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La haute valeur environnementale, une certification à améliorer

Promu par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, le label HVE est fortement décrié. Cette certification a-t-elle un avenir ? Éléments de réponse.

Au départ, l'audit pour passer HVE nécessitait trois à quatre semaines de préparation.
Au départ, l'audit pour passer HVE nécessitait trois à quatre semaines de préparation.
© J.-C. Gutner

Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, « la Haute valeur environnementale (HVE) garantit que les pratiques agricoles utilisées sur l’ensemble d’une exploitation préservent l’écosystème naturel et réduisent au minimum la pression sur l’environnement (sol, eau, biodiversité…). Il s’agit d’une mention valorisante, prévue par le Code rural et de la pêche maritime ».

Toujours selon le ministère, en juillet 2021, 14 721 exploitations viticoles étaient certifiées HVE, soit 23 % des exploitations viticoles françaises. Notre filière est de très loin la plus engagée dans ce processus puisqu’elle représente 77,6 % des exploitations HVE françaises ; celles de grandes cultures n’étant que 1 997 à être certifiées. Mais cette dynamique pourra-t-elle se poursuivre et est-elle judicieuse ? C’est la question que l’on peut se poser, à l’aune des dernières accusations.

Un impact faible à modéré sur l’environnement

Les associations environnementales Greenpeace et le WWF ont été les premières à monter au créneau, mettant en cause l’impact insuffisant de la HVE sur l’environnement. Selon elles, il serait faible sur les ressources en eau, la qualité de l’air ou le climat, modéré sur la qualité des sols et nul sur le revenu des agriculteurs et la sécurité alimentaire. Les deux associations allaient même jusqu’à s’insurger : « la démarche HVE, même si elle édicte des objectifs chiffrés, ne spécifie jamais de note éliminatoire s’ils ne sont pas atteints. La seule étude d’impact existante sur cette démarche montre que, dans le cas de la filière blé de l’est de la France qui a été analysée, une part non négligeable des agriculteurs étudiés ont des notes égales à zéro sur les objectifs concernant l’usage d’herbicides (IFT) alors que leur note totale finale leur a permis d’obtenir la certification HVE ».

Des arguments contrebalancés par Laurent Brault, animateur de l’Association nationale pour le développement de la HVE : « on a bien plus d’impact sur l’environnement à l’échelle d’un territoire si beaucoup d’agriculteurs s’améliorent un peu que si quelques-uns sont des champions », relève-t-il. En revanche, il suggère de rajouter un échelon à la certification actuelle, afin de pousser plus loin les efforts.

Du côté des associations de consommateurs, la HVE peine également à convaincre. Pire ! Elle sème même le doute. Dans son article de novembre 2021 consacré au sujet, l’UFC-Que Choisir allait jusqu’à parler de « tromperie » ! Et ce, en s’appuyant sur une note de l’Office français de la biodiversité, stipulant que « les exigences insuffisantes de la HVE ne permettent pas de sélectionner des exploitations particulièrement vertueuses ». Contacté par nos soins, l’Office n’a pas souhaité réagir.

Un système équitable et non égalitaire, contrairement au bio

Malmenée par les environnementalistes et mise en cause par les associations de consommateurs, la HVE a-t-elle dès lors un avenir ? Sûrement. Mais il lui faudra pour cela évoluer. « Cette démarche aurait un véritable rôle à jouer dans le panorama actuel de l’agriculture française, estiment d’ailleurs Greenpeace et le WWF. Cependant, elle pâtit aujourd’hui de deux écueils principaux : le manque de transparence sur les résultats obtenus sur le terrain […] et, l’absence de critères communs obligatoires qui s’appliquent à tous les agriculteurs engagés dans la démarche. »

Des propos qui font écho à ce que ressentent certains vignerons, à l’instar de Philippe Boucard (voir ci-contre), qui juge que la certification pousse à évoluer sur ses pratiques, ce qui est positif, mais que les inégalités au niveau des IFT par exemple, sont contre-productives. Laurent Brault tempère cette critique, même s’il admet que les IFT maximums sont basés sur les moyennes régionales et non sur les pressions. « Nous avons voulu partir sur un système équitable et non égalitaire, contrairement au bio, rappelle-t-il. On demande à chaque vigneron de diminuer de 50 % par rapport à la moyenne de sa région. Cela reste dans tous les cas un effort important. »

