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Petits veaux
2020 : une année catastrophique

Les cours des petits veaux de lait s'effondrent depuis déjà plusieurs années. Le point avec les opérateurs de la filière en Haute-Loire.

Petit veau dans une case paillée
Ces dernières années les prix des veaux laitiers ont nettement diminué.
© HLP

Depuis quelques années, les éleveurs déplorent et dénoncent une baisse des cours des petits veaux laitiers, une dévalorisation désormais accentuée par la crise sanitaire de la Covid-19. Dans son bulletin "Trait d'Union" de novembre 2020, la FNPL (Fédération Nationale des Producteurs de Lait), évoque une baisse très importante dans la majorité des pays européens : "La valeur des veaux, selon les données d’Eurostat, a diminué en moyenne de 30 % en Europe en comparant les prix sur les 10 premiers mois de l’année 2020 à ceux de 2019 (dont -37% aux Pays-Bas, -35 % en Allemagne et -25 % au Danemark. La baisse en France est moins vertigineuse (-13 %), car depuis de nombreuses années les prix sont inférieurs à la moyenne européenne. Cette chute des prix est confirmée lorsque nous comparons les prix des veaux de 2020 à ceux des 5 années précédentes (-36 % à l’échelle européenne ; -30 % pour la France)".
Du côté des débouchés, la FNPL confirme le développement de l’exportation vers l’Espagne et une érosion de la demande dans les élevages de jeunes bovins (génisses + bœuf).

Parole à deux opérateurs de la filière

En Haute-Loire, les opérateurs font eux aussi état d'un marché dégradé et défaitiste. "En cette année 2020 et notamment cet automne, le commerce des petits veaux est encore plus difficile que les années précédentes. Le marché espagnol est moins demandeur surtout dans les mâles croisés de qualité moyenne (R) ; ce qui induit une forte baisse des cours. Quant à l'Italie, ce pays reste un marché moins important que l'Espagne en termes de volume. En France, la demande est peu soutenue ; une situation aggravée par la crise sanitaire de la Covid-19. À tous ces phénomènes qui impactent négativement les cours des petits veaux, s'ajoutent les surcoûts liés à la FCO (Fièvre Catarrhale Ovine) qui pèsent toujours sur la filière" explique Jean-François Perrin, acheteur au sein de l'entreprise Saufrex (Société Auvergne France Export).
Le groupe coopératif Sicarev livre son analyse : "En France, l’offre en veaux laitiers est bien supérieure à la demande. La demande française est principalement orientée vers les intégrateurs de veaux de boucherie ; peu de veaux laitiers sont destinés à l’engraissement de jeunes bovins. Depuis plusieurs années, des solutions ont été trouvées pour écouler la production des veaux laitiers vers d’autres pays et en particulier en Espagne mais aussi en Italie. La FCO a cependant perturbé nos échanges avec l’Espagne ; la France n’ayant pas choisi la vaccination systématique des vaches. Des accords ont été trouvés en pratiquant des PCR sur les veaux destinés à la vente en Espagne. Les impacts économiques ne sont pas neutres ; la réalisation des prises de sang par un vétérinaire, l’analyse par le laboratoire, la nécessité d’organiser une buvée supplémentaire pour les veaux (attente de résultats)…, tous ces coûts supplémentaires sont supportés par la filière et donc par les producteurs. La vente de veaux laitiers pour le marché espagnol reste cependant indispensable, tous les veaux laitiers ne pourraient pas être écoulés sur le marché français (le nombre de places d’engraissement diminuant régulièrement dans un contexte de baisse de la consommation de viande de veau de 2 à 5 % par an depuis 3 ans). Moins de besoins pour le marché français, surcoût (impact FCO) pour exporter la production française excédentaire… On ne peut que déplorer une baisse des prix des veaux laitiers". 
À l'heure où la planète toute entière se trouve durement touchée par l'épidémie de Covid-19, on peut tout de même s'interroger sur la pertinence de conserver le statut de "maladie réglementée à déclaration obligatoire" pour la FCO, alors que cette maladie n'est pas transmissible à l'homme et n'a aucune incidence sur la qualité sanitaire des denrées...

 

Zoom sur...

"Le veau laitier est passé du statut de "produit" à "sous produit"

"Le marché du petits veaux laitiers est défaitiste. En une année, on a perdu 150€ par veau. Aujourd'hui, seuls 15 à 20% des veaux sont valorisés à leur juste valeur !" regrette Pierre Fayolle, président départemental de la fédération des commerçants en bestiaux.

Erreur stratégique

Pour expliquer cette situation, Pierre Fayolle évoque une erreur de stratégie commise il y a 10 ans.
"à l'époque on a rallongé l'engraissement des veaux en batterie. On a produit une viande qui coûte cher à la consommation et un veau industriel de moindre qualité (mauvaise couleur de la viande, vendu sous film pastique...). L'industrialisation du veau, c'est la fin d'un cycle. Avant, le veau français tirait les prix vers le haut, aujourd'hui, on dépend de l'exportation" souligne-t-il avant de reprendre, "La demande italienne est morose, d'autant plus en ce moment avec la crise sanitaire liée à la Covid-19. L'Italie achète beaucoup moins de veaux qu'il y a 10 ans (entre 2 000 et 2 500 veaux par semaine il y a 10 ans contre 400 de nos jours). Les veaux partent pour l'Espagne mais il faut savoir que les frais de transport et sanitaire (prise de sang FCO) représentent jusqu’à 50% de la valeur du veau. Quant aux marchés du Maghreb, ils sont coincés et la Turquie s'approvisionne en Espagne (pour des raisons politiques elle a fermé la porte à la France)".
Pierre Fayolle rappelle que la FCO (fièvre catarrhale ovine) pèse lourdement sur la filière et ce depuis plusieurs années. "La France ne pouvant absorber tous les petits veaux laitiers, la filière exporte des veaux ; ce qui nécessite des frais (PCR, prise de sang) d'une quarantaine d'euros par veau. Et au final, la FCO, maladie indéclassable, tire les prix du veau vers le bas sur le marché français".

La filière est en difficulté

L'évolution de la consommation des viandes contribuerait aussi à expliquer la baisse des cours des petits veaux. "Les consommateurs changent. Ils cuisinent moins et préfèrent consommer des steacks hachés" indique Pierre Fayolle qui fait part d'une réelle inquiétude pour les opérateurs de la filière en Haute-Loire. "Le marché est devenu absurde. La filière est en difficulté à tous les niveaux. La profession, l'élevage, les abatteurs ne sont pas en bonne santé financièrement. On n'a pas à attendre longtemps pour qu’il y ait des catastrophes ! On ne voit pas le bout du tunnel. C'est dommage car c'est tout un savoir-faire et une culture qui se perdent". Quand un veau est vendu 50 euros, le retour à l'éleveur est bien maigre... En fait, on est passé d'un veau "produit" à un veau "sous produit du lait".
Difficile pour lui d'identifier des solutions pour sortir la filière des difficultés : " peut-être faudrait-il être capables de garder 10% des veaux dans les fermes pour éviter d'engorger le marché... Resterait ensuite à écouler ces animaux qui ne seraient plus des veaux et qui viendraient alors concurrencer les vaches de réformes" indique-t-il.
Quant à la solution d'engraisser nos veaux, Pierre Fayolle s'y montre favorable mais souligne le manque de bras dans les exploitations. "Le veau c'est de la main d’œuvre et du savoir-faire. Et l'on a vidé nos campagnes...".

 

 

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