Vente de vin en vrac : la prévention anticrise de la cave de Remoulins-Fournès
Soucieuse de prévenir une crise de débouchés, la cave gardoise de Remoulins-Fournès a entamé depuis dix ans une ambitieuse politique de montée en qualité pour valoriser son vrac.
Soucieuse de prévenir une crise de débouchés, la cave gardoise de Remoulins-Fournès a entamé depuis dix ans une ambitieuse politique de montée en qualité pour valoriser son vrac.
La cave de Remoulins-Fournès produit 80 % de ses 18 000 hectolitres annuels en côtes-du-rhône et côtes-du-rhône-villages. Depuis 2018, elle commercialise son vrac 20 % au-dessus des cours moyens et assure une rémunération de ses 40 adhérents supérieure du même ordre. La discrète coopérative se prépare depuis dix ans à une crise de la demande. Bien lui en a pris : le marché global absorbe aujourd’hui 1,2 million d’hectolitres de côtes-du-rhône régional et côtes-du-rhône-villages sans nom de commune, alors que la production de 2022 atteint 1,65 million d’hectolitres. À cela s’ajoute un stock résiduel de 1,4 million d’hectolitres des années précédentes.
Une stratégie pensée sur le long terme
Tout commence il y a dix ans. Avant de fusionner en 2018, la cave de Remoulins, présidée alors par Guilhem Rouvière, et celle de Fournès partagent le même constat : leur production doit répondre au goût des consommateurs attirés par le fruit et des vins peu alcooleux à la dégustation.
Plus facile à dire qu’à faire… Le management du changement s’avérera fastidieux et aura usé trois présidents et trois directeurs dans les deux coopératives. « Notre première action aura été, chacun de notre côté, de prendre un œnologue de talent et une technicienne pour accompagner les viticulteurs dans leurs parcelles pour qu’ils deviennent vignerons, explique Olivier Gaillaud, l’actuel président. Nous voulions sortir de la standardisation et exprimer toute la personnalité de notre terroir. »
Les deux caves exigent un état sanitaire du raisin irréprochable, une première décision bien acceptée. Les viticulteurs renouvellent leurs parcelles avec des plants de syrah et de marselan. Par contre, l’exigence d’apporter au conquêt des raisins à une date maturité imposée, issus de parcelles surveillées à la loupe, passe plus difficilement. La peur de perdre en volume affole certains adhérents. Quelques-uns partent. Olivier Gaillaud, en tant que plus gros apporteur des deux caves, montre l’exemple pour faire adopter les bonnes pratiques. Avec cinq années sur six affectées par des aléas climatiques pénalisants, la baisse de production reste aujourd’hui difficile à quantifier.
La stratégie se concrétise par des hausses de tarifs
Dès le début de la démarche, le président rencontre les négociants, courtiers et opérateurs pour écouter leurs attentes sur le plan qualitatif. Il reste conscient que la réussite du management du changement passe par la concrétisation de premiers petits succès rapides communicables. Les hausses de tarifs arrivent vite. Les adhérents attendront de 2012 à 2017 pour que l’essentiel de la production trouve preneur au juste prix. La cave aura perdu plusieurs clients historiques mais en aura gagné d’autres. « En bon père de famille, nous n’avons investi ni en marketing, ni en communication, ni dans les caveaux de chacune des deux caves, reprend Olivier Gaillaud. Nous nous sommes appuyés sur la curiosité des négociants et courtiers à la recherche de vins axés sur le fruit. » La même politique sobre s’applique au conditionné, qui passe de 10 % à 20 % en dix ans. Les frais de production restent stables, la moyenne d’âge des adhérents baisse à 47 ans et le chiffre d’affaires à l’hectare résiste aux aléas climatiques et au durcissement du marché.
Un groupe Facebook pour convaincre
Afin d’expliquer sa vision d’une nécessaire action collective pour améliorer le revenu des viticulteurs de la vallée du Rhône, Guilhem Rouvière lance, en 2020, un groupe Facebook (1) suivi, aujourd’hui, par plus de 1 100 abonnés. L’ancien champion de full-contact propose sur le très court terme « une politique d’arrachage et une distillation des stocks de rouge pour permettre d’assainir le marché. Puis de répondre aux attentes d’un consommateur, toujours présent, mais qui ne trouve plus son compte avec le côtes-du-rhône générique ». Le viticulteur de Valliguières milite pour un durcissement du cahier des charges de l’AOP afin d’assurer sa montée en gamme et pour une baisse des rendements des 51 hl/ha actuels à 40 hl/ha qu’il pratique déjà sur son domaine. Il exhorte l’interprofession à engager une nouvelle politique de communication forte et adaptée aux jeunes générations.