Face au mildiou de la vigne, réagir vite et bien
Dans le contexte de pression parasitaire exceptionnelle connu lors de la campagne 2018, les retours d’expériences fournissent une base précieuse pour envisager l’avenir alors que les moyens de lutte sont en pleine évolution. Entre objectifs environnementaux et modification de la législation pour l’usage du cuivre, combattre le mildiou nécessite une anticipation, une technicité et une réactivité toujours plus grandes.
Dans le contexte de pression parasitaire exceptionnelle connu lors de la campagne 2018, les retours d’expériences fournissent une base précieuse pour envisager l’avenir alors que les moyens de lutte sont en pleine évolution. Entre objectifs environnementaux et modification de la législation pour l’usage du cuivre, combattre le mildiou nécessite une anticipation, une technicité et une réactivité toujours plus grandes.
Chaud et humide, le printemps 2018 a été particulièrement propice à l’explosion du mildiou, surtout dans la moitié sud du pays. Avec le dérèglement du climat annoncé par les scientifiques du Giec (1), il n’est pas exclu que l’on revive cette situation historique plus fréquemment qu’autrefois. Pour ne plus se faire surprendre par une année compliquée, trois enseignements sont à tirer de cette campagne.
1 Soigner la qualité de pulvérisation et les conditions d’application
« C’est dans les années difficiles que les défauts de pulvérisation se font sentir. Le réglage correct des pulvérisateurs et un travail face par face étaient nécessaires – mais pas toujours suffisants – pour assurer une bonne protection de la vigne », constate l’IFV dans une note parue en octobre 2018 suite à la campagne mildiou hors norme vécue par de nombreux vignerons. Selon Gilles Rey, consultant, deux tiers des échecs de l’année sont à imputer à la qualité de pulvérisation. Pour lui, le contrôle technique des pulvérisateurs ne suffit pas, c’est un contrôle réglementaire qui doit impérativement être complété par des contrôles en végétation avec des papiers hydrosensibles. Chez Inovitis, dans le Sud-Ouest, Stéphane Giry-Laterrière suggère de faire plusieurs fois par campagne « un passage de pulvérisateur avec des colorants ou de la kaolinite qui permettent de vérifier si le feuillage est bien traité ». Autre point déterminant de l’année, compte tenu de la pousse active et du volume du feuillage, le volume de bouillie devait être conséquent (150 à 200 l/ha minimum) pour protéger l’ensemble du feuillage et des grappes.
Par ailleurs, les conditions d’application dans de nombreuses situations ont été perturbées par une humectation quasi permanente. « Au plus fort de l’épidémie, début juillet, le feuillage était humide jusqu’au point de rosée en permanence, le climat était quasi tropical », observe Laurent Paupelard, directeur technique chez Soufflet Vigne. Dans ces conditions, l’application des produits était délicate. Tôt le matin, les produits étaient lessivés. Il fallait préférer une application dans l’après-midi même si les températures étaient élevées.
2 Anticiper les premières contaminations et renouveler les traitements
Dans un contexte climatique exceptionnel avec des pluies continues et régulières où très rapidement, les contaminations se sont succédées parfois au rythme de trois à quatre évènements contaminants par semaine, il était nécessaire de ne pas attendre la sortie des foyers primaires pour éviter les repiquages successifs mais « d’adopter une stratégie plus sécuritaire dès que les pluies se sont enchaînées, en déclenchant les programmes de protection indépendamment de la sortie des foyers primaires », observe l’IFV. Par la suite, le renouvellement des traitements était un point clef, « il fallait impérativement anticiper tous les phénomènes de lessivage et resserrer les cadences quels que soient les produits pour assurer la protection de la vigne », observe Thierry Favier, responsable technique à la CAPL dans le Vaucluse. « Un produit systémique soumis à une très forte pluie doit être renouvelé », remarque Séverine Dupin, responsable expérimentation à la chambre d’agriculture de la Gironde. « En bio, certains viticulteurs sont intervenus jusqu’à 3 fois dans une semaine mais grâce à une gestion stricte des produits et des cadences, ils ont réussi à protéger leur vigne », ajoute Éric Capredon, responsable technique chez Euralis vigne. Malheureusement, le renouvellement des traitements a été handicapé dans un certain nombre de cas par la taille de l’exploitation rendant difficile le traitement rapide de surfaces importantes. Autre écueil, l’organisation de l’exploitation avec des week-ends et jours fériés importants en mai 2018.
