« Les ordinateurs quantiques auront des applications en viticulture », Nicolas Sangouard
L’arrivée des ordinateurs quantiques aura des répercussions sur notre filière. Le point avec Nicolas Sangouard, directeur de recherche à l’Institut de physique théorique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
L’arrivée des ordinateurs quantiques aura des répercussions sur notre filière. Le point avec Nicolas Sangouard, directeur de recherche à l’Institut de physique théorique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Quel est l’intérêt des ordinateurs quantiques pour notre filière ?
L’application de l’ordinateur quantique ayant le plus grand intérêt pour votre filière est probablement la chimie quantique.
La chimie quantique peut-elle avoir un impact sur la production d’engrais ?
À l’heure actuelle, les engrais azotés sont pour la plupart des produits de synthèse. On fixe le diazote de l’air sous forme d’ammoniac par un procédé chimique nommé Haber-Bosch. C’est un procédé compliqué, qui nécessite des pressions et des températures extrêmes et on estime qu’il utilise à lui seul 3 % des consommations de gaz. Or il existe un petit nombre de microorganismes qui réussissent à fixer le diazote à condition ambiante (pression atmosphérique et température extérieure) à l’aide d’une enzyme nommée nitrogénase.
L’un des objectifs est d’arriver à comprendre comment fonctionne cette enzyme, afin de pouvoir, à terme, réussir à fixer le diazote de façon moins énergivore. Or l’enzyme est complexe, il y a énormément de variables à analyser ; trop pour les ordinateurs classiques. C’est là que l’intérêt des ordinateurs quantiques apparaît. Un ordinateur quantique d’un million d’unités pourrait simuler cette nitrogénase pour mieux comprendre son fonctionnement.
Peut-on concevoir des avancées à la vigne ?
Difficile à dire pour les ordinateurs quantiques. En revanche, les technologies quantiques incluent le développement de capteurs à la sensibilité améliorée. Ils pourront par exemple être utilisés pour des analyses de sol très fines. Que ce soit avec des améliorations quantiques ou non, je prédis que dans un avenir proche, les capteurs seront largement utilisés. En les intégrant dans un portable par exemple, un consommateur pourra détecter des résidus ou produits chimiques à très faible concentration dans un vin, avant de l’acheter.
Quelle déclinaison peut-on imaginer pour les bâtiments ?
Difficile à dire aussi. Le nombre des applications est limité pour le moment. Je peux quand même vous citer un exemple pour économiser l’énergie. Il existe des matériaux supraconducteurs, qui conduisent le courant électrique sans perte. Or ceux que nous connaissons actuellement ne fonctionnent qu’à des températures très basses et ne sont que difficilement utilisables dans la pratique. Les ordinateurs quantiques pourraient permettre de mieux comprendre le fonctionnement de ces supraconducteurs, afin d’en trouver qui marchent à température ambiante. Les utiliser pour le transport d’électricité permettrait de réduire considérablement les pertes en ligne.
Serait-il envisageable que ces ordinateurs jouent un rôle vis-à-vis du changement climatique ?
Oui. On peut imaginer qu’ils nous aident à capturer le carbone efficacement et donc à réduire son impact sur le réchauffement climatique. La puissance de calcul des ordinateurs quantiques permet de simuler des réactions chimiques complexes, de trouver des catalyseurs adaptés pour à terme, mettre en place de nouvelles réactions captant le carbone dans des matériaux de construction par exemple.
Quelle conséquence dans le domaine des communications ?
Les ordinateurs quantiques sont une menace pour la sécurité des communications. Grâce à leur grande capacité de calcul, ils peuvent résoudre efficacement des problèmes mathématiques employés normalement pour crypter les données. Dès lors, cela devient une menace pour la sécurité. Il faudra définir de nouveaux systèmes de sécurisation des communications pour contrer ces attaques quantiques. Cela concernera toutes des données confidentielles, celles de santés ou celles transférées dans des canaux diplomatiques par exemple.
À quel stade de développement en sont les ordinateurs quantiques ?
À l’heure actuelle, nous avons des ordinateurs d’une centaine d’unités quantiques. Mais il y a une dynamique incroyable. Les entreprises investissent beaucoup, il y a énormément de chercheurs qui travaillent sur le sujet. Je suis assez optimiste quant à l’arrivée d’ordinateurs de millions d’unités, même s’il y a encore des problèmes d’ingénierie à résoudre. Parallèlement à cela, les ordinateurs quantiques impliquent de réapprendre à coder, les algorithmes fonctionnant différemment. On ne sait pas si certaines opérations ne seront pas plus rapides avec un ordinateur classique. Mais quoi qu’il en soit, nous sommes avides de nouvelles applications ; tout est imaginable !