« L’entretien du sol de ma vigne m’a coûté environ 1 000 euros par hectare en 2023 »
Teddy Martin, viticulteur marnais, laisse ses vignes étroites naturellement enherbées en plein. Il les tond entre trois et cinq fois par an selon les conditions météorologiques et s’y retrouve d’un point de vue environnemental et économique.
Teddy Martin, viticulteur marnais, laisse ses vignes étroites naturellement enherbées en plein. Il les tond entre trois et cinq fois par an selon les conditions météorologiques et s’y retrouve d’un point de vue environnemental et économique.
Depuis 2021, Teddy Martin, exploitant viticole à Janvry, dans la Marne, laisse ses vignes étroites entièrement enherbées, et les tond à raison de trois à cinq fois par an. Un itinéraire technique peu onéreux et peu chronophage, auquel il est arrivé peu à peu. « Lorsque j’ai commencé à être viticulteur, en 2016, je laissais l’herbe dans l’interrang et je désherbais chimiquement sous le rang », se remémore-t-il. Mais en 2018, il a décidé d’arrêter les désherbants, pour des raisons environnementales. Il s’est alors mis à implanter des couverts végétaux dans l’interrang, et à laisser l’herbe naturellement présente sous les pieds. « C’est une formule qui peut fonctionner avec certaines espèces, mais qui demande beaucoup de travail », analyse le vigneron. Sur son exploitation, hormis avec le microtrèfle, il ne trouvait pas le résultat convaincant.
Une tondeuse interrang avec deux satellites à effacement mécanique
En 2021, il a donc décidé de laisser l’herbe pousser naturellement, et ce, que ce soit sous le rang ou dans l’interrang, et de la tondre lorsque c’est nécessaire. Dans la pratique, les années peu pluvieuses comme 2022 et 2023, il effectue trois passages : le premier début avril, avant les premières gelées, le second début juin, avant le relevage-palissage, et le dernier une semaine avant les vendanges. Les millésimes plus arrosés, il ajoute un à deux passages, en fonction de la pousse de l’herbe.
Pour effectuer ces tontes, Teddy Martin emploie une tondeuse interrang à lames, munie de deux satellites de tonte. « La première vient de chez Mainaud, précise-t-il, et les satellites à effacement mécanique ont été faits par un garagiste à Courcy. » Un achat global qui lui est revenu à environ 7 000 euros. « Nous avons beaucoup modifié les tondeuses, rapporte-t-il, mais nous avons conservé le principe de base. Les satellites étaient par exemple montés sur patins et nous les avons mis sur roues pour éviter que le châssis ne force. » Il a également réduit les protections des lames des satellites afin d’éviter le couchage de l’herbe. En outre, il a désolidarisé les satellites du dessus de la tondeuse principale ; ils sont dorénavant accrochés derrière et ont davantage de ballant. « Avant, cela déstabilisait trop le chenillard en cas d’irrégularité du sol », explique le viticulteur. Cette nouvelle configuration permet également de garder une hauteur de tonte constante malgré les aléas du terrain.
100 euros d’entretien des tondeuses par an
Au niveau de l’entretien, les tondeuses nécessitent environ deux jeux de lames par an. À raison de 4,80 euros HT le couteau, il s’en sort pour moins de 20 euros par an. « Il faut ajouter à cela quelques roulements ou autres, un jeu de chenilles en cinq ans, complète Teddy Martin. Au final, si j’en ai pour 200 euros par an, c’est le bout du monde. » C’est aussi l’un des atouts à n’avoir qu’un seul outil pour tout l’entretien du sol.
Il fixe ces outils sur un chenillard Rotair essence de 24 ch, délivrant un débit d’huile de 20 l/min. Il ne progresse pas très vite : il tond l’équivalent de 80 ares à un hectare par jour. Il préfère effectuer cette tâche au chenillard qu’à l’enjambeur, car cela lui permet d’être plus précis et de ne pas faire trop de dégâts. Il consomme 10 litres d’essence pour 30 ares, ce qui fait 120 litres par tonte pour l’ensemble de la propriété. À 2 euros le litre, cela fait dans les 240 euros la tonte. « Cela me revient beaucoup moins cher que les couverts végétaux, estime-t-il. Avant, j’avais en plus le coût du semoir et des graines. » Il a également fait un essai éclair de travail du sol sous le rang. « C’était une erreur, reconnaît-il. Financièrement, je ne pouvais pas m’y retrouver, entre le coût d’achat d’un enjambeur, d’une décavaillonneuse, d’un soc de charrue et de disques émotteurs, cela faisait trop cher de matériel. »
Un impact sur la vigueur de la vigne mais des rendements convenables
Le chenillard est véhiculé avec un fourgon, mais sert à d’autres travaux tels que l’épandage d’écorces ou le débardage lors des vendanges. Il lui coûte 250 euros par mois sur sept ans (Agilor), avec une ventilation sur les divers postes. De même, la camionnette a un remboursement par mois d’environ 200 euros sur quatre ans, mais est employée à d’autres tâches. Le viticulteur estime que les deux engins lui reviennent à environ 360 euros par hectare et par an sur la tonte.
