Le traitement de l’eau pour la pulvé, un procédé controversé
Traiter l’eau avant les traitements permettrait, selon les sociétés spécialisées dans ce secteur, de réduire les doses de produits phytosanitaires. Mais les organismes professionnels et les firmes phytos sont plus réservés.
Traiter l’eau avant les traitements permettrait, selon les sociétés spécialisées dans ce secteur, de réduire les doses de produits phytosanitaires. Mais les organismes professionnels et les firmes phytos sont plus réservés.
Le traitement de l’eau avant pulvérisation permet-il d’ajuster et de réduire les doses de produits phytosanitaires ? Réponse affirmative selon certaines sociétés spécialisées dans le traitement de l’eau comme Atiben, ou encore Aquaphyto, qui avancent des réductions de doses de 30 % pour les fongicides à 50 % pour les herbicides. Pour Benoît Pintat de la société Atiben, « notre procédé va plus loin que les adoucisseurs d’eau car en plus de supprimer l’intégralité des cations et les anions, il agit sur la tension superficielle et les liaisons hydrogènes de l’eau et il permet d’ajuster le pH en fonction des produits phytosanitaires qui seront appliqués. D’ores et déjà plus de 320 installations ont été réalisées en agriculture dont une vingtaine en viticulture », explique-t-il. Lucie Plassard, alors technicienne à la cave de Kientzheim-Kaysersberg avait mis en place des essais en 2013 et 2014 pour des traitements fongicides mildiou et oïdium avec de l’eau traitée avec ce procédé. Elle avait constaté des résultats supérieurs ou égaux avec l’eau traitée en réduisant les doses de 30 %. « L’investissement de 16 000 euros (la société Atiben précise que des installations sont possibles à partir de 7 000 euros) avait été rapidement rentabilisé sur les 150 hectares de la coopérative », précise-t-elle. Mais la chambre d’agriculture d’Alsace a également testé ce procédé sur une ferme Dephy. « Les résultats sont plus mitigés, observe Céline Abidon, avec pas ou peu de différence observée sur fongicides (même résultat obtenu en réduction de dose avec une eau traitée et non traitée) mais une « aide » au vigneron qui a pris confiance pour réduire les doses d’herbicides."
Réserve du côté des organismes professionnels et des firmes phytos
Les organismes professionnels sont plus réservés sur ces procédés, qui ont fait l’objet d’essais au début des années 2000. À l’IFV, Éric Chantelot rappelle que « des essais réalisés sur cinq ans, de 1999 à 2003, avaient montré que l’utilisation d’une eau « adoucie » (à 79 ppm par rapport à une eau du réseau à 423 ppm) n’entraîne pas d’augmentation de l’efficacité biologique quel que soit le niveau de pression parasitaire et que le viticulteur prend un risque en réduisant les doses en cas de forte pression ». En Champagne, les expérimentations sur la qualité de l’eau remontent à 2004. « Mis à part le cas des herbicides contenant du glyphosate en cas de réduction de la dose, problématique réglée en partie par les formulations, modifier la qualité de l’eau présentait peu d’intérêt pour optimiser l’efficacité des traitements », souligne Marie-Laure Panon, du CIVC. « Si la qualité de l’eau ne nous semble pas un levier important pour réduire les doses de produits phytosanitaires, en revanche la qualité de la pulvérisation, l’adaptation de la pulvérisation à la végétation et le raisonnement des traitements phytosanitaires sont autant d’axes qui nous semblent prometteurs et prioritaires », ajoute Alexandre Davy en charge du dossier Optidose à l’IFV.
Du côté des firmes phytos, Michel Leborgne, spécialiste des formulations chez Syngenta, rappelle que « les formulations sont testées et évaluées pour au moins un continent en utilisant les eaux disponibles localement et qu’elles sont suffisamment robustes pour être efficaces quelles que soient les eaux utilisées. Par ailleurs, un produit ou une technique ne peuvent être validés qu’à partir d’études académiques qui mettent en œuvre des témoins et des répétitions ».
Le débat sur l’impact de la qualité de l’eau sur l’efficacité des traitements apparaît donc très controversé. Cette approche technique mériterait sans doute de nouvelles expérimentations avec les procédés disponibles sur le marché pour répondre aux interrogations légitimes des vignerons.
Eau adoucie et eau déminéralisée
Une eau adoucie est une eau dans laquelle on enlève une partie du calcium et une partie du magnésium.
Une eau déminéralisée est une eau dans laquelle la totalité du calcium et du magnésium ont été enlevés, de même que le fer, l’aluminium, le zinc et le manganèse.
La dureté de l’eau est proportionnelle à sa teneur en calcaire et en magnésium. Elle est exprimée en mg, en ppm ou en degré. En France, on utilise le titre hydrométrique en degré français (TH°F). Un degré correspond à 4 mg de calcium ou 2,4 mg de magnésium. On distingue les eaux douces inférieures à 15 °F et les eaux très dures supérieures à 35 °F.
PH et dureté de l’eau
Le pH est la mesure de l’acidité, c’est-à-dire la concentration en ions H +.
La dureté est donnée par la concentration en ions Ca2 +, Mg2 +, FE3 +…
2 TEMOIGNAGES
Réduction des doses d’herbicides
« J’utilise depuis sept campagnes le procédé Atiben pour « traiter » mon eau avant les traitements. Cela m’a permis de réduire les doses d’herbicides de moitié. Pour les traitements fongicides, la réduction des doses était moins évidente mais cela m’a permis d’allonger les intervalles entre deux passages en passant de 10 à 15 jours. L’ajustement du pH m’assure par ailleurs une stabilité de l’eau pendant l’épandage pour une meilleure efficacité des traitements. »
(((GAULLET)))
Un investissement vite rentabilisé
« J’ai découvert le procédé Aquaphyto il y a dix ans et cela m’a permis de réduire les doses de produits phytosanitaires de 50 %. Après traitement, mon eau est « neutre » et je peux adapter le pH de l’eau aux différents produits. Au-delà de l’intérêt technique et financier (réduction des doses), c’est aussi un plus pour l’environnement et l’investissement (environ 6 000 euros) a été très vite rentabilisé. »
(((LIMOUZY)))