L’aspersion, contraignante mais efficace contre le gel de la vigne
Très performante, l’aspersion se heurte néanmoins à des contraintes réglementaires et organisationnelles, ainsi qu’à un coût d’installation élevé.
Très performante, l’aspersion se heurte néanmoins à des contraintes réglementaires et organisationnelles, ainsi qu’à un coût d’installation élevé.
Les experts sont unanimes : l’aspersion est le moyen de protection le plus efficace. Il protège contre tous les types de gelées, même avec des températures très basses, allant jusqu’à - 6 °C. Une assertion confirmée sur le terrain. Le Domaine de la Rodaie, à Saint-Nicolas-de-Bourgueil, en Indre-et-Loire, emploie ce système sur dix de ses vingt et un hectares depuis la fin des années 1990, avec succès.
Un rendement 2021 au rendez-vous chez tous les viticulteurs interrogés
« Cette année, sur la zone protégée par aspersion, nous avons récolté entre 55 et 58 hectolitres par hectare », se réjouit Stéphanie Morin, vigneronne de ce domaine. Et pourtant, les températures sont descendues jusqu’à - 4 °C. Sur la vingtaine d’années de protection, elle ne note qu’un échec : « il me semble que c’était en 2003, se remémore-t-elle. Nous avons rencontré une gelée noire pour laquelle nous n’avons pas déclenché la protection assez vite ». Le reste du temps, le résultat est au rendez-vous.
Dans son cas, l’aspersion est collective et gérée en Cuma. Le réseau s’alimente via des canaux ou des réserves créées à cet effet. Un dense maillage de stations météo et des discussions collectives déclenchent ou non l’aspersion.
Le Château de La Ragotière, à La Regrippière, en Loire-Atlantique, pratique également l’aspersion, mais de manière individuelle. « Nous avons une grande réserve d’eau en contrebas sur notre domaine, décrit Vincent Dugué. Elle est alimentée par les eaux de pluie et de fossés. Nous puisons dedans lors des gelées. » Cette année, le système a été actionné à dix ou onze reprises. Une station météo, dédiée au système, alerte les vignerons lorsque la température tombe à -1,2 ou -1,3 °C. Grâce à cela, Vincent Dugué a récolté 60 à 70 hl/ha sur les chardonnays ainsi protégés, contre 15 hl/ha sur les autres. Tant et si bien qu’il compte prolonger l’installation sur 4,5 hectares.
Un déclenchement pointu et une surveillance importante
Si l’intérêt de cette technique ne fait pas un pli, elle a bien sûr des inconvénients. À commencer par la surveillance des canons, crépines, pompes, etc. « C’est stressant car il ne faut pas se louper sur le moment de déclenchement, insiste Stéphanie Morin, et ensuite, il faut une surveillance constante. Chaque viticulteur est responsable d’une zone et vérifie toute la nuit qu’il n’y a pas de tuyau bouché ou arraché. Tout le monde passe la nuit dehors. »
Vincent Dugué reste lui aussi la nuit debout. « L’aspersion s’effectue grâce à une pompe actionnée par un moteur thermique. Si elle tombe en panne, il faut tout de suite basculer sur la pompe de secours », alerte-t-il. C’est également une technique onéreuse puisque Stéphanie Morin estime l’investissement à 15 000 euros par hectare. Mais à l’inverse de l’assurance, elle permet d’avoir du vin et donc de ne pas perdre de marché.
Le fait d’apporter un petit volume d’eau dans les parcelles ne pose pas de problème agronomique, pour peu d’avoir des terrains drainants. Stéphanie Morin n’a constaté aucun souci de portance, de ruissellement ou d’érosion. Même écho chez Vincent Dugué qui tempère : « l’aspersion est installée sur nos meilleurs terrains drainants, en coteaux schisteux et sur des vignes enherbées, que nous ne travaillons qu’une fois les risques de gelée éloignés".
Vincent Delanoue, vigneron à Benais, en Indre-et-Loire, va même plus loin : « un peu d’eau en période végétative fait du bien à la vigne », témoigne-t-il. En revanche, cet apport impacte les programmes de protection phytosanitaire. « On estime qu’il faut faire un antimildiou supplémentaire », conclut-il.
en bref
Efficacité Très efficace sur tous types de gelées (noire, blanche, advective), jusqu’à - 6 °C
Bilan carbone 0,5 t CO2 eq par hectare et par an, selon le guide 2019 Viticulture durable en Champagne
Coût 0,27 €/l (pour 50 hl/ha), selon l’estimation 2017 de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire
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