« Un diagnostic oiseau évite les actions contre-productives », témoigne Jeanne Fabre, des Domaines Fabre
Pour aider à la protection des oiseaux dans ses vignes, la famille Fabre a fait appel à des naturalistes. Un diagnostic complet permet de ne pas faire fausse route.
Pour aider à la protection des oiseaux dans ses vignes, la famille Fabre a fait appel à des naturalistes. Un diagnostic complet permet de ne pas faire fausse route.
Il est des endroits où la nature concentre tout ce qu’elle a de plus beau. Le village audois de Luc-sur-Orbieu, berceau de la famille Fabre, en fait partie. C’est sans doute cela qui a insufflé au vigneron Louis Fabre et à ses enfants une fibre environnementale chevillée au corps, et l’envie d’adopter la viticulture biologique dès 1991.
« En 2020 nous avons décidé de nous lancer dans un diagnostic sur les oiseaux, relate Jeanne Fabre, en charge du projet. Il y avait d’une part un désir d’aller au-delà de la bio, dont l’approche se limite aux produits. Et d’autre part un engagement moral, que nous avons écrit lors de notre participation à la Convention des Entreprises pour le Climat, de mettre en place des actions pour la biodiversité et la captation de carbone. »
Les gérants se sont alors rapprochés de l’association Aude Nature, dont les naturalistes réalisent de véritables études. Dans un premier temps, ils se sont rendus sur les trois domaines des Corbières de la famille, pour déterminer les zones d’observation dans des biotopes très différents : îlots de vigne, bordure de rivière, friches, lisière de village, etc., afin d’avoir un résultat représentatif de l’exploitation.
Un recensement total de 71 espèces, dont plusieurs menacées
Puis, une année durant, les naturalistes sont venus à intervalles réguliers, à différentes heures et saisons, compter les volatiles par la vue, l’ouïe, les déjections ou autres indices tels que les nids. « Ils ont mesuré la densité d’oiseaux ainsi que leur variété, se remémore Jeanne Fabre. Le résultat final a été compilé dans un fichier Excel avec des centaines de lignes d’observations détaillées ! » Au-delà de ce tableau peu lisible pour les non-initiés, les experts ont livré à la famille Fabre un rapport dressant un état des lieux à l’instant T et comprenant de nombreuses préconisations précises et pragmatiques pour conserver ou améliorer la qualité de vie des oiseaux. « Le nombre total d’espèces s’élève à soixante-et-onze, ce qui représente une bonne diversité », détaille le rapport. Parmi elles, onze constituent un enjeu fort, parce que rares ou menacées.
On y trouve par exemple le Faucon crécerellette, l’Outarde canepetière ou encore la Pie-grièche méridionale. Raison de plus pour mettre en place certaines actions. « Par exemple, il existe une façon de faucher pour permettre aux animaux de fuir, en commençant par l’intérieur de la parcelle et en allant vers l’extérieur », illustre Louis Fabre. Le fauchage, qui était dicté par la main-d’œuvre disponible, est maintenant aussi raisonné en fonction des périodes de nidification. Les vignerons ont par ailleurs posé, à l’aide de la LPO, des nichoirs particuliers en fonction des espèces à protéger. « Tout n’est pas toujours faisable », pointe le vigneron. Comme le fait de favoriser le gobelet (les fils de palissage perturbent les rapaces) ou de planter la vigne perpendiculairement au vent dominant.
Refaire le diagnostic tous les cinq ans permettra de mesurer les actions
D’autres actions pourraient voir le jour comme l’installation de reposoirs pour rapaces ou l’implantation de certaines espèces d’arbres complémentaires dans les haies existantes. « L’expertise des naturalistes nous a aussi fait prendre conscience que si l’on n’a pas ces connaissances fines, nos actions peuvent être contre-productives, complète Jeanne Fabre. Comme la création d’un point d’eau : c’est important, mais s’il reste à sec lorsque l’on part en vacances, le remède est pire que le mal. »
L’appui de ces spécialistes a coûté 4 600 euros aux vignerons. Un forfait qui comprend les déplacements, le rapport et les conseils, mais pas les aménagements ni le suivi. La famille Fabre compte refaire un diagnostic cinq ans après le premier, pour voir si les actions mises en place portent leurs fruits. « D’ici là, nous continuons à responsabiliser l’ensemble de nos salariés, car la réussite sera forcément collective », conclut Louis Fabre.
repères
Famille Fabre
Domaines Grande Courtade, Tour de Rieux, château Coulon, château de Luc, château Fabre Gasparets
Surface 350 hectares
Dénominations AOP languedoc, corbières, minervois et boutenac, IGP pays d'oc et vin de France
Effectif 50 salariés
Commercialisation essentiellement export, CHR et magasins Biocoop