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En magasin, la vente de vin en vrac cherche la bonne formule

À l’image du riz, des fruits secs, des céréales ou des produits ménagers, le vrac se déploie pour la vente de vin, mais pas sans difficultés. Rencontre avec quelques précurseurs du marché.

Emblématique d’une consommation limitant les déchets, la vente en vrac se développe dans les grandes surfaces, les enseignes bio ou via des magasins dédiés au vrac. Le vin fait partie des produits proposés depuis le début de l’essor du vrac mais il n’est pas le candidat le plus facile. « Il y a un réel intérêt pour le client mais pour les liquides, c’est plus compliqué car c’est moins dans les habitudes », admet François Alarcon, directeur de l’innovation chez Franprix. L’enseigne développe le vrac depuis 2015. Elle a commencé par les fontaines proposées par la start-up Jean Bouteille pour distribuer les produits liquides.

La recherche de la machine idéale

« On a associé à des fontaines de distribution une bouteille réutilisable et consignée », décrit Manon Carpentier, de la start-up Jean Bouteille. Avec l’huile et le vinaigre, le vin a fait partie des premiers produits développés à la création de l’entreprise en 2014. Le principe est d’offrir un service clé en main aux grandes et moyennes surfaces ou aux commerces indépendants. Les machines sont vendues ou louées, les points de vente sont formés au protocole de nettoyage, Jean Bouteille assure le service après-vente et fournit les produits. La start-up revendique 600 points de vente équipés en fontaines à vin dont une centaine est installée dans des Franprix avec 2 à 4 références de vin au choix. Tout en poursuivant sa collaboration avec la start-up pionnière, Franprix teste un nouveau système dans le concept de magasin Darwin.2019 que l’enseigne expérimente au cœur de Paris. Baptisé Qualivrac, le distributeur fonctionne sans électricité, permet de venir avec sa bouteille et de choisir la quantité souhaitée. « C’est une solution moins coûteuse à l’achat, nécessitant moins de maintenance », décrit François Alarcon. Selon lui, Jean Bouteille a toutefois l’avantage d’être une marque reconnue, de disposer d’équipes commerciales, d’un sourcing produit et de cinq ans d’expérience sur un marché encore embryonnaire.

La start-up avance une « rentabilité presque immédiate » mais elle continue à faire évoluer ses machines de distribution pour faciliter la gestion du réassort avec un suivi statistique des ventes. Autre objectif majeur : diminuer l’encombrement en magasin car le manque de place est un obstacle de plus au développement du vrac.

Chez Biocoop, on ne souhaite pas communiquer sur la vente de vin en vrac car des réflexions sont justement en cours sur les solutions techniques, les choix actuels ne semblant pas donner toute satisfaction.

Day by Day, la chaîne de magasins 100 % vrac, a opté pour la simplicité : c’est un bag-in-box qui est tout simplement posé sur le rayonnage. « Depuis le départ, nous sommes partis sur le bag-in-box de 5 litres », précise Didier Onraita, fondateur de l’enseigne. Ce format assure une préservation du produit compte tenu du débit de vente.

La bouteille, un élément clé dans l’offre

Quelle bouteille pour tirer le vin ? Franprix a jugé la consigne incompatible avec le manque de place et de temps en magasin pour gérer la logistique. Car qui dit consigne dit stockage, transport, ramassage, nettoyage… Le consommateur est donc invité à acheter et gérer sa bouteille Jean Bouteille. Son design attrayant est pensé pour donner envie de l’utiliser, d’en prendre soin et de la montrer.

Chez Day by Day, des bouteilles sont à disposition mais les consommateurs sont incités à venir avec les leurs. Et elles peuvent être de taille variable. « Le principe du vrac, c’est la quantité à la demande, c’est ne prendre que la quantité que l’on souhaite pour ne pas gacher. Si l’on ne veut que 1/3 de bouteille, c’est possible », considère David Onraita. « Nos clients viennent très majoritairement avec une bouteille type limonade », précise-t-il.

La taille de la bouteille est un sujet de réflexion chez Franprix. « Notre ambition est de proposer des formats à 17,5 cl, 25 cl, 35 cl… », explique le directeur de l’innovation. L’idée est de capter cette clientèle urbaine qui veut un ou deux verres, pour un repas, ponctuellement, sans avoir à gérer de bouteille ouverte.

