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Vers quel pays exporter ses vins en 2024 ?

Incontournable face au déclin de la consommation hexagonale, la bataille de l’export ne doit pas faiblir. Voici un tour du monde des principaux marchés à partir des données 2023.

Viticulture. Préparation et chargement de cartons de vin de Champagne depuis le chai du vigneron. Expédition de la commande d'un client . Manutention avec un transpalette. ...
La diversité des marchés du vin selon les pays nécessite des stratégies export ciblées.
© J.-C. Gutner

Tous pays confondus, nos exportations de vins et spiritueux affichent en 2023 leur deuxième meilleur résultat depuis 2009 en chiffre d’affaires. Mais l’inquiétude grandit du côté des volumes alors que les chais sont pleins. Avec 122,6 millions de caisses exportées (11 millions d’hectolitres), le volume de vin exporté est au plus bas sur la période 2009-2023. Les rouges et rosés sont particulièrement touchés, les effervescents résistent mieux, commente la fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS). Côté spiritueux, le volume diminue de 13,3 % après deux années exceptionnelles en 2021 et 2022. Produit phare, le cognac fléchit de 21,1 % en volume et de 14,8 % en valeur.

Les marchés anglo-saxons matures mais essentiels

Aux États-Unis, notre premier client mondial qui concentre 19 % de la valeur et 14,4 % du volume de nos exportations de vin, le recul en volume est particulièrement sensible. En 2023, les vins exportés y ont enregistré une baisse de 13 % en volume, soit une diminution de plus de 2,6 millions de caisses.

Au-delà de l’inflation qui frappe ici comme ailleurs, est invoquée la réduction de stocks constitués les deux années passées de la part des distributeurs américains alors que la consommation connaissait un rebond. La FEVS signale que la baisse touche moins les produits haut de gamme, « en raison de leur moindre élasticité prix ». Valérie Gérard-Matsuura, vice-présidente des opérations USA de l’agence Hopscotch-Sopexa, est plus nuancée. Elle évoque une segmentation des prix plus marquée et « une vraie dualité de l’offre française sur le marché américain ». Le créneau du bon rapport qualité prix n’est donc pas à lâcher. Elle pointe que sur ce marché très concurrentiel, où les produits importés représentent 30 % de la consommation, les importateurs et les distributeurs recherchent de la différenciation. Ce qu’apportent certaines petites appellations tout en offrant un bon rapport qualité prix. Bien placés parmi les origines qui montent chez les opérateurs, figurent les vins portugais vinho verde en blanc et douro en rouge, selon le baromètre Wine Trade Monitor réalisé par Hopscotch-Sopexa.

La quête de naturalité est un besoin très fort exprimé par les consommateurs mais Valérie Gérard-Matsuura note une confusion entre bio, nature, organique, vin de vigneron. Les professionnels associent la notion d’authenticité, importante dans le marketing du vin, à la qualité artisanale. Le rôle du storytelling est majeur face à la profusion de marques, afin que le consommateur identifie des points différenciants. Elle prévient que la tendance no-low pèse néanmoins sur les volumes.

Le Canada connaît également une tendance baissière (- 9,6 % en volume et -11,2 % en valeur). Selon Hopscotch-Sopexa, l’entrée de gamme progresse sur ce marché. Le baromètre Wine Trade Monitor y décèle, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, une attente de vins légers en alcool. La bouteille allégée y est considérée comme un contenant qui va progresser dans deux prochaines années, comme au Royaume-Uni. La canette est moins prisée par rapport à la dernière édition du baromètre. Peut-être parce qu’elle a atteint un palier ? Le même phénomène se constate aux États-Unis et Royaume-Uni.

Sur cette dernière destination, malgré le Brexit et la crise économique, le chiffre d’affaires export est stable pour le vin et les volumes ne reculent "que" de 5,2 %. Les bulles résistent mieux que les vins tranquilles. La FEVS souligne que la hausse des accises intervenue au 1er août 2023 a pu favoriser des achats en anticipation mais qu’elle aggrave depuis les effets de l’inflation.

En Asie, le rôle majeur de Singapour

En Chine, où l’économie s’est ralentie, les vins sont touchés par une baisse de volume de 24,8 % et de 20,3 % en valeur. Les vins rouges y restent l’archétype du vin, rappelle Hopscotch-Sopexa. En 2023, les spiritueux ont bénéficié de la réouverture des lieux de consommation et progressé de 3 % en chiffre d’affaires. Ils sont restés stables en volume. Mais cette résilience est menacée par l’ouverture d’une enquête antidumping à l’encontre des eaux-de-vie et de marc de raisins européens annoncée par la Chine, le 5 janvier 2024, dans laquelle le cognac est en première ligne.

Dans cette partie du monde, la croissance repose sur Singapour. Son rôle est celui d’une « plateforme régionale de redistribution », analyse la FEVS. Le pays est devenu la quatrième destination des vins et spiritueux français en valeur. Pour le vin, les ventes reculent de 4,6 % en volume mais grimpent de 10,9 % en valeur.

