Le test de la bougie n’est pas fiable pour vérifier la présence de CO2 dans les cuves vinicoles
La méthode de la bougie, encore utilisée par certains vignerons pour contrôler le niveau de CO2 dans les cuves, n’est absolument pas fiable. C’est ce que montre une expérience créée à l’occasion du Sival.
La méthode de la bougie, encore utilisée par certains vignerons pour contrôler le niveau de CO2 dans les cuves, n’est absolument pas fiable. C’est ce que montre une expérience créée à l’occasion du Sival.
Le risque d’intoxication au CO2 par asphyxie est bien connu des viticulteurs, même s’il peut parfois s’oublier par habitude, notamment hors période fermentaire. Incolore, inodore et plus lourd que l’air, le dioxyde de carbone peut en effet s’accumuler en fond de cuve. « L’air que nous respirons a normalement une teneur en CO2 de 0,04 %, a rappelé la colonelle Géraldine Guérin, du SDIS 44, lors d’une conférence organisée par Groupama Loire-Bretagne au Sival. Au-delà de 7 %, la personne intoxiquée ressent de la faiblesse, une grande fatigue, des maux de tête, des vertiges. À 15 %, elle perd connaissance. À 20 %, elle a des convulsions, est en apnée. Le décès survient à 30 %. »
Un contrôle du taux de CO2 avant toute intervention dans une cuve est donc indispensable. Mais la vieille méthode de la bougie n’est absolument pas fiable. À l’occasion du Sival, le lycée de Briacé, en Loire-Atlantique, a créé une expérimentation pour mettre en évidence la nécessité d’utiliser un détecteur de CO2. Une maquette de cuve a été réalisée avec un test à la bougie et un détecteur individuel en parallèle. L’émission de gaz carbonique a été provoquée en mélangeant du bicarbonate de potassium et du vinaigre blanc. « L’expérimentation montre que même au-dessus du seuil maximal de 3 % du détecteur, la bougie continue à brûler », constate Mickaël Arnoux, coordinateur technique viticole au lycée de Briacé. « La flamme de la bougie ne commence à bouger qu’à partir de 14 % de CO2, taux auquel la personne perd connaissance », précise la colonelle Géraldine Guérin.
Ventiler systématiquement avant de descendre
Disposer d’un détecteur de CO2 portatif, si possible à infrarouge, est donc indispensable pour contrôler en continu le taux de dioxyde de carbone, avec une première alarme à 1 ou 1,5 % de CO2 et un deuxième seuil à 3 %, valeur limite d’exposition. « Et il faut le faire réviser chaque année », rappelle Gaëlle Lihard, directrice adjointe de la Fédération viticole d’Anjou et de Saumur. Une organisation du travail adaptée est également nécessaire : éviter d’être seul quand on descend dans une cuve, informer du risque CO2 toutes les personnes travaillant ou venant sur l’exploitation (clients…), enlever dès que possible les lies qui continuent à fermenter, définir la conduite à tenir en cas d’accident (prévenir les secours, ne pas descendre sans équipement…), etc. Et surtout, une ventilation efficace quinze minutes avant de descendre dans une cuve est indispensable. « Très peu de vignerons le font systématiquement, constate Alain Viard, de la MSA Loire-Atlantique Vendée. Pourtant, cette ventilation est primordiale. Et le matériel de ventilation doit être de type industriel et fourni par un professionnel. Utiliser un aspirateur ne marche pas ! »
L’objectif est d’évacuer le gaz en insufflant un grand volume d’air dans la cuve et de pouvoir fournir une source d’air frais à l’intervenant si nécessaire. « Il faut prévoir un système de ventilation forcée et privilégier l’insufflation, qui apporte un meilleur brassage de l’air et peut constituer un moyen de secours dans certaines situations. » Une gaine prélève de l’air frais si possible à l’extérieur de la cave, une autre refoule l’air neuf dans la cuve. « Il faut choisir un ventilateur portatif qui fournit un débit important, de 500 m3/h réel minimum, souligne le conseiller. Et il faut que la gaine qui prélève l’air frais soit suffisamment longue, de 5 ou 10 m, pour pouvoir prendre l’air à l’extérieur de la cave, par une fenêtre, une porte. » Le ventilateur doit être mis en marche quinze minutes minimum avant l’intervention, davantage si le débit du ventilateur est limité. « Et il faut ensuite s’assurer en ayant un détecteur à la ceinture, que l’air est réellement respirable, c’est-à-dire que le taux de CO2 est impérativement inférieur à 3 % et aussi proche que possible du taux normal de l’air de 0,04 % », insiste Alain Viard. L’investissement est d’environ 800 euros (500 euros en tarif négocié) pour un détecteur de CO2 et de 800 à 1 000 euros pour un ventilateur.
Le vignoble nantais particulièrement sensible
En 2018 et 2019, quatre intoxications au CO2, dont deux mortelles, ont eu lieu en Loire-Atlantique. « La région est particulièrement exposée à ce risque du fait de la fréquence des cuves souterraines où le gaz peut facilement s’accumuler, a souligné Fabrice Henry, de Groupama Loire-Bretagne. Un facteur propice aux accidents est la production de vins sur lies, notamment de muscadet. Une cuve même vidée de son vin pouvant se repolluer par l’émission de lies en fermentation si celles-ci ne sont pas immédiatement enlevées. Mais le risque existe dans toutes les régions. »
c’est nouveau
Deux nouvelles solutions pour se protéger du CO2
Lors du dernier salon Sitevi, l’entreprise suédoise Logico2 présentait pour la première fois ses produits en France. Avec notamment la solution Scout Glow, un détecteur personnel et connecté de CO2 de poche, associé à une application sur smartphone. Contrairement aux détecteurs classiques, celui-ci peut être placé dans une balle en mousse que l’on jette (ou fait rouler) dans la zone dangereuse à contrôler. Si la concentration en CO2 est supérieure à un certain seuil, que l’on peut paramétrer entre 0,5 et 3 %, le boîtier déclenche une alarme visuelle et sonore. Mieux encore, si l’on attend dix à quinze secondes, on peut regarder précisément le taux de gaz carbonique à distance sur son application, grâce à une connexion Bluetooth. Ce système est commercialisé à environ 300 euros.
La jeune entreprise franco-américaine eLichens a sorti récemment, de son côté, le plus petit capteur de CO2 NDIR (infrarouge non dispersif) du marché. Le Cranberry CO2 consomme de surcroît très peu d’énergie. Il est intégré au produit BW Solo CO2 de Honeywell.
voir plus clair
L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail (INRS) recommande, pour les interventions en espace confiné, que chaque intervenant ait sur lui un contrôleur d’atmosphère portatif en fonctionnement ainsi qu’un masque autosauveteur. « Il est rappelé qu’un masque autosauveteur ne peut être utilisé que pour évacuer la zone dangereuse et en aucun cas pour y travailler. Les masques à cartouche filtrante ne doivent pas être utilisés car ils sont incapables de fournir l’oxygène nécessaire à la respiration de l’intervenant », précise l’INRS. La marque Dräger propose le Saver CF. Plus proche du milieu viticole, Axe environnement commercialise des respirateurs isolants à air frais, composés d’un masque étanche relié par un flexible de 30 mètres à une soufflerie à l’extérieur (compter 2 200 euros HT).