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Le "pied à pied", un entretien du sol original

Pour se passer de produit chimique sous le cavaillon, le lycée agricole de Rouffach, dans le Haut-Rhin, teste un itinéraire de « pied à pied ». Une technique intéressante, mais qui impacte le rendement.

Limiter le surplus de temps de travail induit par l’arrêt des herbicides, tel est le but de l’expérimentation d’un itinéraire d’entretien du sol « pied à pied » lancée en 2014 au lycée viticole de Rouffach, dans le Haut-Rhin. À l’occasion du colloque Vigne durable, qui s’est déroulé à Colmar le 7 novembre dernier, Matthieu Guinoiseau, animateur projet du lycée, a présenté les premières conclusions de ce mode de conduite original, qui permet de s’affranchir des herbicides pour un faible surcoût, mais qui impacte le rendement. « L’idée de départ était de réduire la contrainte du travail 100 % mécanique, en combinant les outils pour le cavaillon et l’inter-rang plutôt que de gérer interface par interface. Notamment pour ceux qui alternent travail du sol et enherbement un rang sur deux », explique le technicien.

Sur une parcelle de riesling de trente ares, deux modalités ont été comparées durant trois ans. La première a été conduite selon un itinéraire classique en Alsace : une alternance de rangs travaillés et enherbés, avec la ligne des souches désherbée chimiquement. La deuxième a été conduite de la même façon, à la différence près que l’herbicide a été supprimé, et que travail du sol et enherbement courraient jusqu’au pied du cep. C’est-à-dire que l’inter-rang et ses deux demi-cavaillons étaient travaillés de la même façon. Pour cette modalité, les techniciens ont employé un girobroyeur couplé avec des satellites de tonte et une charrue avec lames interceps. Lors de chaque campagne, quatre fauches et quatre passages pour le travail du sol ont été effectués. « C’est un compromis acceptable entre propreté du cavaillon et temps de travail », estime le chercheur. Malheureusement, le financement du projet n’a pas permis de créer une troisième modalité, pour comparer le "pied à pied" avec une solution 100 % mécanique classique.

Une augmentation de la main-d’œuvre modérée

Grâce à la combinaison des outils permise par le travail de pied à pied, le surcoût du passage à l’entretien du sol 100 % mécanique est assez modéré. « Il n’est ainsi que de 9 % environ », relate Matthieu Guinoiseau. En termes de temps, cela se révèle, sans surprise, plus chronophage qu’une solution classique. Là où il faut 14 h 30 par hectare et par an classiquement, le pied à pied demande près de 20 heures. Lorsque l’on extrapole les temps de travaux observés, une gestion séparée des interfaces nécessiterait 26 heures.

Sur la modalité « pied à pied », les résultats agronomiques sont quant à eux plus mitigés. « Étant donné que le pourcentage d’enherbement augmente de 35 à 50 %, l’alimentation azotée devient plus critique », constate le chercheur. Ainsi, la vigueur chute, et les rendements aussi (- 9 % en 2014, - 46 % en 2015 et - 32 % en 2016). « Nous voyons qu’en 2016 la situation se stabilise un peu, il faut le temps que la vigne s’adapte, estime Matthieu Guinoiseau. Nous n’avons pas réalisé de fertilisation, mais je pense que cela s’avère indispensable. » Une chute des rendements importante, mais somme toute similaire à un passage en agriculture biologique et dans certains cas à un entretien 100 % mécanique classique. L’herbe supplémentaire n’a par ailleurs pas eu d’incidence notable sur le régime hydrique. Par contre, elle a permis de limiter le ruissellement ainsi que le lessivage du nitrate, et entraîné un meilleur état sanitaire de la vendange, avec 50 % de botrytis en moins. Du côté de la dégustation, les microvinifications ont révélé des vins plus verts au cours deux premières années, mais une meilleure qualité en 2016. « Ce qu’il faudra voir à l’avenir, c’est s’il y a un gain qualitatif durable qui peut justifier une montée en gamme pour couvrir les frais supplémentaires et la baisse de rendement », commente le technicien.

Davantage de technicité et d’attention nécessaire

En termes d’organisation, travailler de pied à pied présente les mêmes inconvénients que les autres itinéraires 100 % mécaniques, à savoir que pendant la période critique, les travaux du sol et les traitements se chevauchent. « Cette technique est même légèrement moins flexible, puisque les outils combinés sont plus lents », estime Matthieu Guinoiseau. Pour lui, cet itinéraire demande aussi plus de technicité et d’attention, car les outils combinés sont plus difficiles à manier. Sur un sol sec, par exemple, le cadre de la charrue peut chasser et entraîner les lames à abîmer les plants. De même que pour les satellites de tonte si l’on ne roule pas suffisamment droit. « Il y a un risque d’arracher des ceps plus important que lorsque l’on a un outil seul, avoue-t-il, mais nous n’avons pas eu de problème particulier lors des essais. » Si l’itinéraire de "pied à pied" est plus contraignant qu’une gestion des sols conventionnelle, il est toutefois une solution envisageable pour ceux qui souhaitent se passer de la chimie.

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