Commercialisation des vins
Vers une offre de plus en plus confuse pour le consommateur ?
Les vins de cépages des vallées de France ne verront sans doute jamais le jour. Mais il n´est pas sûr que l´offre française de vin
y gagne en lisibilité.
Les vins de cépages des vallées de France ne verront sans doute jamais le jour. Mais il n´est pas sûr que l´offre française de vin
y gagne en lisibilité.
Qui croit encore à un avènement prochain des vins de cépages des régions ou des vallées de France ? Plus grand monde semble-t-il. Et ce ne sont pas les récentes déclarations du ministre de l´Agriculture qui conforteront ceux qui en gardaient encore le secret espoir. Il a clairement indiqué lors du dernier Sitevi qu´il n´était pas « à quelques mois près » pour prendre une décision. Et de rappeler qu´il a mis en débat au sein de la filière, le rapport Cap 2010 qui prônait justement la création de cette nouvelle catégorie de vins qui devait être, selon le voeu notamment des négociants, « un espace de liberté », capable d´alimenter le marché des vins de marque. « Les réactions sur ce sujet m´incitent à vouloir agir sans faire n´importe quoi. J´ai toujours beaucoup d´admiration pour ceux qui posent les débats de façon schématique. On doit être AOC ou cépage. Je refuse de rentrer dans cette question impossible à résoudre. L´avenir passe par la diversité de l´offre. »
Jean Huillet, président de la Confédération des producteurs de vins de pays l´interpellait pourtant encore récemment sur le sujet, dans une sorte de lettre ouverte : « plutôt que de rester les bras ballants à attendre un arbitrage impossible de la filière, il serait opportun de prendre les bonnes initiatives. Ce nouvel espace peut permettre à la filière d´étendre ses parts de marché sans porter préjudice aux indications d´origine, plutôt que d´avoir un comportement autiste. Ne serait-il pas pertinent de permettre par voie réglementaire l´existence de ces produits ? C´est reculer que de rester stationnaire. » L´appel n´a semble-t-il pas été entendu. Pourtant, ces derniers temps, le débat sur la segmentation de l´offre de vin avait quelque peu évolué.
Tout le monde, ou presque, était d´accord pour conforter le système de l´appellation d´origine tout en créant à côté cette autre catégorie de vin qui aurait pu utiliser les pratiques internationales type copeaux ou règle des 85/15. Mais comme le souligne Philippe Feneuil (qui vient de céder sa place de président de la Confédération nationale des vins AOC à Christian Paly) : « Les pouvoirs publics, soucieux de ne pas fâcher un syndicat régional (ndlr : le Syndicat des vins de pays d´Oc), ne prennent aucune décision, ni orientation. » Résultat, poursuit-il : « les difficultés s´accroissent et la pression en faveur d´un assouplissement des règles s´accentuent ». Surtout dans un contexte économique aussi difficile et tendu.
©C. Galbrun |
Une « super AOC » pour distinguer le bon grain de l´ivraie ?
Le négoce bordelais et bourguignon en particulier, faute justement de pouvoir disposer de cet appel d´air qu´aurait suscité cette autre catégorie de vin, a indiqué au ministre qu´il souhaitait obtenir la possibilité de mentionner le cépage sur les étiquettes des appellations régionales. Un souhait jugé « raisonnable » par le ministre mais rejeté par l´Inao et qui doit encore faire l´objet d´un débat au sein de l´Onivins à l´occasion des discussions sur les modalités d´application en France du règlement européen sur l´étiquetage. Rappelons au passage que la France doit traduire ce texte européen en droit français avant le 1er février et qu´elle a pris beaucoup de retard mais entre-temps, Bruxelles a proposé une nouvelle mouture. « Ce qui ne va pas nous faciliter la tâche », reconnaît Jean-Luc Dairien, directeur de l´Onivins.
Pour en revenir à cette mention du cépage, la Cnaoc craint que si on accède à ce souhait, ce ne soit que le premier pas vers une libéralisation plus grande des règles de production des AOC régionales qui pourraient aussi réclamer la possibilité d´utiliser des copeaux ou l´application de la règle des 85/15 sur le cépage. A l´instar de ce qui serait autorisé pour les vins de pays. Ce qui conduirait à la naissance d´AOC à deux vitesses : celles qui respecteraient la règle des 100 % et ne jureraient que par l´élevage en fût avec les coûts de production qui vont avec et les autres au comportement nettement plus libéral. D´où l´idée qui germe dans certains esprits de créer une « super AOC » afin de distinguer le bon grain de l´ivraie. En attendant, compte tenu des pressions qui s´exercent, on pourrait s´acheminer vers la mise en place d´une période transitoire durant laquelle l´apposition de la mention du cépage pour les AOC régionales serait autorisée sur l´étiquette.
Mais au final, la volonté de clarifier l´offre de vin pour le consommateur qui avait poussé les promoteurs de Cap 2010 à proposer la création d´une nouvelle catégorie de vin risque bien d´être anéantie. Si on fait le compte, il y aurait donc sur les linéaires des « vraies » AOC, des AOC ressemblant à des vins de cépage, des vins de pays ressemblant à des AOC puisque ces derniers ont demandé une modification de leur étiquetage leur permettant d´afficher seul le nom du département ou de la zone à laquelle ils appartiennent, la mention vin de pays apparaissant en-dessous et des vins de cépage. Confus ? Vous avez dit : confus ?