Le défi du réemploi des bouteilles de vin
Pertinent sur le plan environnemental, le réemploi des bouteilles en verre avance à petits pas vers une massification indispensable pour sa viabilité économique. Le point avec Célie Couché, coordinatrice de Bout’à Bout’, une association pionnière dans le réemploi de bouteilles basée à Nantes.
Pertinent sur le plan environnemental, le réemploi des bouteilles en verre avance à petits pas vers une massification indispensable pour sa viabilité économique. Le point avec Célie Couché, coordinatrice de Bout’à Bout’, une association pionnière dans le réemploi de bouteilles basée à Nantes.
Vous déployez un dispositif de réemploi de bouteilles en verre depuis novembre 2016. Pourquoi est-il aujourd’hui plus développé pour la bière que pour le vin ?
Célie Couché - Les bouteilles de bière sont plus standardisées. L’image de la bière consignée parle aux producteurs et aux consommateurs. Les embouteillages sont réguliers, et donc les stockages de bouteilles sont moins longs. Pour le vin, la consigne était plutôt associée à l’image de vins bas de gamme. Il y a aussi le frein de la saisonnalité de l’embouteillage et celui de l’export. Mais la consigne est désormais perçue comme une vraie innovation. Il y a un contexte technique nouveau. L’intérêt des consommateurs est fort. Des producteurs le perçoivent et viennent vers nous.
Quelles sont les contraintes pour le producteur ?
C.C. - Le domaine doit passer à des étiquettes hydrosolubles. Cela nécessite rarement de revoir le design de l’étiquette. Les bouteilles allégées ne sont pas adaptées pour supporter des rotations. Il faut une bouteille de 560 g minimum. Nous proposons un modèle « bourgogne tradition » en blanc et en foncé.
La standardisation est-elle un frein pour que le réemploi se développe ?
C.C. - Standardiser est une nécessité pour diminuer les coûts qui doivent être compétitifs par rapport à une bouteille neuve, en intégrant le coût de collecte et de nettoyage. La question de la standardisation se pose désormais au niveau national, pour que chaque région puisse récupérer des bouteilles même si elles ne viennent pas de producteurs locaux. Au sein du Réseau consigne (1), nous définissons avec Citeo une liste de bouteilles standardisées pour 2022.
Comment s’organise la collecte ?
C.C. - Les points de vente trient par format. Ils nous joignent quand ils ont au minimum 10 casiers pleins. En dehors d’une cotisation à l’association, le service est gratuit. Nous travaillons à une plateforme informatique pour optimiser encore la collecte avec un suivi du parcours du chauffeur. Nous pourrons sortir des chiffres individualisés pour que les points de vente valorisent leur engagement auprès des clients. Le lavage des bouteilles est réalisé en prestation externe, par Boutin, une entreprise implantée sur le territoire. Elles sont repaletisées et nous les vendons aux vignerons.
Sur quels secteurs géographiques intervenez-vous ?
C.C. - Nous proposons ce service en Vendée et Loire-Atlantique et d’ici la fin de l’année en Maine-et-Loire. Après nous étendrons à la Mayenne et à la Sarthe. La collecte est installée dans les Biocoop de Loire-Atlantique, des magasins de vente en vrac, des cavistes, des restaurants et des magasins de producteurs. Elle est en expérimentation dans cinq GMS.
Comment accélérer le développement de réemploi ?
C.C. - L’année dernière, nous avons permis le réemploi de 100 000 bouteilles. Mais cette année, nous constatons une explosion des volumes. Nous avons beaucoup de contacts avec des grands domaines, des négociants. Mais nous manquons de ressources humaines pour développer plus rapidement. Il faut aussi un peu de temps pour que les producteurs s’adaptent.
Pour l’instant, vous n’imposez pas de consigne payante. Est-ce que ce principe va évoluer ?