L’une des limites de cet itinéraire est bien sûr l’impact sur la vigueur de la vigne. Pour pallier cela, Teddy Martin apporte entre 50 et 60 unités d’azote sous forme de fertilisation organique (Biovi 10 de Frayssinet, composé de tourteaux et pulpes de fruits – café, olives, tournesol – et de protéines animales transformées – poudres de plumes, d’os et viandes hydrolysées –), opération qu’il réalisait déjà auparavant. « Je n’ai pas vu de différence au niveau de la fertilisation par rapport aux engrais verts, confirme-t-il. À l’époque des couverts, j’avais essayé de diminuer mes apports à 30 unités par an, mais c’était insuffisant. » Par ailleurs, il commence à tester des fertilisations foliaires d’oligoéléments (manganèse, bore, fer, azote, etc.) tout au long du cycle végétatif de la vigne.
Son rendement reste tout à fait acceptable et est similaire à ce qu’il serait s’il travaillait les cavaillons : en 2018, il était de 18 000 kg/ha, en 2019 et 2020 entre 11 000 et 12 000 kg/ha, en 2021 de 800 kg/ha (il était en conversion bio et a perdu toute sa récolte pour cause de mildiou), en 2022 de 12 000 kg/ha et en 2023 de 16 000 kg/ha, « mais on en a bien laissé 2 000 sur pied » pointe-t-il.
Autre inconvénient de cet itinéraire : la difficulté de reprise des complants. « C’est très compliqué, témoigne-t-il. Les pieds ont vraiment du mal à repartir. J’ai arrêté de le faire. » Dorénavant, il arrache les parcelles ou zones avec trop de mortalité et les replante entièrement.
« On ne détruit pas l’écosystème du sol »
Au rayon des atouts, Teddy Martin cite la bonne portance de ses vignes, dans lesquelles il peut intervenir avec l’enjambeur à n’importe quel moment de l’année, la facilité de travail dans les rangs avec les chariots de taille pour l’ébourgeonnage notamment, le développement de la biodiversité, le respect du sol. « On ne le travaille pas, on ne touche pas les différentes strates, se réjouit-il. Sinon, cela revient à tout remettre à zéro sans cesse. On détruit l’écosystème du sol, les galeries de vers de terre, des campagnols, etc. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. » Ayant un moindre rendement, il a aussi moins de botrytis et des raisins plus concentrés, plus qualitatifs. Il n’a pour le moment pas eu de problème de fermentescibilité des moûts. « Cette année, certaines cuves ont eu du mal à finir leurs sucres, indique-t-il, mais c’était plutôt lié au contenant. Le vin en fût et inox a très bien fermenté. Celui en terre cuite a mis un peu plus de temps. »
Pour le moment Teddy Martin est très satisfait de son itinéraire. « Le plus simple est d’utiliser du désherbant Roundup, mais dans ma philosophie, cet itinéraire est le plus simple et celui qui fonctionne le mieux chez moi », conclut-il.
Coût par hectare et par an
Amortissement du matériel de tonte du sol : déjà amorti
Paiement du Rotair et de la camionnette : 1 300/3,60 = 361 €/ha/an
Entretien du matériel : 200/3,6 = 55,50 €/ha/an
Essence : 66,66 €/ha/tonte = > coût annuel de 200 à 333 €/ha/an
Main-d’œuvre : environ 10 h/ha. Avec un salaire au Smic chargé, environ 150 €/passage = > 450 à 750 €/ha/an
Total : 1 066 à 1 500 €/ha/an, selon le nombre de passages (3 ou 5)
Rendements : environ 12 000 kg/ha
repères
Société Les Hamadryades
Superficie 3,60 ha
Encépagement pinot meunier, pinot noir et chardonnay
Largeur interrang 1 m
Type de sol argileux, limoneux, sableux
Dénomination AOC champagne
Labels HVE et viticulture durable en Champagne
Mode de commercialisation essentiellement vendeur au kilo
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