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Le cahier des charges : un allié lors des mises en bouteilles

Au moment de l’embouteillage, les vignerons peuvent mettre leurs exigences par écrit, dans un cahier des charges. Ce qui assure davantage de maîtrise sur la mise et une sécurité en cas de litiges.

Certains pourraient voir cela comme une énième paperasse. Mais les cahiers des charges permettent de cadrer les relations avec le prestataire, lors de l’étape critique de la mise en bouteilles. « C’est très intéressant que les opérateurs nous demandent ça, assure Benjamin Péguet, codirigeant de la maison de conditionnement éponyme. Cela permet de faire évoluer les choses. Et même s’il n’y a pas forcément d’impact pour le consommateur, le vigneron va vraiment gérer sa mise. » De plus, le cahier des charges est une sécurité supplémentaire en cas de litiges, étant donné qu’il fixe la responsabilité des deux parties. « Certains opérateurs précisent que nous devons prélever davantage d’échantillons, à 10 et 16 heures par exemple, constate Laure Sibe Beaubatit, responsable qualité pour le groupe d’embouteillage bordelais, Renfort. Ainsi, nous conservons des traces en cas de problème. » De même, les vignerons peuvent vérifier la maintenance des machines et « demander un montant minimum pour notre responsabilité civile », souligne la responsable qualité.

Le bris de verre reste le principal danger identifié

En pratique, les sociétés d’embouteillage adressent leur cahier des charges interne à leurs clients. « Nous sommes déjà certifiés HACCP depuis 1997, ce qui fait que nous avons des exigences, en termes de qualité, très poussées, assure Benjamin Péguet. Mais les vinificateurs peuvent lister les points qui les intéressent et apporter des modifications au document. » Celui-ci sert avant tout de guide pour éviter les risques liés à la sécurité des consommateurs. « Le principal danger identifié concerne le bris de verre », commente Benjamin Péguet. Ainsi, le cahier des charges prévoit le mode opératoire à mettre en œuvre en cas d’incident sur la chaîne d’embouteillage, que ce soit en termes de nettoyage de la zone ou de recyclage des bouteilles alentour. « Il peut également contenir des précautions quant au choix du matériel utilisé, relève Fabrice Plançon, directeur de la société Gai France. À titre d’exemple, les mâchoires qui servent à déplacer les bouteilles ou la pointe de l’injecteur ne doivent pas être en inox. Car le matériau est susceptible d’entraîner de la casse ou d’ébrécher le verre. »

Autre point de vigilance : l’hygiène. « Nous utilisons généralement des produits chlorés pour le nettoyage de nos machines, car ils sont très efficaces, confie Laure Sibe Beaubatit. Mais certains vinificateurs n’en veulent pas. Pour des questions de sécurité, mais aussi par crainte de contaminations en chlorophénols. Dans ce cas-là, ils peuvent nous le spécifier dans le cahier des charges. »

Définir ses exigences en termes de traçabilité

Enfin, le document entend fixer les objectifs du vinificateur vis-à-vis de la qualité et de la conformité du produit fini. « Sur le poids des BIB par exemple, illustre Benjamin Péguet. D’habitude, nous pesons cinq poches pour vérifier que les volumes sont bons. Mais certains clients vont plus loin et nous demandent de peser dix poches avant de valider la production. » De la même façon, les vignerons peuvent expliciter leurs exigences techniques. « Sur le choix du média de filtration notamment », détaille-t-il. Ainsi que sur les doses de SO2, ou sur la protection par rapport à l’oxygène.

Enfin, le cahier des charges intègre les questions relatives aux matières sèches, telles que l’enfoncement du bouchon, ou la hauteur de l’étiquette. « Il arrive que l’on soit obligé de refuser des demandes, relève Laure Sibe Beaubatit. On nous a déjà demandé de contrôler l’enfoncement du bouchon à 0,1 millimètre près. Or c’est impossible à vérifier pour nous. » En revanche, le document fixe les directives en termes de traçabilité et d’identification des lots. « Dans certains cas, les clients nous demandent d’identifier les boxes sur les deux faces, pour faciliter leur gestion », précise la responsable qualité.

Pour l’heure, ces documents s’adressent plutôt aux gros faiseurs, de type maisons de négoce ou caves coopératives. « Car ils ont déjà des services qualité à même de traiter ces problématiques », selon Benjamin Péguet. Cependant, cette démarche fait partie de la prestation d’embouteillage et n’engendre aucun coût particulier. Elle s’adresse donc à tous les vignerons qui en font la demande auprès de leurs prestataires. « Lorsque l’on a recours à un prestataire pour le conditionnement, il faut avoir des exigences et établir un cahier des charges, confirme Patrice Montagné, responsable des services qualité et développement durable à l’ICV. Il faut en discuter et établir un contrat. Cela rassure le consommateur. »

voir plus loin

Travailler en amont avec ses fournisseurs de matières sèches

« Dans l’idéal, les vignerons devraient établir des cahiers des charges avec leur prestataire et leurs fournisseurs de matières sèches et les articuler entre eux, indique Fabrice Plançon, directeur de Gai France. Mais cela prend beaucoup de temps. » Il conseille tout de même de travailler en amont avec ses fournisseurs de matières sèches. Et particulièrement avec les verriers. « Il y a autant de formats de bouteilles que de constructeurs. Sur les bordelaises par exemple, nous en avons répertorié plus de quarante différentes », prévient-il. L’œnologue recommande donc aux vignerons de demander des échantillons ainsi que le plan verrier, si possible en 3D. « Cela permet aux prestataires d’anticiper les réglages de la machine et de vérifier qu’ils disposent du bon matériel. » En ce qui concerne les vis ou les cônes centreurs de bouchage notamment. « Et surtout, il faut qu’ils communiquent à leur prestataire le modèle de bouteille qu’ils vont réellement acheter, insiste Fabrice Plançon. Car souvent, ils demandent un devis chez un verrier et finissent par commander chez le concurrent. »

« Une manière de se responsabiliser »

« Nous avons mis en place le cahier des charges en novembre 2016, après cinq ans de travail avec notre prestataire de conditionnement. Nous nous entendions déjà à l’oral mais nous avons formalisé cela par écrit. C’était une recommandation de notre organisme de certification car nous sommes aujourd’hui en Iso 22 000 et Iso 9 001. C’est d’abord une sécurité en cas de litiges. Heureusement, nous n’avons jamais eu de problèmes jusqu’à présent. Mais c’est aussi une manière de se responsabiliser. Cela montre que nous nous impliquons dans la mise, même si l’opération est réalisée par un prestataire extérieur. Le document a été relativement simple à rédiger, il nous a fallu une semaine. Au final, nous complétons les documents qualité fournis par le conditionneur. Nous précisons également nos exigences en termes de traçabilité, sur les matières sèches comme sur les opérations réalisées. Le document stipule aussi que seule une personne habilitée par le domaine, telle que le responsable qualité ou l’œnologue, peut valider le démarrage de la production. Enfin, nous fournissons à notre prestataire un plan des lieux et des zones d’embouteillage pour lui permettre d’anticiper le chantier. Bien sûr, il y a encore des améliorations à faire. Sur la gestion des étiquettes par exemple. Car il arrive que le sens d’enroulement ne soit pas le même au niveau de l’imprimeur et du prestataire. Et dans ce cas-là, il faut réenrouler les bobines de manière semi-automatique. Ce qui peut entraîner des irrégularités d’habillage. Préciser nos contraintes dans le cahier des charges pourrait permettre au prestataire d’anticiper ce genre de soucis et de prévoir du matériel adapté. »

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