C.C. - Nous souhaitons mettre en place une consigne monétaire d’ici la fin de l’année. Le but est de booster le taux de retour des bouteilles. Ce sera une consigne sous forme d’automate ou à la caisse. Une consigne monétaire permet d’avoir des taux de retour de 95 % voire de 100 %. En Allemagne, où la consigne est gratuite, cela plafonne à 40 %. Si l’on met en circuit des bouteilles plus lourdes, l’intérêt c’est qu’elles reviennent !
Comment le consommateur repère-t-il les bouteilles réemployables ?
C.C. - La bouteille se repère avec le picto Bout’à Bout’. Nous travaillons à un picto national au sein du Réseau consigne. La présence d’un picto est essentielle pour éviter de coûteuses opérations de tris.
Le fonctionnement du processus Bout' à Bout'
Benoît Landron, vigneron au domaine Landron-Chartier à Saint-Géréon, en Loire-Atlantique, sur 30 hectares.
« Si ça prend de l’ampleur, ça sera très rentable »
« On faisait de la consigne il y a 30 ou 40 ans avec les cafés. Mais ce marché s’est perdu. Il y a cinq ans, on s’est demandé ce que l’on pouvait faire pour modérer notre impact énergétique, et à quel prix. Nous avons initié une collaboration avec Bout’à Bout’. La première chose a été de travailler avec l’imprimeur pour avoir une étiquette adhésive avec une colle lavable, puis de finir le stock d’étiquettes. Il a fallu qu’au niveau régional, il y ait un choix sur une bouteille. Je me suis aussi préoccupé de la notion de sécurité. Le laveur de bouteilles me fournit des certificats attestant qu’elles sont bien alimentaires. J’ai pu constater que le coût d’une bouteille « bourgogne tradition » lavée est inférieur à celui d’une bouteille neuve légère. Je m’y retrouve par rapport au surcoût de l’étiquette et de la bouteille neuve. Si ça prend de l’ampleur, ça sera très rentable. On est au début de la massification. On récupère environ 3 % à 5 % de l’embouteillage. J’estime que c’est un bon début. J’ai des clients qui veulent du neuf mais je vois que le réemploi se développe chez certains cavistes et points de vente de vrac.
Réemployer économise 33 % d’eau et 75 % d’énergie par rapport au recyclage, ça ne me bénéficie pas directement mais c’est ma responsabilité en tant que producteur. Pour certains, c’est un retour en arrière mais moi je vois que ça ne me coûte pas plus cher et ça ne me rajoute pas de travail. J’ai juste un logo à mettre sur la contre-étiquette. On réfléchit à la mise en place d’une consigne payante pour toucher un public plus large. Mais il ne faut pas monter les prix, ni que ça soit compliqué. Les Belges n’ont jamais arrêté de consigner leurs bouteilles de bières, nous, il faut que ça se remette en place. Maintenant une filière existe. »
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Des objectifs officiels de réemploi des emballages
Si le réemploi du verre fait l’objet d’un intérêt croissant, l’idée d’objectifs contraignants divise. « Comment ne pas craindre avec cette mesure une standardisation des bouteilles et donc une perte de typicité et de valeur des produits Vignerons indépendants ? », s’est alertée la fédération des Vignerons indépendants face au projet de loi sur le gaspillage et l’économie circulaire. Au final, la loi adoptée en février 2020 ne cible pas le verre précisément. Elle fixe un objectif de « 5 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2023, exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente », et de 10 % en 2027. Elle vise davantage le plastique. Un décret définissant une proportion minimale de réemploi des emballages selon les catégories de produits est attendu. Dans le CHR où la consigne n’a jamais cessé, le taux de réemploi est actuellement estimé à 40 %.
La loi indique aussi que les éco-organismes « définissent des gammes standards d’emballages réemployables pour les secteurs de la restauration, ainsi que pour les produits frais et les boissons » au plus tard le 1er janvier 2022.
De son côté, la Convention citoyenne pour le climat a inscrit la « mise en place progressive d’un système de consigne de verre (lavable et réutilisable) jusqu’à une mise en place généralisée en 2025 » parmi ses 150 propositions.
L’Ademe et Citeo soutiennent les dispositifs de réemploi du verre performants, notamment avec un appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en juin 2019.