Graphique : La variabilité des valorisations montre la nécessité de bien étudier le positionnement prix selon les marchésPrix moyen par litre exporté en 2023
Graphique : La variabilité des valorisations montre la nécessité de bien étudier le positionnement prix selon les marchésPrix moyen par litre exporté en 2023 © Source : FEVS

La Corée du Sud a connu une croissance des ventes pendant la période Covid. Si le marché se ralentit, le vin s’est fait une place. « Certains stocks sont à écouler mais il n’y a pas de perte d’intérêt sur le vin », positive l’agence Hopscotch-Sopexa. « Sur ce marché, il y a une image premium des vins français, vus comme de bons produits, issus d’une bonne viticulture, indique Alexandra Berthelot, chargée de clientèle Japon chez Hopscotch-Sopexa. Cette forte confiance les préserve du challenge prix. Les vins premium se vendent bien ». Elle estime que les vins français peuvent se renforcer en trouvant des points d’ancrage dans la culture coréenne. Elle note une bonne tendance sur les effervescents ainsi que sur les liquoreux bordelais et pointe la forte image des vins américains.

Le Japon figure toujours parmi nos clients phares puisque c’est la septième destination en volume et la quatrième en valeur pour le vin. Nos exportations y reculent tout de même, davantage en volume (-14,6 %) qu’en valeur (-5,3 %). L’étude Wine Trade Monitor indique que le Japon est l’un des pays dont les opérateurs diversifient le plus l’origine des vins dans leur portefeuille. Les pét' nat [pétillant naturel​​​​​​] , vins orange et no-low intéressent. Il y a une vraie tendance autour de la naturalité, de l’attention à soi mais un besoin de pédagogie. Le vin nature y est associé au bio. La notion d’authenticité se rattache avant tout au terroir comme en Corée du Sud, selon Alexandra Berthelot. Elle illustre ce facteur avec le fort attrait pour les vins bourguignons. Elle fait état d’un marché très challengé. « Peu d’acteurs ne référencent pas du vin chilien », insiste-t-elle. On retrouve aussi la percée des vinho verde portugais et toujours les sauvignons néo-zélandais. Les vins du Languedoc sont appréciés pour leur rapport qualité prix et les vins alsaciens des « wine lovers ». Les vins allemands font preuve de dynamisme.

L’Europe relativement résistante malgré des disparités

Sur l’ensemble de la zone Union européenne, le chiffre d’affaires export 2023 est stable (+ 0,8 %) alors qu’il diminue de 8,2 % pour les pays tiers. Notre deuxième client mondial en volume, l’Allemagne, est en baisse de 9,9 %. Les professionnels interrogés par le baromètre Wine Trade Monitor estiment que leurs ventes de vins entrée de gamme et de vins plus légers en alcool vont progresser dans les vingt-quatre prochains mois.

En Belgique, les professionnels ouvrent leur portefeuille aux vins grecs et d’Amérique du Sud, toujours selon le Wine Trade Monitor. Nos exportations de vin y ont assez bien résisté en 2023 avec un recul de 5,4 % en volume et de 3,3 % en valeur.

Les données FEVS montrent également une progression du chiffre d’affaires export vers l’Espagne (+ 13,3 %) et l’Italie (+ 8,3 %).

La Suisse fait partie des pays affichant une augmentation en valeur de nos exportations de vin (+ 3,5 %) et un recul modéré en volume (- 4,8 %).

Graphique : Évolution des ventes de vin par pays en volume par pays en 2023 par rapport à 2022
Graphique : Évolution des ventes de vin par pays en volume par pays en 2023 par rapport à 2022 © Source : FEVS

De nouveaux marchés à confirmer

Pour l’ensemble des vins et spiritueux, l’Afrique du Sud est en progression en 2023, avec une hausse de 11,4 % en valeur. La FEVS signale également la bonne tenue de nos exportations en valeur au Brésil (+ 7 %), en Côte d’Ivoire (+ 10 %), au Maroc (+ 20 %), aux Émirats arabes unis (+ 7 %) et sur l’ensemble du Moyen-Orient (+ 2 %).

Chaque marché nécessite une approche adaptée à sa spécificité.« L’export, c’est notre avenir », encourageait Gabriel Picard, président de FEVS en présentant les résultats export 2023 mi-février.« On a besoin de retrouver une dynamique à l’export », admettait de son côté Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture en inaugurant le salon Wine Paris 2024. L’export est le deuxième axe du plan stratégique de filière présenté en décembre 2023. Il y est notamment question d’une bannière Wines of France et de l’éventualité que les aides à la promotion sur les marchés tiers soient conditionnées à son usage. À suivre !

Une image qualitative des vins français

La France bénéficie toujours d’une excellente image, selon la dernière édition du Wine Trade Monitor d’Hopscotch-Sopexa. Elle est leader sur les items « vins pour les grandes occasions », « constance de la qualité gustative » (elle est nettement au-dessus de l’Italie sur ce point) et sur « approche RSE ». L’image des vins d’Espagne et du Chili est fortement positionnée sur les prix attractifs et celle des vins italiens se distingue sur l’innovation devant les États-Unis et l’Espagne, ainsi que sur la capacité à séduire la jeune génération.

L’étude a été réalisée entre septembre et novembre 2023 auprès de près de 1 000 professionnels importateurs, distributeurs GMS, grossistes, cavistes et spécialistes de la vente en ligne issus de neuf marchés. Elle montre toujours une bonne présence des vins français. Au total, 88 % des interviewés référencent des vins français, 77 % des vins italiens et 72 % des vins espagnols. Mais ça ne préjuge pas des volumes.

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