Des vins de préférence bio et de prix abordable

Les vins de consommation immédiate sont bien sûr de rigueur. On trouve dans les vins proposés aussi bien des AOP, des IGP que des vins de France. Mais de l’avis général, le concept est indissociable de vins engagés sur le plan environnemental. « On a remarqué que dans la tête des consommateurs, le vrac était lié à des produits bio », explique Manon Carpentier chez Jean Bouteille. L’enseigne peine à trouver des fournisseurs vins bio qui puissent les conditionner en poches de 10 l, et les proposer pour un prix de vente en magasin de 5 à 6 euros le litre.

Day by Day propose à ses franchisés une dizaine de vins et leur conseille de prendre à minima une référence par couleur. Les magasins ne dépassent pas 60 m2, ce qui limite les assortiments. Parmi les références, un IGP côtes-de-thongue vendu à 6,40 €/l, un cahors à 5,32 €/l ou un bordeaux à 6,90 €/l. « Nous travaillons en direct propriété et recherchons des prix accessibles. Les magasins ont la possibilité de s’approvisionner localement. » Day by Day vise à terme 16 ou 18 références. Le bio devient également un critère. L’un des domaines est Terra Vitis, mais « on cherche des produits bio en bag in box ; ça serait en phase avec les attentes de nos clients », dévoile Didier Onraita.

Franprix pioche dans le catalogue de Jean Bouteille. Tant que les volumes sont modestes, aller sourcer des produits ailleurs ne serait pas rentable. Pour la formule Qualivrac, le vins proposés sont bio, HVE ou Demeter.

Des consommateurs encore à conquérir

L’emplacement idéal pour aller à la rencontre du consommateur est encore à trouver. « Au départ, notre idée était de remettre le vrac dans le rayon concerné avec la logique de faire de la pédagogie toute en laissant le choix », explique François Alarcon, chez Franprix. Dans le nouveau concept de magasin en test à Paris, l’enseigne est revenue sur ce principe en proposant sur un même mur différents produits liquides en vrac. Pour l’instant, Franprix voit dans le vrac un outil de fidélisation. « Un client converti revient, observe le directeur de l’innovation. On s’attend à ce que le vrac explose dans les prochaines années mais pour l’instant ce n’est pas l’affaire du siècle. C’est un pari sur l’avenir. » Il annonce un volume de 300 l de vin vendu en vrac par semaine. « C’est peu mais cela représente 40 % du volume des ventes de liquides en vrac. » Ce qui manque pour que ça explose ? « Être irréprochable sur le service, lancer plus tôt les commandes pour éviter les ruptures, surveiller la machine, réapprovisionner en bouteilles régulièrement. » Le petit chiffre d’affaires implique une mobilisation modérée sur ce rayon en magasin.

« Ça marche gentiment », convient Didier Onraita chez Day by Day. Au 1er semestre 2019 sur 47 magasins, l’enseigne a écoulé 4 600 l en trois couleurs. « Ce n’est pas négligeable même si ce n’est pas fou-fou. » Selon lui, quelques efforts de mise en scène, des bouteilles appropriées ou des collerettes à positionner sur les bouteilles, pourraient multiplier les ventes. « Avec un vrai travail de marketing on pourrait réconcilier le vin avec une partie de la population. Celle qui aujourd’hui ne veut pas acheter en bouteille parce que c’est trop grand », imagine Didier Onraita… tout en reconnaissant un manque de temps pour s’y consacrer.

Le bag-in-box, l’autre vrac ?

Le bag in box offre la possibilité de consommer en vrac mais à domicile ! Il représente 40 % des ventes de vins en grande distribution. Mais ce conditionnement concerne moins les commerces de proximité situés en centre-ville que les grandes surfaces de périphérie. « Nous avons une population avec des foyers qui ne stockent rien et viennent plusieurs fois par semaine. Ce sont des clients de tous âges : des personnes âgées, des couples de jeunes engagés ou les touristes d’un airbnb du quartier », détaille François Alarcon, de Franprix. Autant de gens, non-acheteurs de bag-in-box.

 

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