Vers une détection du mildiou par drones
Le château Pape Clément teste la détection précoce des tâches de mildiou par drones. Une technique prometteuse.
Le château Pape Clément teste la détection précoce des tâches de mildiou par drones. Une technique prometteuse.
« Nous sommes équipés de drones depuis 2014, débute Jeanne Lacombe, directrice d’exploitation de Pape Clément, à Pessac. Au départ, le but était de suivre l’évolution de l’hétérogénéité intraparcellaire, afin d’adapter les travaux viticoles en fonction, pour arriver à une viticulture de précision. » Fertilisation, couvert végétal, travaux en vert et surtout vendanges sont ainsi modulés selon la vigueur (NDVI) de chaque zone. À ce premier objectif, en ont succédé plusieurs autres, comme la mesure des surfaces réelles (5 à 10 % de moins que les surfaces cadastrales), le comptage des manquants, ou encore la réalisation de relevés topographiques « qui permettent de mieux visualiser les pentes d’écoulement des eaux avant plantation, commente Jeanne Lacombe, ce qui améliore le positionnement des drains. »
Une reconnaissance de forme et non de couleur
Mais l’utilisation qui devrait révolutionner la viticulture est celle de la détection précoce des maladies, afin de limiter les doses de phytos. « Nous faisons partie du projet Damav qui travaille sur le repérage de la flavescence dorée par drones, indique Arnaud Delaherche, responsable Recherche et Développement du groupe. Et en parallèle, nous avons décidé de nous intéresser au mildiou, notre principal ravageur. » L’entreprise s’est tournée vers une start-up parisienne ayant « de très bons résultats sur l’identification du mildiou sur vigne, et l’ayant déjà testé en Champagne », décrit Arnaud Delaherche. Pour ce faire, l’entreprise travaille non pas sur la signature spectrale, mais sur la reconnaissance de la forme des taches d’huile du mildiou. La firme a mis au point un drone particulier, embarquant un capteur dans le visible et un autre dans le proche infrarouge, et disposant d’une autonomie d’une heure, contre dix minutes pour les drones actuels de Pape Clément. « Et il faut bien cela, estime Jeanne Lacombe. Car pour repérer le mildiou, le drone vole à seulement 4 mètres de haut (contre 50 à 80 mètres pour les autres fonctions). Il met donc une heure à couvrir cinq hectares. » Le drone ne visualisant que le haut du feuillage, la détection est compliquée, et nécessite des capteurs de haute précision. « En début de saison, la végétation est peu développée, donc le drone voit tout, tempère la directrice. Et ensuite, le mildiou s’attaque majoritairement aux jeunes feuilles situées en haut des ceps et photographiées par l’appareil. »
Cette année, l’appareil a volé à plusieurs reprises, avec succès : il a bel et bien réussi à détecter des taches de mildiou (voir photo). "Nous sommes satisfaits, confirme Arnaud Delaherche. Cela apporte de vraies améliorations par rapport à l’existant. Néanmoins, il reste des améliorations possibles, sur lesquelles nous allons travailler : une réelle détection et visualisation des taches, ou encore une simplicité dans le logiciel du donneur d’ordre."
Une modulation des doses de cuivre
D’un point de vue pratique, ce drone dispose de batteries dans ses bras et non dans son corps. Il est plus plat que ses concurrents. Au repos, son corps se fixe sur le chargeur de batteries, qui lui permet de décharger tous ses clichés sur un serveur. La start-up les y récupère, les analyse et fournit au château Pape Clément des cartes 24 à 48 heures plus tard. L’intérêt de cette détection précoce est donc de traiter tôt, à de faibles doses. Voire de moduler en fonction des zones de contamination. « Nous pourrions ainsi mettre 400 grammes de cuivre sur les secteurs atteints, et 80 grammes ailleurs, illustre la directrice. Nous disposons d’un outil, le Geopro, permettant de moduler les doses. »
À l’avenir, elle envisage de réaliser le premier passage début à mi-mai, à environ dix feuilles étalées. Puis de repasser après chaque épisode pluvieux. Et l’entreprise ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Nous pourrions essayer d’estimer le rendement et de repérer le black-rot », poursuit Jeanne Lacombe. La détection des carences est également au programme.