie fiable

Le référentiel climatique et agro-climatique du projet AP3C est constitué d'un réseau de stations météorologiques comprenant 4 à 8 points par département, hors Creuse (grâce à un projet pionnier spécifique, ce département dispose d'un nombre de points beaucoup plus important). Le nombre de stations a été raisonné de façon à pouvoir décrire les différents territoires constitutifs de chaque département et ainsi répondre aux objectifs du projet AP3C, tout en prenant en compte les moyens humains et financiers disponibles. A ce stade, la spatialisation était donc limitée à l'expertise humaine des conseillers agricoles qui font le rapprochement entre la situation réelle d'une parcelle agricole et une station météorologique de référence. Ces données spatialisées sont obtenues grâce à une analyse mathématique et statistique du relief. En effet, les diverses variables climatiques et agro-climatiques sont fortement liées au relief, en partie de manière basique en longitude, latitude et altitude (X,Y,Z) mais aussi de manière plus fine et plus forte à des caractéristiques comme l'exposition, l'effet de vallée, de col, de dôme... C'est justement à ce genre de caractéristiques que permet d'accéder l'Analyse en Composante Principale (ACP) du relief.

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