3 Bien connaître les modes d’action pour établir une stratégie efficace et durable
« Il n’existe pas de produit éradiquant qui permette de détruire les symptômes de mildiou, et les fongicides antimildiou n’ont que très peu d’efficacité curative, c’est-à-dire permettant la réduction du développement du champignon après inoculation et avant l’apparition des symptômes », observe Éric Chantelot de l’IFV. Tous les produits sont conseillés en préventif, mais ce positionnement n’était pas toujours réalisable en 2018 d’où des insatisfactions et des échecs de protection. « Face aux conditions de pression exceptionnelles de l’année, il pouvait être judicieux de sécuriser les applications avec des produits pénétrants et systémiques dès le début de saison et pas seulement sur la période la plus sensible », poursuit-il. Pour les vignerons qui avaient le choix de produits de contacts, l’ajout de spécialités à base de phosphonates (type LBG ou Redeli) pouvait amener de la systémie dans une période où la pousse de la vigne était très active. Plus généralement, selon Éric Capredon, « il n’y avait pas de programme type, tous les produits pouvaient être utilisés à condition de bien prendre en compte leur mode d’action et leur renouvellement, même s’il pouvait être plus confortable d’appliquer des systémiques et/ou pénétrants toujours associés à des contacts dans le cadre d’une protection efficace et durable ».
Des molécules ont-elles fait défaut en 2018 ?
Face à des situations d’échec de protection, des vignerons et conseillers ont eu quelques doutes sur l’efficacité de certaines familles, notamment celle des Qil. La note technique commune de gestion des résistances de 2019 constate une nette progression des phénomènes de résistance. Mais, attention, observe Jacques Grosman, expert vigne au ministère de l’Agriculture, « une résistance détectée au laboratoire ne signifie pas forcément perte d’efficacité sur le terrain. Pour cela, des essais d’efficacité en situation de résistances sont nécessaires ». Si la résistance semble avoir évolué pour la cyazofamide, certains des échecs peuvent être imputés à des défauts de pulvérisation ou de positionnement. Les experts, ainsi que la firme Belchim, qui commercialise le Mildicut, préconisent dorénavant une seule application par an, contre deux jusqu’alors. D’autres molécules sont également sous le joug de recommandations restreintes. C’est le cas des QoI-P (azoxystrobine et pyraclostrobine) qui ne sont plus recommandés sur mildiou. Tout comme les Qil, les QioI (amétoctradine) devront maintenant n’être utilisés qu’une seule fois par an et les benzamides (zoxamide), qui n’avaient pas de recommandations, sont désormais limités à 3 applications de préférence. Pour d’autres, les experts ne préconisent pas de restriction d’usage, mais conseillent de ne pas les utiliser en situation de risque élevé de mildiou. C’est le cas du cymoxanil, du fluopicolide (dans les vignobles concernés par une occurrence moyenne), des CAA (benthiavalicarbe, diméthomorphe, iprovalicarbe, mandipropamide et valifénalate) et anilides (bénalaxyl et métalaxyl).
voir plus loin
Les nouveaux produits pour lutter contre le mildiou
En 2018, Syngenta a lancé Ampexio/Revoluxio à base de zoxamide et mandipropamid. « Ce nouveau fongicide a répondu aux attentes des vignerons, en particulier au cœur de la protection avec une très bonne protection des feuilles et des grappes », observe Jean-Baptiste Drouillard, expert vigne chez Syngenta. « Notre nouvelle solution de biocontrôle à base de phosphonates a quant à elle été largement utilisée en association avec de nombreux contacts et pénétrants pour amener de la systémie. »
Chez BASF, Béatrice Bacher, chef marché fongicides vigne, remarque que « Futura qui associe le dithianon (seul représentant en vigne de la famille des quinones) à du phosphonate a fait une belle campagne, avec un positionnement plutôt en début de programme jusqu’à la floraison. BASF commercialisait également Roméo, nouvelle solution de biocontrôle, qui a été utilisée le plus souvent en renfort de programme avec du cuivre par exemple ». Pour 2019, BASF proposera l’amétoctradine (matière active d’Enervin Active) en solutions packagées avec du cuivre, du folpel et des phosphonates.
Belchim lance un nouvel antimildiou, Valis Plus associant du valifénalate, de l’hydroxyde de cuivre et de l’oxychlorure, avec une recommandation en postfloraison.
Enfin, Corteva Agriscience commercialisera Zorvec Zelavin (oxathiapiproline), un antimildiou issu d’une nouvelle famille chimique avec un nouveau site d’action (pas de résistance croisée avec les familles sur le marché). Il sera vendu en pack associé à des antimildiou à mode d’action différents (folpel, cymoxanil + zoxamide, zoxamide + cuivre). Corteva le recommande en encadrement de floraison (2 applications maximum par campagne).