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L’analyse de résidus face au défi de la communication

La demande croissante des consommateurs pour des vins sans résidus de pesticides oblige les producteurs à multiplier les analyses afin de montrer patte blanche. Les experts analystes tentent de mettre des garde-fous mais peinent à trouver un consensus. Explications.

Le 15 septembre dernier, l’association girondine Alerte aux toxiques publiait un rapport d’analyses réalisées par le laboratoire Dubernet révélant la présence de résidus de pesticides dans des vins labellisés Haute valeur environnementale (HVE) ou revendiquant des pratiques vertueuses. Son fort retentissement médiatique a ravivé les tensions entre des groupes de consommateurs toujours plus vigilants sur ce qu’ils consomment, et des producteurs désarmés face à la pression de devoir justifier systématiquement leurs pratiques. « Il y a une hystérisation du débat qui fait souffrir tout le monde », estime Matthieu Dubernet, directeur des laboratoires Dubernet, implantés dans l’Aude. À tel point que la nécessité de définir des indicateurs pour donner du sens aux résultats d’analyses devient une priorité absolue pour la filière.

Un cadre réglementaire trop vaste pour permettre un dialogue apaisé

« Avec l’évolution des techniques d’analyses, on a gagné un facteur 10 voire un facteur 100 sur les seuils de détection. Et ça ne va pas s’arrêter là », prévient Magali Grinbaum, responsable projets contaminants à l’IFV. Pour l’experte, le cadre réglementaire actuel est trop flou pour permettre à la filière de se défendre des accusations dont on la charge, à tort ou à raison. « Il y a un vide trop grand entre les limites de quantification, qui dépendent de la performance du matériel d’analyse et qui sont donc variables d’un laboratoire à l’autre, et les Limites maximales de résidus (LMR) fixées par la réglementation. Ces dernières n’existent que sur les produits frais et sont bien supérieures à ce que l’on retrouve dans les vins », explique-t-elle. Un vide qui fait donc la part belle à l’interprétation, au risque de laisser l’émotionnel prendre le dessus sur le rationnel. Magali Grinbaum a donc travaillé pendant plusieurs années avec un consortium de sept laboratoires œnologiques afin de créer un outil analytique pertinent pour expliquer un résultat positif. « On a créé la notion de minimis, qui correspond à une valeur analytique en dessous de laquelle une substance est consensuellement considérée comme absente du produit analysé », développe la chercheuse. 220 molécules se sont vues attribuer un minimi, défini à partir d’une base données fournie par le consortium. « On a intégré la notion de 'bruit de fond' dans notre réflexion afin d’aider à interpréter la présence de certaines molécules alors que le producteur n’a pas appliqué les produits qui en sont normalement à l’origine », expose Magali Grinbaum. Il s’agit par exemple des molécules que l’on arrive à tracer du fait de la dérive, de contaminations croisées, ou encore liées à des effets d’accumulation dans le sol ou l’air. « Il est primordial de mettre des garde-fous », juge la chercheuse de l’IFV.

Lire aussi " Comment expliquer la présence de pesticides dans certains vins bio ? "

Les minimis, un outil à double tranchant

Si les minimis se présentent comme un outil intéressant pour améliorer ses performances environnementales (voir encadré), ils sont aussi, selon Matthieu Dubernet, une arme contre « l’entonnoir sans fin dans lequel nous nous trouvons alors que nous sommes en capacité de déceler des teneurs toujours plus faibles ». Mais ils ne font pas encore consensus entre tous les experts. « On ne remet pas en cause le travail effectué par l’IFV. Mais on estime que la base de données sur laquelle l’institut a travaillé n’est pas assez large et représentative, et donc que les statistiques qui en sont issues ne sont pas assez robustes », expose Vincent Renouf, directeur du laboratoire Excell, en Gironde. Ce dernier estime que les minimis de certaines molécules sont trop bas, et réclame un moratoire. Là où l’IFV considère que les minimis fixent un seuil en dessous duquel l’interprétation n’a pas de sens, le laboratoire Excell a un avis inverse. « À partir du moment où on fournit un chiffre, on donne un outil pour comprendre ce qu’il s’est passé en amont. On est donc obligé de l’interpréter », estime Vincent Renouf. Pour apporter cette dimension analytique, le laboratoire Excell plaide pour que le cercle de discussion soit élargi à des experts d’autres horizons, dont des toxicologues. Il invite aussi à davantage d’intégration de la profession dans le débat. « Il faut que les producteurs nous aiguillent sur les seuils et les molécules à suivre de près, en fonction des contraintes commerciales qu’on leur impose. » Faute de tout cela, il juge que « dans l’état actuel, les minimis mettent en danger notre filière ». Comme si finalement ces minimis ouvraient le débat sans toutefois donner de clés pour l’apaiser.

Un travail de pédagogie auprès des producteurs et des consommateurs

À ce jour, seuls les laboratoires Dubernet ont commencé à intégrer les minimis dans leurs comptes rendus d’analyses. « Pour le moment, nous n’avons pas communiqué sur notre participation au consortium auprès de nos clients. L’étude est encore en cours », a fait savoir Aurélie Hardy, responsable du laboratoire Exact, dans la Nièvre. Pour Magali Grinbaum, les minimis pourront affirmer leur pertinence s’ils s’accompagnent de pédagogie auprès des producteurs de vin, mais également des consommateurs. « Je pense que c’est un travail à faire au niveau de la filière pour ne pas se laisser imposer des demandes de 0 analytique, qui est une utopie », expose-t-elle. Pour l’heure, l’IFV a fait savoir que ces travaux seront présentés au groupe « méthodes analytiques » de l’OIV. L’institut espère ainsi confronter ses données à celles d’autres pays. Une fois la question du consensus élucidée, cela pourrait aboutir à une proposition de résolution.

voir plus loin

Les minimis, un outil pour améliorer ses pratiques

Les travaux effectués sur les minimis par l’IFV et ses partenaires offrent des perspectives intéressantes à ceux qui cherchent à améliorer leurs pratiques. « Grâce aux analyses sur raisins, moûts et vins effectués dans le cadre de ce projet, on a étudié le parcours d’une longue liste de molécules, dont tous les CMR. Ce qui nous a permis de définir des taux de transferts pour chaque molécule », expose Magali Grinbaum, responsable projets contaminants à l’IFV. Pour Vincent Renouf, directeur du laboratoire Excell, en Gironde, ces nouvelles connaissances sont un atout pour affiner les itinéraires techniques. « Les minimis sont un outil judicieux pour évaluer sa stratégie phytosanitaire, et reconsidérer les doses et les dates d’application, voire retirer complètement certaines substances de son plan de protection », explique-t-il. Au-delà de l’impact sur l’amont de la filière, les minimis peuvent servir à appuyer le discours des forces commerciales. À l’heure où les acheteurs ont le plein pouvoir pour définir des seuils maximums dans leurs cahiers des charges, les minimis sont un moyen d’aboutir à une certaine forme de concertation. Et de réintroduire un peu de démocratie dans les relations entre acheteurs et producteurs.

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