L’effeuillage préfloral de la vigne favorise la couleur et diminue le rendement
Agroscope a testé durant plusieurs années la précocité de l’effeuillage de la vigne, y compris avant la floraison. Meilleur état sanitaire, amélioration des vins sur certains cépages et baisse du rendement sont au rendez-vous.
Agroscope a testé durant plusieurs années la précocité de l’effeuillage de la vigne, y compris avant la floraison. Meilleur état sanitaire, amélioration des vins sur certains cépages et baisse du rendement sont au rendez-vous.
Ce n’est pas un scoop : l’effeuillage de la vigne a de nombreux intérêts. « C’est une technique très répandue en Suisse, car elle a une action prophylactique très efficace contre les maladies fongiques de la vigne grâce à un meilleur microclimat dans la zone des grappes ; elle favorise également la maturation du raisin dans certains cas », résume Thibaut Verdenal, collaborateur technico-scientifique à Agroscope à Pully, en Suisse.
Moins de pourriture acide et de millerandage
Pour affiner les connaissances sur cette technique, il a étudié durant six ans diverses périodes d’effeuillage (fermeture de grappe, floraison et boutons séparés), sur les cépages locaux : chasselas, doral, pinot noir, gamay et merlot. « Dans la variante préflorale, nous avons enlevé 6 feuilles dès le stade boutons séparés, ainsi que les entre-cœurs, pour réaliser un effeuillage volontairement intensif, décrit Thibaut Verdenal. Cela a eu un fort impact sur la floraison et la nouaison. On a ôté à la vigne sa source de carbone et donc de sucres, ce qui l’a forcée à puiser dans ses réserves. L’observation la plus évidente a été une diminution du taux de nouaison, qui a entraîné une baisse de rendement à la vendange. »
Réalisé après nouaison, l’effeuillage n’a pas de répercussion sur les rendements, alors qu’effectué de façon intensive au stade boutons séparés, elle peut atteindre 30 % de baisse. « C’est intéressant sur des cépages très productifs comme le chasselas et cela réduit considérablement le travail d’égrappage (vendange en vert ndlr) », note le Suisse. Un impact qui peut être modulé par l’intensité de l’effeuillage.
Sur les essais menés en 2013 sur pinot noir, le pourcentage de millerandage sur grappe est ainsi passé de 66 % sur le témoin non effeuillé, à 26 % sur la modalité effeuillage à boutons séparés. De même, plus l’effeuillage est précoce, et plus il diminue les risques d’échaudages. Sur des vignes de gamay effeuillées à la fermeture de la grappe en 2012, 6,9 % des baies étaient échaudées, contre seulement 3,6 % sur des vignes effeuillées au stade boutons séparés, et 2,5 % sur le témoin non effeuillé. En revanche, l’effeuillage préfloral n’a aucun impact sur l’homogénéité de la floraison, ni sur la date de récolte.
Davantage de polyphénols et de couleur
Parallèlement à cela, le chercheur a constaté que les pellicules des raisins de vignes effeuillées étaient plus épaisses, ce qui fait que l’on retrouvait davantage d’anthocyanes dans les baies des cépages rouges : 331 mg/l sur pinot noir effeuillé à boutons séparés, contre 293 mg/l en non effeuillé. Ce qui a procuré une amélioration visible de la couleur des vins rouges (indice de clarté à 41 pour l’effeuillage contre 47 pour le non effeuillé sur pinot noir). Logiquement, l’indice de polyphénols totaux était lui aussi meilleur : 33 contre 29 sur pinot, 44 contre 41 sur merlot. Les vins de pinot noir ont été les plus impactés, avec un gain de structure et de couleur, quand le gamay a fait preuve d’une plus grande plasticité et n’a été que peu affecté. Aucune amélioration n’a été observée sur les vins blancs.
L’effeuillage préfloral doit donc être utilisé avec précaution. Il y a un risque de perte de rendement important, ainsi que des différences de comportement entre cépages, entre parcelles, etc. « Cette pratique peut être judicieuse dans des vignes bien implantées, saines et vigoureuses, avec la possibilité de moduler la précocité et l’intensité de l’effeuillage », indique le chercheur. Il mentionne aussi la possibilité d’itinéraires mixtes, tels qu’un effeuillage préfloral durant deux ans, et pas d’effeuillage la troisième année.
Une mécanisation possible
De 2016 à 2020, Thibaut Verdenal a planché sur la mécanisation de cet effeuillage précoce. Il a pour cela comparé l’opération effectuée en manuel, avec un passage d’effeuilleuse à air pulsé. « C’est faisable techniquement », enseigne le chercheur. Néanmoins, le passage doit être un peu plus tardif qu’à la main, puisqu’il faut attendre que les rameaux soient rentrés dans les leveuses. « C’est moins propre que l’effeuillage manuel, et cela fait sauter quelques boutons floraux, ce qui accentue la baisse de rendement dans le cadre d’un effeuillage intensif », poursuit Thibaut Verdenal.
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