Par ailleurs, la voie B, qui permet d’être certifié dès lors que le coût des intrants phytosanitaires n’excède pas 30 % du chiffre d’affaires du domaine, est jugée scandaleuse par de nombreux acteurs de tous bords. Laurent Brault convient que cette option, imposée par France nature environnement, ne convainc personne. Seules 14 % des exploitations certifiées HVE sont d’ailleurs passées par cette voie, et ce chiffre chute drastiquement lorsque l’on considère les domaines viticoles. « Rien ne plaide plus pour sa conservation », observe l’animateur. Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat fin novembre, Julien Denormandie lui-même convenait que « nous avons un sujet sur le critère retenu pour ce que l’on appelle la voie « B », celle où on examine le pourcentage de phytosanitaire dans le chiffre d’affaires. Nous sommes en cours de revue et il faudra en avoir terminé avant l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC ». Le ministère de l’Agriculture a en effet engagé une étude d’évaluation des performances environnementales pour l’ensemble du dispositif. Les choses devraient donc bouger dans les mois qui viennent. Espérons que ce soit pour le meilleur.

« Nous avons un sujet sur le critère retenu pour ce que l’on appelle la voie B »

 
Laurent Rousseau, des vignobles Rousseau, à Abzac en Gironde

Laurent Rousseau, des vignobles Rousseau, à Abzac en Gironde

« Une démarche intéressante mais les dysfonctionnements et les rabais doivent être supprimés »

« Je suis certifié HVE depuis juin 2012 ; j’ai été l’un des trois premiers audités par l’Afnor. À l’époque, j’avais passé plus de trois semaines à préparer l’audit. C’était un check-up très complet et très lourd de l’exploitation. Cette certification m’a permis de consolider des marchés car j’ai été dans les premiers à proposer la HVE à mes clients. Cela leur a apporté de la sécurité. À présent, tout mon vin est réservé jusqu’en 2023, à de très bons prix. Je vais même devoir augmenter mes surfaces d’une dizaine d’hectares. Mais je passe par une certification totalement indépendante, même si cela coûte plus cher.

Aujourd’hui, plusieurs choses me gênent ; si des acteurs font n’importe quoi, il est normal qu’il y ait des problèmes. Tout d’abord, la voie B est à supprimer car elle n’a aucune cohérence liée à l’environnement. De même, les certifications de groupe ne sont pas fiables et nous emmènent dans le mur. Sur un groupe de 50 exploitations, seulement trois sont auditées, et tout le monde est certifié ! En France, on aime bien avoir des objectifs chiffrés, mais sincèrement, c’est facile que tout le monde soit certifié si on abaisse le niveau de certification. Je souhaite conserver la HVE mais les dysfonctionnements et les rabais doivent être supprimés. Il faut laisser faire de l’environnement aux agriculteurs ; c’est notre cœur de métier. »

 

Philippe Boucard, du domaine Lamé Delisle Boucard, à Coteaux-sur-Loire, en Indre-et-Loire

Philippe Boucard, du domaine Lamé Delisle Boucard, à Coteaux-sur-Loire, en Indre-et-Loire

« Une démarche avec des incohérences mais qui amène à se poser des questions »

« Je suis certifié HVE depuis 2018 suite à la demande d’un client négociant. Je trouve qu’il y a du positif et du négatif. Le bon côté de cette certification est qu’elle amène les vignerons à se poser des questions sur leurs pratiques, à avoir une réflexion sur leurs méthodes de travail. Cela leur met le pied à l’étrier et c’est très positif.

Maintenant, il y a de vraies incohérences notamment sur les IFT. Quand on voit que dans le Centre, l’IFT maximal autorisé pour être certifié est à peu près moitié moins élevé que chez nos voisins champenois alors que les conditions climatiques ne sont pas si différentes que ça, c’est scandaleux. On amène un logo national au consommateur, qui recouvre des grosses différences régionales. Par ailleurs, la voie B est un vrai scandale. Il s’agit d’une prime aux riches qui discrédite tout le monde.

Je pense également que le nom n’est pas du tout adapté. La promesse sémantique est beaucoup trop forte. Le consommateur pense que c’est ce qu’il y a de plus haut en matière d’environnement, or ce n’est pas le cas. Je suis également certifié bio, et c’est beaucoup plus exigeant. Cela m’énerve que l’on mette les deux, HVE et bio, sur un pied d’égalité. »

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